vendredi 27 juillet 2007 par Le Front

Blé Blé Charles, président de la Nouvelle Alliance démocratique de Côte d'Ivoire pour la justice, le développement et la paix (Nadci-Jdp) a récemment viré au Front populaire ivoirien (Fpi), avec son parti. Au-delà de ce que l'on serait tenté d'appeler transhumance politique, l'ex-maire de Saïoua justifie sa décision dans la nouvelle donne politique du moment. Nous l'avons rencontré. Entretien.


Blé Blé Charles, vous êtes le président de la Nouvelle Alliance Démocratique de Côte d'Ivoire pour la justice, le développement et la paix (Nadci-Jdp). Vous avez animé récemment une conférence de presse où vous indiquiez que vous retournez au Front populaire ivoirien pour aider votre camarade Laurent Gbagbo à accomplir l'acte pour lequel il a été élu président de la république de Côte d'Ivoire. Pouvez-vous nous donner les raisons-clefs de votre retour au bercail ?

En 1990, lorsque nous avions décidé de nous opposer au Pdci, c'était tout un projet. C'était pour changer la vie sociale, politique et économique de la Côte d'Ivoire. Donc ce n'était pas une opposition pour s'opposer juste au Président Houphouët-Boigny. Mais plutôt pour transformer la Côte d'Ivoire. Cette lutte a engendré le multipartisme. Et elle devrait se poursuivre pour d'autres améliorations. C'est-à-dire, l'avènement de la démocratie elle-même. Il se trouve qu'il y a eu un coup d'Etat, suivi d'une guerre qui a engendrée une riposte que vous connaissez. Tout cela a conduit a un projet qui a perdu quelque peu son visage. Qui a quitté son chemin. J'ai sans doute, et par la force des choses, pu garder notre perspective originelle ayant contre mon gré d'ailleurs été mis en retrait du pouvoir acquis en 2000. J'ai donc continué à émettre des critiques dès 2003 pour dire qu'il serait dommage d'oublier le projet dans lequel nous étions, au prétexte qu'il est survenu une guerre. Ce fut là le fondement et la logique des critiques que j'ai eues à faire : des critiques principielles, par principe, pour les principes, sur les principes que nous avions édictés ou annoncés. Aujourd'hui, par l'accord de Ouagadougou, le président Gbagbo a fort opportunément réinscrit la gestion des affaires de l'Etat dans un processus de paix. Je ne peux qu'applaudir, ayant retrouvé le Laurent Gbagbo que je connais. La deuxième raison est personnelle. Il m'avait été porté, une série de calomnies, de médisances, etc Trouvant cela injustifié, je n'ai pu voir mon salut que dans le silence dans un premier temps, dans l'éloignement ensuite et dans l'affirmation de mes points de vue finalement. Or pour moi, Saïoua était un véritable champ d'application des théories politiques, un véritable projet politique, un projet de réalisation de nos ambitions locales et nationales. M'en éloigner cause une profonde déchirure, un éloignement de ma famille, de mes affaires. J'en ai été meurtri et amer à certains égards Aujourd'hui, les rumeurs et les suspicions se sont dissipées avec la venue des Forces nouvelles à la Primature. Je ne fais pas partie. La nomination de Guillaume Soro au poste de Premier ministre, est pour moi, à titre personnel une réhabilitation. Tellement les gens se sont servis d'eux pour m'atteindre. En un mot, ces deux évènements conjugués m'ont réinscrit dans ma famille. J'avais prévenu dès le départ mes partisans que nous ne serons pas une force de division, mais une force de proposition pour bâtir et pour apporter le bien-être aux Ivoiriens si possible au sein de notre famille d'origine. Comme vous voyez, les critiques ne m'ont pas empêché de garder une certaine cohérence.

Lors de cette conférence de presse, vous avez pris pour prétexte l'image de la culture Bété pour justifier votre retour au Fpi. Cette image choisie par vous, ne confirme-t-elle pas l'idée que le Fpi n'est rien d'autre qu'un parti tribaliste ?

