vendredi 27 juillet 2007 par Le Front

Seul entraîneur ivoirien à avoir remporté la coupe d'Afrique des Nations avec les Eléphants, Yéo Paul Martial est aujourd'hui directeur technique national de Côte d'Ivoire. Dans cet entretien, le héros de Sénégal 92 nous parle de l'institution qu'il dirige, donne son avis sur la performance actuelle des Eléphants de Côte d'Ivoire et des chances de ceux-ci à la prochaine Can, au Ghana, en 2008.


M. Yéo Paul Martial, vous êtes le directeur technique national de football de Côte d'Ivoire. Dites-nous quand est-ce que la DTN a été créée, quelles sont ses attributions et son fonctionnement ?

La DTN a été créée en septembre 2004, nous sommes donc à notre troisième année maintenant. Nous finissons notre programme quadriennal 2004-2007. Et la DTN est composée comme suit. Un directeur technique national et trois adjoints. Les 3 adjoints sont Kaé Oulaï Gabriel, qui est le premier adjoint chargé de la formation des formateurs, Michel Troin, chargé du centre technique national et des équipes de jeunes. Enfin, il y a Gbonké Tia Martin qui est DTN adjoint, chargé des compétitions des jeunes. Comme le président de la fédération ivoirienne de football (Fif) l'a dit, tous les 3 adjoints ont la même qualité. C'est-à-dire que tous sont égaux et sont sous les ordres du directeur technique national que je suis. Toutes leurs activités doivent être sous ma supervision. Et du directeur technique national que je suis, nous passons par le deuxième vice-président M. Djédjé Benjamin. Qui est lui, responsable de la commission du développement technique national. Et c'est par lui que nous passons pour atteindre le président de la Fif. Les objectifs de la DTN sont avant tout la formation. La formation à tous les niveaux. D'abord, la formation des formateurs. Qui vont être formés pour avoir à charge les centres de formation et ensuite les clubs. Concernant les activités, il faut dire que nous avons effectué beaucoup de séminaires de formation pour les encadreurs de D2, de D3, et même de ligue 1. Nous aurons aussi les stages pour la licence C1 et pour la licence C2, c'est pour ceux qu'on appelait à l'époque animateurs. Et puis après, on aura la licence B qui était le premier degré à l'époque. Enfin, on aura la licence A, qui est le deuxième degré Mais nous ferons venir ici à Abidjan, des experts pour la formation à partir de la licence A.

Qu'est-ce que vous faites d'autres à part la formation ?

Nous nous occupons aussi du développement du football en Côte d'Ivoire. Et cela passe justement par la formation des jeunes. Le président Jacques Anouma a mis son mandat actuel sous le signe de la formation. Et, qui dit formation, parle des jeunes de 6 à 17 ans. C'est donc sur cette tranche d'âge que le président de la Fif compte jeter son dévolu. Parce qu'il n'y a que par la formation que nous pourrons maintenir assez longtemps, le flambeau que nous tenons aujourd'hui au niveau du football africain et même au niveau du football international. Aujourd'hui, nous avons répertorié plus de 80 jeunes dans le monde entier. Au niveau des équipes A en Europe. Et, plus de 200 jeunes qui font partie de l'effectif d'autres équipes de D1 au niveau de l'Afrique et de D2, en Europe. C'est dire que nous faisons de la formation. Et quand on dit formation, il faut parfois prendre les compétitions comme étapes d'évaluation. D'évaluation par rapport à la qualité physique, au collectif. Et laisser plus ou moins les résultats. Car, si l'on veut regarder les résultats uniquement, nous n'aurions pas eu cette équipe espoir que nous avons aujourd'hui. Parce que c'est pratiquement l'équipe junior qui a fait fiasco à Cotonou, il y a 2 ans. Il faut savoir qu'à une certaine croissance rapide de la jeunesse, on devient très maladroit et on n'est pas à son plein niveau. Mais après quand tout se consolide, on retrouve toutes les qualités du joueur. Ce qui est sûr, nous au niveau de la DTN, nous gardons la tête froide. Car, nous connaissons les raisons de certains échecs en ce qui concerne les jeunes. Car c'est surtout l'évaluation des jeunes qui nous intéresse.

Vous avez tout à l'heure dit qu'une des attributions de la DTN, c'est de détecter les joueurs ivoiriens de l'extérieur. Qui veulent évoluer au sein de l'équipe nationale ? Combien sont-ils, ces joueurs ivoiriens de l'étranger ?

Le nombre n'est pas encore bien arrêté. Mais au niveau des jeunes, on a plus de 80. Et ça c'est uniquement au niveau de l'Europe. Car il y en a beaucoup en Afrique du Nord notamment en Tunisie, au Maroc, etc. Quand vous arrivez au Maroc, en Tunisie, vous êtes ?'agressés'' par des jeunes ivoiriens qui y sont. Et qui y jouent. C'est difficile aujourd'hui de freiner cet exode de nos jeunes joueurs.

