vendredi 27 juillet 2007 par L'intelligent d'Abidjan

Répondant à un journaliste qui lui faisait remarquer que son voyage du Gabon et du Sénégal ne marquait pas une rupture avec la France-Afrique chiraquienne, le président Nicolas Sarkozy l'a reconnu mais objecté en même temps qu'il ne peut faire l'impasse sur des pays où la France a une base militaire.
Si la parole d'un homme politique n'est pas parole d'évangile, à tout le moins, elle exige un minimum d'exégèse. Il convient donc de décrypter ces propos du locataire de l'Elysée. Il est vrai que la raison brandie officiellement par Nicolas Sarkozy pour justifier les détours librevillois et dakarois, tient à une sorte d'africanisme auquel il a dû se soumettre: le droit d'aînesse, le " grandfrérisme " comme on le dirait en Afrique, mais la gérontocratie pour bien dire les choses. En tout cas, pour le voyage du Gabon c'est ce qui a prévalu. Le président Sarkozy expliquant qu'Omar Bongo Ondimba est le doyen des chefs d'Etat africains. Entendons que le président gabonais 72 ans, détient le record de longévité au pouvoir.. Et Abdoulaye Wade alors ? A 81 ans, il n'a eu qu'un mandat et entame à peine son second. Rien à voir avec les 40 ans de règne du natif du Haut-Ogooué, deuxième chef d'Etat gabonais, monté au trône à 32 ans. Mais le président sénégalais, est biologiquement parlant, le doyen des chefs d'Etat africains, même s'il ne gouverne à Dakar que depuis l'âge de 74 ans.
Le chef de l'Etat français, en rendant visite à Bongo et à Wade, les deux doyens, voulait sans doute respecter un certain parallélisme des formes. Toutefois, il convient de retenir que le Gabon (800 hommes) et le Sénégal (1100 hommes) font partie des cinq pays africains qui abritent chacun une base militaire française. Les trois autres étant Djibouti (2800 hommes), le Tchad (1000 hommes) et la Côte d'Ivoire (1000 hommes du 43ème BIMA, en plus des 4 000 soldats actuels de la Force Licorne).
En ne visitant, pour ce premier voyage officiel en Afrique, que le Gabon et le Sénégal, le président de la République française, veut-il porter le message que la France s'apprête à démanteler son dispositif militaire en Côte d'Ivoire, au Tchad et à Djibouti ? Quoique cette probabilité concernant le dernier pays cité reste très minime, en raison des intérêts stratégiques (accès à la Mer Rouge et au Golfe Persique, relais pour des opérations de projection, et terrain d'entraînement en conditions arides). En visite à Dakar il y a quelques temps, le président Chirac avait clairement laissé entendre que cette éventualité était envisageable, surtout si dans le pays d'accueil, la base militaire française était indésirable. "La France ne s'accrocherait pas, surtout si on lui demandait de partir ", avait-il déclaré. Allusion toute faite à la Côte d'Ivoire. Pays où en novembre 2004, la Force Licorne s'était négativement illustrée en tirant à balles réelles sur des manifestants, suscitant la colère de la population et des autorités. Il en avait résulté un sentiment anti français, et du coup, un regain de tension entre Abidjan et Paris. En réalité, la France ne peut faire autrement que de fermer certaines bases militaires en Afrique. Il y a de nouvelles donnes géostratégiques. La guerre froide qui avait obligé les Américains à lui confier le rôle de gendarme de l'Afrique, fait désormais partie de l'histoire. La gestion du contient noir n'est plus son apanage, les autres puissances arrivent en force, et donc elle préfère se tourner vers l'Europe de l'Est et son ancien empire du Sud.

Jacques MIAN

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