Vous faites une erreur parce que vous faites une association qui ne tient pas. Le fait d'avoir une culture et de la comprendre pour y prendre une image, un enseignement est une bonne chose, un atout. Si vous ne maîtrisez pas votre culture, vous n'avez pas de référentiel. Je suis d'ailleurs un adepte des valeurs et des principes démocratiques comme le peuple ivoirien a pu l'observer ces dernières années, mais aussi depuis 1990. La culture, elle renvoie à votre référentiel de base. Avoir un référentiel culturel dans ce que vous faites ne peut rien faire d'autre que vous enrichir. Alors là, je prends des images qui peuvent aider tous ceux qui sont présents à la conférence à comprendre. Ceux de ma région comprennent immédiatement. Pour les autres, j'explique et je les enrichis.

Blé Blé Charles, vous avez annoncé que vous rejoignez le Fpi avec votre parti. Est-ce à dire que l'on va assister à la mort du parti ?

Non puisque je pars avec le parti, il ne meurt pas. Mais d'une façon générale, ce sont les ralliements, les apparentements, les unions qui permettent de gagner en politique. Dans un premier temps, nous étions dans un ralliement au président de la république pour les actes posés et visés ci-dessus. Maintenant l'accueil exceptionnel qui m'est réservé par les militants du FPI ainsi qu'à ceux de mon parti va à coup sûr nous entraîner vers une plus grande insertion au sein du FPI. Je remercie d'ailleurs publiquement, le Président du FPI, le Premier ministre Affi qui m'a tout de suite reçu et témoigner de sa fraternelle camaraderie. D'autres hauts cadres ont réagi positivement. Je ne me suis donc pas trompé. Il aurait été étonnant que demain le président Gbagbo tende la main à des cadres venant du PDCI, du RDR, des Forces nouvelles et que je sois rejeté avec les miens et tous ceux qui ont été à un moment éloignés.

Mais vous êtes un homme politique, vous allez certainement briguer la municipalité de Saïoua, votre région d'origine, ne peut-on pas craindre une adversité à ce niveau ? Surtout que Saïoua est un bastion réputé du Fpi ? Est-ce que les mêmes causes ne vont pas entraîner les mêmes effets ?

Si les mêmes causes entraînent les mêmes effets, c'est que je suis un homme averti. Les effets seront alors cette fois-ci, beaucoup amoindris ! Lorsqu'on se rallie, je pense qu'on a beaucoup de raisons de s'entendre pour ne pas que les mêmes problèmes se créent. Mais je pense que chacun sait ce qu'il peut mieux apporter ici ou là. Ce sont donc des choses qui se gèrent avec compréhension, esprit de camaraderie et volonté d'aller à l'efficacité. Ceci étant, je n'ai pas encore décidé de briguer un poste quelconque. Nous aviserons ensemble, avec la direction du FPI et les militants.

Un appel ?

Je voudrais dire aux Ivoiriens qu'en retrouvant ma famille, c'est d'abord la Côte d'Ivoire qui gagne. Nul ne peut ?être heureux loin de sa famille, de ce qu'il a aidé à construire. A quoi me servirait de crier tout le temps qu'on m'a spolié, que je suis fâché, que j'en veux à tout le monde ? J'ai passé l'éponge sans chantage ou exigence de quelle que nature que ce soit. Dieu pourvoira, et j'ai toute ma confiance dans le Président qui me connaît. Je suis déjà heureux que le peuple de Yocolo chante et danse. Il faudrait donc qu'il n'y ait pas beaucoup d'émotion chez d'autres Ivoiriens pour cela. Qu'un Ivoirien choisisse un camp ou pas, il doit travailler pour la Côte d'Ivoire. Et, il faut que chacun soit dans le camp qui lui appartient. Je crois que ce qu'il faut apporter à la Côte d'Ivoire qui sort de la guerre, est tellement important que logiquement on doit aller vers un gouvernement de coalition. Pour l'utilisation de toutes les compétences. Mon dernier mot sera pour tous les éloignés du FPI, déçus, dépités, désenchantés, désappointés, désillusionnés, je dis : revenez mes frères, nous avons construit la maison, elle est maintenant habitable, il n'y a pas de raison que vous restiez sur la pluie alors que le Président a les bras ouverts pour tous. Allons à la consolidation de la maison. Le président accueille tous ceux qui viennent du RDR, du PDCI et d'ailleurs, à plus forte raison vous qu'il connaît déjà, si vous le voulez, joignez-moi, nous irons ensemble auprès de lui .



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