vendredi 27 juillet 2007 par Le Patriote

Fille du célèbre écrivain, Amadou Hampâté Bah, elle veut désormais se faire un prénom dans le monde littéraire. Inna Hampâté Ba vient de publier, Quand la douleur se fait mots , un recueil de poèmes touchants qui porte le cri de c?ur d'une mère meurtrie par le décès brusque de son jeune fils. Rencontre avec un auteur qui naît.

Pensez-vous avoir exorcisé vos douleurs après la publication de ce recueil de poèmes ?
Quand mon fils est parti, au lieu de pleurer, je me mettais à écrire. Mais, avec le temps qui passe, j'ai l'impression de vivre un perpétuel recommencement. Avant-hier (l'entretien a eu lieu mercredi dernier), j'ai eu une forte dépression. Car c'est à cette période que je l'ai laissé partir en colonie de vacances. C'était d'ailleurs la première fois qu'il sortait. Je me dis souvent que peut-être qu'il s'est beaucoup dépensé pendant le mois qu'ils ont vécu à l'étranger et que comme il est de constitution fragile, il n'a pu supporter les déchets (toxiques). Pour moi, c'est comme si tout recommençait.

Combien de temps avez-vous mis pour accoucher ces poèmes ?
J'ai écrit tous les jours. J'ai écrit 100 poèmes en deux mois sans compter les pensées. Ce n'est pas réfléchi. Je me suis laissée guider intuitivement par mes sensations. Ce sont vraiment mes émotions que j'ai libérées. Mes poèmes touchent, magnétisent les gens parce qu'ils viennent directement de l'âme. Parce qu'en les lisant, tu te mets à la place d'une mère qui a perdu son enfant, qui avait 18 ans et était très brillant.

Votre fils est décédé suite à l'intoxication des déchets toxiques. Pensez-vous que l'indemnisation des victimes proposée par l'Etat peut-elle, sans l'effacer, atténuer vos douleurs ?
Elle ne peut, certes, pas remplacer un enfant. Mais quand on jette un regard dans la société et on voit ce qui s'y passe, elle peut atténuer la douleur. Des mères perdrent souvent dans des conditions atroces leur enfant. Un matin, alors que tu t'y attends le moins, on vient t'annoncer que ton enfant qui était au travail vient de décéder. C'est un peu le cas des chauffeurs de gbaka. Cela dit, je refuse de m'étendre sur le sujet car cette affaire est beaucoup médiatisée. Elle est aussi politique et la politique, c'est la partialité.

Après le succès d'estime de votre premier recueil de poèmes, vous préparez déjà un second. Quels autres champs allez-vous explorer dans cette carrière que vous entamez dans la littérature?
C'est surtout l'exploration interne. Mon père a toujours dit, connais-toi toi-même. Quand tu te connais, tu es heureux et tu connais Dieu. Quand tu te connais, tu sais déjà quelle voie choisir. Il n'existe pas un être qui a une vie autant difficile que l'être humain. Tout être marche avec une loi, mais l'être humain marche lui avec deux lois : la loi de la matière et la loi de l'esprit. Il faut marcher sur ces deux rails contraires pour ne pas tomber. Donc, il ne faut pas aller très vite, sans grande maîtrise. Je continuerai dans la poésie et la pensée.

Qu'est-ce qu'écrire vous a justement apporté ?
Cela m'a donné la force d'aller vers l'extérieur. J'étais dans une sorte de bulle. Il fallait que je me révolte pour apporter un témoignage, histoire d'évacuer la douleur qui me tétanisait.

N'avez-vous pas peur dans la carrière que vous allez entreprendre de souffrir de la comparaison avec votre illustre géniteur ?
Pas du tout. C'est ce qui est intéressant dans la spiritualité. C'est la continuité. Il est certes mon père mais c'est d'abord mon maître. Tant qu'on a un maître, on demeure toujours élève. Il n'y a donc pas de problème. C'est dans la matière que l'élève aspire à prendre la place du maître. Sinon dans la spiritualité, l'élève suit le maître parce que ce dernier lui apprend toujours quelque chose. La loi matérielle est une loi de comparaison alors que celle de la spiritualité est une loi de suivi. Etant plus spirituelle que matérielle, cela ne me pose donc aucun problème d'autant que je veux plutôt vivre selon son exemple. Je veux suivre les traces de mon père. Lui-même a vécu selon son maître. Et ce dernier a vécu, à son tour, selon son maître. Oui, j'ai bien envie de vivre comme il a vécu.
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