vendredi 27 juillet 2007 par Notre Voie

A la faveur de la flamme de la paix, les Ivoiriens, quelle que soient leurs différences, doivent montrer aux yeux du monde qu'ils sont attachés à leur pays. Et que ce qui les réunit est plus fort que toute autre considération. Bouaké, près de 5 ans après. Les Ivoiriens se donnent rendez-vous le 30 juillet prochain pour redécouvrir la ville de Bouaké et sceller en lettres d'or la réunification du pays. Dans un même élan du c?ur, ils vont célébrer la paix revenue et tirer un trait sur le douloureux passé récent. Pour accompagner le mouvement qui doit faire date dans l'histoire de la Côte d'Ivoire, l'Etat déclare le lundi prochain, jour du bûcher, férié, chômé et payé. Et, pour préciser les choses, le Premier ministre Guillaume Soro indique que l'événement n'est ni politique, ni religieux, car il s'adresse à tous les Ivoiriens.
Oui, ce passé récent a été douloureux. Les Ivoiriens ont fait connaissance avec la guerre et ses affres ; ils ont touché du doigt les atrocités dont ils n'étaient informés qu'à travers les media. Pire, ils ont connu l'humiliation suprême avec la tentative, plusieurs fois exprimée, de la mise sous tutelle du pays avec son corollaire de suspension de la Constitution. Cette cabale, menée ouvertement par la France, a démarré depuis les assises de Marcoussis où Chirac a fait connaître ses ambitions de recoloniser la Côte d'Ivoire. Mais les Ivoiriens ont bravement résisté. Et, souvent, quand la situation l'imposait, ils ont occupé les rues et fait savoir qu'ils sont des hommes et des femmes dignes de respect. On se souviendra, notamment, des marches gigantesques qui ont noirci la place de la République de monde, les manifestations vigoureuses pour dire non et l'opposition aux soldats français qui venaient enlever le président Gbagbo.
De grandes dates sont à retenir, notamment les 2 octobre 2002, 2 novembre 2002 et 12 février 2003. Il y a surtout la provocation du défunt GTI qui a poussé les Ivoiriens à se lever comme un seul homme pour exprimer leur ras-le-bol devant les actes de mépris de la France qui aiguillonnait la communauté internationale. La colère des Ivoiriens a amené le chef de l'Etat nigérian, qui assurait la présidence de l'Union africaine, à se dédire pour reconnaître qu'il n'appartient pas aux étrangers de dissoudre l'Assemblée nationale. La cerise sur le gâteau a été sans doute la destruction des aéronefs militaires et la tuerie qui s'en est suivie. En effet, devant l'impasse dans laquelle le processus se retrouve plongé, l'Etat de Côte d'Ivoire engage l'opération Dignité pour libérer les zones occupées par la rébellion. L'opération, au dire des militaires et même de diplomates et officiels français, se déroule très bien. Mais, contre toute attente, prétextant la mort de quelques Français qui auraient été tués dans les bombardements, l'aviation française venue de Djibouti s'attaque aux avions stationnés à Yamoussoukro et à Abidjan, les détruisant tous. Les soldats de Chirac iront même jusqu'à accomplir leur sale besogne à l'aide de hache et de gourdin quelquefois. Ceux qui doutaient encore que la France est le véritable auteur de cette crise et que c'est elle qui livre la guerre à la Côte d'Ivoire sont désormais situés.
Quelques heures après, une importante colonne de chars se dirige vers la résidence du chef de l'Etat dans le but, sans aucun doute, de l'enlever et réussir le coup d'Etat derrière lequel Chirac court depuis l'élection du président Gbagbo. Les Ivoiriens, gonflés à bloc, font barrage en se mobilisant par milliers à l'Hôtel Ivoire pour les stopper. Les mains nues, ils s'opposent aux chars. Mais des tireurs d'élite sont postés au 28ème étage de la tour de l'hôtel et dans des hélicoptères. Lâchement, ils abattront de nombreuses personnes et blesseront bon nombre d'entre eux à l'Hôtel Ivoire, sur les ponts reliant le Plateau à Treichville et à Port Bouët. Mais la victoire sera au bout des bras nus et les soldats français rebrousseront chemin. Le calme revenu, les Ivoiriens observent Charles Banny, le deuxième Premier ministre de crise imposé par la communauté internationale. Une longue et douloureuse période de ni paix ni guerre s'installe. C'est alors que le président Gbagbo, que personne n'a voulu écouter jusqu'ici, propose et engage le dialogue direct avec la rébellion, afin de ramener la gestion de la crise en Côte d'Ivoire. Guillaume Soro, secrétaire général des Forces Nouvelles, prend la main tendue du chef de l'Etat et l'accord de Ouaga est signé. C'est le tout premier accord signé exclusivement à l'initiative des Ivoiriens et entre les Ivoiriens belligérants. La volonté partagée d'aller à la paix fera le reste. Curieusement, Guillaume Soro sera le seul Premier ministre de la crise qui donnera respect et considération au Président élu. Pour cela, très tôt, les Ivoiriens l'adoptent et se surprennent même à l'aimer. Il prend place dans leur c?ur. Le bûcher de la paix que Guillaume Soro et le président Gbagbo vont allumer dans quelques heures est donc le résultat d'une volonté commune de toutes les parties belligérantes d'aller à la paix. Les Ivoiriens, pour montrer leur volonté de tourner la page, vont effectuer nombreux le déplacement. Qu'ils dorment à la belle étoile ou qu'ils n'aient qu'un bout de pain à manger, ils doivent y être et ils promettent d'y être. Cette mobilisation représente trop de choses pour les Ivoiriens pour qu'ils la boudent. D'abord, deux parties du pays se sont, du moins dans l'imagerie de la France et selon sa volonté, regardé en chiens de faïence durant cinq années. Ensuite, deux armées, après des affrontements meurtriers, ont décidé de déposer les armes. Enfin, l'économie du pays n'en pouvait plus. Autant de situations qui, entre autres, sont insupportables pour qui aime sa patrie. Or, le point positif de cette crise est que les Ivoiriens ont appris à aimer leur pays. Qu'ils viennent de l'Est, de l'Ouest, du Sud ou du Nord, ils ont désormais en commun l'amour de leur pays. Ce patriotisme et ce nationalisme nés dans la douleur représentent désormais la première source de richesse de la Côte d'Ivoire. Et elle doit se ressouder pour aller à l'assaut de son indépendance vraie et de sa souveraineté. Si les Ivoiriens aiment leur pays, les autres les respecteront. C'est pourquoi ils iront tous à Bouaké quoi que cela leur en coûte.

Paul D. Tayoro
ptayoro@yahoo.fr

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