Coach, vous avez parlé tout à l'heure de vos adjoints. Alors que la DTN a encore d'autres travailleurs ici ?

Au niveau des 3 adjoints, il y a aussi d'autres entraîneurs sous leurs ordres. Par exemples, Michel Troin a sous sa coupole, tous les sélectionneurs nationaux des jeunes. Le sélectionneur national du football féminin est sous la coupe du DTN que je suis. Ensuite, il y a comme membre de la DTN, Bohé Norbert qui s'occupe d'une certaine coordination au niveau des équipes qui ont besoin d'aide, il y a Timité Vassouleymane qui est lui chargé des observations. Et qui s'occupe aussi de la planification, de la détection et de tout ce qui a trait aux effets scientifiques de l'entraînement. Il y a aussi N'guessan Clément qui s'occupe de la logistique. C'est-à-dire la vidéothèque, la bibliothèque et tout ce qu'on a comme rétroprojecteurs, de l'audio-visuel et des archives. Il est en quelque sorte celui qui s'occupe de la mémoire de la DTN. Il y a aussi Gouamené Alain qui coache les U15 et des U17 et Michel Troin qui a, lui, les U20. Et qui coiffe en fait les U15 U17 et U20. Ces entraîneurs travaillent en toute indépendance, contrairement à ce que d'aucuns laissent entendre. L'équipe nationale féminine est coachée par Adélaïde. Nous la faisions aider par Clémentine qui, elle, est à l'heure actuelle, l'entraîneur de l'équipe féminine nationale de Guinée équatoriale. Car la Fifa nous recommande de permettre aux femmes de s'affirmer progressivement. Ce que nous faisons.

Pouvez-vous nous faire un bref bilan des 3 années d'existence de la DTN. Et nous dire ce que la DTN a exactement porté au football ivoirien ?

Parlant du bilan de ces 3 années, il faut dire que nous avons fait un plan quadriennal, dès notre arrivée. Plan que nous avons acheminé à la Fifa, à sa demande. Et nous nous efforçons de suivre ce plan régulièrement en ce qui concerne la formation des formateurs, de la promotion des jeunes, des compétitions des jeunes et du football féminin. Nous avons donc pour l'instant ces actions qui nous ont permis d'apporter des développements au niveau des centres de formation et au niveau du fichier des jeunes qui sont aujourd'hui dans les centres de formation. Nous avons donc réussi à répertorier tous les centres de formation et tous les jeunes qui y sont. Même s'il y a encore certains centres qui travaillent dans l'anonymat. Au total, nous avons 240 centres de formation répertoriés. Et nous avons même fait une caravane pour la classification de ces centres de formation. Cette classification nous a permis de catégoriser ces centres. Cela nous permettra aussi de faire un championnat de jeunes par catégories. Pour notre part, les objectifs fixés par le président Jacques Anouma ont été pratiquement atteints. Puisque nous avons pu avoir régulièrement des sélections des moins de 13 ans qui préparaient les moins de 15 ans, des sélections des moins de 15 ans qui préparaient les moins de 17 ans et des sélections des moins de 17 ans qui préparaient les moins de 20 ans. Donc nous pouvons dire que nous sommes dans les normes. Nous sommes dans les normes également en ce sens que ces équipes de jeunes sont effectivement des équipes de jeunes. Et travaillent non pas pour des résultats immédiats mais dans le long terme. L'une de nos satisfactions, c'est de voir ces jeunes-là grandir morphologiquement et dans l'apprentissage. Malgré les résultats qui sont souvent mitigés. Arrivés au stade des seniors, c'est-à-dire, 20-21 ans, ils commencent à avoir des résultats probants. Dans la mesure où nous avons eu les résultats de la francophonie avec les juniors de Cotonou et aujourd'hui nous avons les résultats de Toulon, avec les joueurs du Pérou. Et je crois qu'il faut qu'on se dise que nous sommes sur la bonne voie. Par ailleurs, nous sommes très souvent cités en exemple quand nous nous déplaçons à l'étranger. Cela nous fait plaisir et nous encourage à ne pas dormir sur nos lauriers. Car, nous disons qu'il faut que d'autres Drogba remplacent cette génération des Eléphants . Quand ces dernières seront au soir de leur carrière. C'est pour cela que nous sommes-là. Récemment, j'étais en France où j'ai pu m'imprégner des activités de la DTN française. Le contenu des cours des formateurs et des honoraires sont sensiblement pareils aux nôtres. Il y a seulement une différence de 5 heures ou de 3 heures pour certains programmes. Cela veut dire que nous sommes sur la bonne voie.

Pourtant 3 ans en arrière, la DTN n'existait pas. Est-ce à dire que c'était un vide que Jacques Anouma voulait combler. Le cadre technique national qui abrite votre direction, est-il le laboratoire idéal ?

