jeudi 26 juillet 2007 par Notre Voie

M. Houlaï Bernard Tiabas a claqué la porte lors d'un récent séminaire sur la politique africaine de la France. Il donne, ici, les raisons de sa colère. Notre Voie : M. Houlaï Bernard Tiabas, pourquoi avez-vous claqué la porte lors du séminaire organisé par la Fondation nationale des sciences politiques ?
Houlaï Bernard Tiabas : Lorsque j'ai appris qu'un séminaire se tenait, à l'initiative de la Fondation nationale des sciences politiques, sur le thème : Après les élections, quelle politique africaine pour la France ??, j'ai été attiré, pour satisfaire ma curiosité sur deux points. Premièrement, la présence de l'ambassadeur de France comme invité d'honneur me laissait croire que ce dernier serait porteur d'un message de son nouveau président à propos des relations de la Côte d'Ivoire avec la France. Or ce dernier ne nous a servi que du réchauffé portant sur les déclarations du candidat Sarkozy ; déclarations qui, entre autres, ne manifestaient aucune sympathie à l'égard du Président ivoirien. Rien sur l'accord de Ouagadougou! Rien sur l'attentat meurtrier du 29 juin 2007 à Bouaké ! Rien de nouveau donc !
Deuxièmement, aller comprendre le pourquoi d'un tel thème de réflexion et l'impact qu'il peut avoir pour la paix en Côte d'Ivoire, cette paix dont le chemin est parsemé d'embûches meurtrières. A cet égard, nous, Ivoiriens, avons besoin de la réflexion féconde, pour consolider le processus de paix. Au lieu de cela, il nous est proposé un exercice de spéculation politicienne, de nature à détourner notre attention de l'objet principal qui occupe tous les Ivoiriens : comment réussir une sortie de crise selon notre génie propre ?
D'après ce que j'ai entendu, il m'était difficile d'apporter mon adhésion à cette coterie intellectuelle qui, de loin, ne me donnait nullement satisfaction quant à la forme et quant au fond.
Ma longue expérience du système colonial et néo-colonial ne pouvait se prêter à ce jeu. C'est une question de vigilance nourrie par les épreuves de la vie. N.V : Qu'y avait-il d'inconvenant dans la forme et dans le fond ?
H.B.T. Dans la forme, l'intitulé du thème apparaît comme une dérobade. Nous savons que la Côte d'Ivoire est l'un des pays qui ont maille à partir avec la France, à cause de la perpétuation de sa politique coloniale. Alors pourquoi parler de la politique africaine de la France?, alors que le séminaire pouvait se focaliser directement sur l'éventuelle activation des relations entre la France et notre pays à l'heure du Président Sarkozy ? Nous savons que, dans ce qu'on appelle son pré-carré, la France n'a aucun problème avec les autres pays. Pourquoi vouloir louvoyer pour noyer dans du général les rapports spécifiques que notre pays a avec la France ?
Dans le fond, il faut savoir que je me considère comme l'un des défenseurs de la souveraineté nationale. Par conséquent je m'interdis de faire de la spéculation sur la politique intérieure d'un autre pays, quel qu'il soit. C'est une contradiction qui heurte ma conscience patriotique. J'en fais un problème de morale politique. Je pense qu'en s'employant à juguler leur crise, les Ivoiriens doivent inviter le nouveau Président français à retirer la force Licorne de notre pays, au lieu de biaiser. Il n'est pas opportun de faire de la spéculation inutile sur ce que celui-là va faire ou non, à partir d'Abidjan. La non- immixion dans les affaires intérieures d'un Etat n'est pas à sens unique. C'est une question de morale politique. N.V : Ne pensez-vous pas qu'il aurait été préférable de rester pour défendre votre point de vue ?
H.B.T. Je me suis aperçu que c'est un séminaire de récréation intellectuelle. Je ne voulais pas y perdre mon temps, pendant que d'autres Ivoiriens cherchent les voies et moyens, la peur au ventre, à cause de l'insécurité qui nous environne, à surmonter les durs moments de leur vie. Je m'étais trompé de séminaire ; et celui-ci m'apparaissait sans objet..N.V: Pourquoi mettez-vous en cause la présence de certaines autorités officielles ?
H.B.T. : Pour tout le mal que la France a fait en Côte d'Ivoire et qui l'a mise dans la situation qu'elle vit, je trouve anormal qu'un membre du gouvernement se prête à ce jeu de spéculation intellectuelle relative à nos relations avec elle, en situation ambiguë, voire sur un strapontin, à un séminaire privé dit stratégique. Une telle présence signifierait-elle que le gouvernement ivoirien y était partie prenante ? La devise ou le programme d'action de la Fondation est : réfléchir, proposer, influencer. A quel titre une personnalité proche du Président de la République honore-t-elle de sa présence un tel forum? Je me suis senti mal à l'aise. N.V : Qu'auriez-vous souhaité ?
H.B.T : Mon souhait est que des tribunes spéciales soient organisées pour examiner le contentieux franco-ivoirien de façon particulière, si tel était le v?u du nouveau pouvoir en France. Une diplomatie souterraine pourrait être mise en ?uvre pour cela. Les Ivoiriens souhaitent, sans doute, la normalisation des relations de leur pays avec la France. Certes, mais pas à n'importe quel prix et en n'importe quel lieu, à cause de la sensibilité et de la gravité du problème. C'est une question de principe sans lequel, l'action s'égare...


Interview réalisée par Augustin Kouyo

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