Si la DTN existe aujourd'hui, c'est de la volonté absolue du président Jacques Anouma. Qui voulait une DTN comme elle l'est dans les grands pays de football. Avec le poste de vice-président de la Fif chargé du développement technique, poste occupé par Djédjé Benjamin, donne une autre envergure à la DTN. Cela signifie qu'il y a une volonté de changement dans le progrès. Je crois qu'une DTN comme la nôtre, ce n'est pas pour nous vanter, est à l'image des DTN modernes d'aujourd'hui. Qui ne sont pas des DTN qui s'occupent des équipes A, mais plutôt du développement du football du pays. Le cas le plus patent est celui de la France avec Aimé Jacquet. Ce dernier est effacé. Mais il travaille beaucoup dans l'ombre pour le développement du football français. Le second volet dont vous parlez est clair. Le centre technique national va progressivement, devenir le laboratoire du football ivoirien. Il sera dirigé par Michel Troin qui est quelqu'un qui a une formation poussée dans la formation des jeunes. Toute sa vie durant, il a fait de la formation au niveau du club français de Cannes. C'est donc un vrai homme de terrain. Nous, nous ne ferons que l'épauler pour qu'il réussisse sa mission. Le centre technique national va donc servir de tremplin pour les équipes nationales de football.

M. Yéo Martial, quelles sont les relations de la DTN avec les autres entraîneurs des sélections ivoiriennes ?

Les autres sélectionneurs sont Ulrich Stielike et Gérard Gili. Les autres sont avec nous, à la DTN, notamment Alain Gouaméné et Michel Troin. Gérard Gili, c'est un ami de très longue date. Pour moi, cette collaboration est beaucoup facilitée par l'amitié qui nous lie. D'ailleurs, il travaille avec des adjoints, Kouadio Georges et Assamou, qui ont été sous ma coupe. Ulrich Stielike était avec nous à Toulon. Où il était à mes côtés. Il vient souvent nous voir à la DTN, quand il en a l'occasion. A son arrivée, nous devions jouer contre l'équipe du Gabon qu'il ne connaissait pas assez. Il nous a donc contacté pour que nous fassions l'observation de l'équipe du Gabon. C'est comme ça que nous travaillons en collaboration avec l'équipe nationale A et les Espoirs. C'est vraiment toute une grande équipe qui est formée par la DTN et les sélectionneurs nationaux.

Coach, il y a eu des contestations après les classifications des centres de formation. Des responsables de centres ont dit que l'effectif a pesé pour beaucoup dans cette catégorisation. Le président Jacques Anouma lui-même en a eu l'écho. Et il aurait demandé en son temps la reprise de cette classification des centres de formation. Qu'en est-il exactement ?

Je vais vous dire la vérité. Il y a des centres qui ont pensé que nous étions corruptibles. Je ne tremble pas devant l'argent. Des centres qui ne remplissaient pas nos critères de classification se sont dit qu'ils devraient être bien classés. Il y a des centres qui ont tout sauf l'essentiel. C'est-à-dire, un encadreur qualifié. Pensez-vous que ça c'est un centre de formation ? Moi je dis non. Le premier critère d'évaluation d'un centre, pour nous, c'est la qualification des encadreurs. Voilà pourquoi des centres ont cru que nous avons fait du favoritisme. Quand ils se sont plaints au président, nous avons présenté au président Jacques Anouma les photos et les films que nous avons faits. Même en Côte d'Ivoire, l'on a toujours contesté les résultats des concours. Mais ce n'est pas pour autant que les résultats ne sortent pas.

Yéo Martial, notre équipe senior A est presque qualifiée pour Ghana 2008. Pensez-vous que cette année sera la bonne ? Et selon vous qu'est-ce qui manque à cette génération de joueurs par rapport à celle qui a remporté la Can 92, au Sénégal, sous votre houlette ?

C'est vrai que nous allons nous qualifier pour la Can 2008 au Ghana. Ce qui est aussi vrai, c'est que nous serons la cible de toutes les équipes. Notre autre atout, c'est que, contrairement à la Can 2006, au Caire, nos joueurs savent ce que c'est que la haute compétition, la coupe d'Afrique des nations et la coupe du monde. L'autre élément positif, c'est que les difficultés que nous avions au niveau de la défense, sont en train d'être résolues depuis l'arrivée de Stielike. Cette défense n'a pris aucun but depuis les rencontres officielles auxquelles nous prenons part. L'autre atout majeur, c'est notre attaque. Je crois donc que nous sommes sur la bonne voie. Entre la génération 92 et celle d'aujourd'hui, c'est la solidarité qui manque à nos joueurs. Je le dis haut et fort, je souhaite vivement que les Eléphants soient solidaires entre eux. Pour moi, j'ai été à la Can et à la coupe du monde, nous avons franchement manqué de solidarité. Si nous étions réellement soudés, aucune équipe d'Afrique ne nous résisterait. Si nous voulons ramener la coupe d'Afrique du Ghana, en 2008, il faut que nos joueurs soient réellement soudés et solidaires jusqu'au bout. Car, c'est la solidarité qui nous a aidés à Sénégal 92.



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