jeudi 26 juillet 2007 par Fraternité Matin

Le chef d'état-major, à titre exceptionnel, général de brigade est mort, hier, à Abidjan. La Côte d'Ivoire est en deuil ! Ou, ce qui revient au même, les Forces armées nationales. Hier, en effet, à 6h 30 du matin, celui qui avait porté jusqu'à la passion le patriotisme ivoirien, au service des armes, s'est éteint dans une clinique de la place. Il s'appelait Zézé Barouan. Un nom, une légende à conter, en ces moments où le métier des armes semble être dévoyé. Au nom d'un patriotisme qui est de saison.
Il boit, très tôt, à la soupe des armes, à l'âge de 13 ans. Fasciné, dit-on, par le métier des armes, par son père adoptif, policier de son état, il entre dans les ordres. A l'Ecole des troupes de Bingerville. Enfant de la 2ème promotion, il passe le concours et entre à Dakar, St- Louis, à l'école militaire. Son parcours suivra le chemin de l'enfant des troupes. Il devient, après le concours d'entrée à l'Ecole de formation des officiers d'Outre-mer, OFORTOM, camarade de promo de Seyni Kountchié, Mathieu Kérékou, Lansana Conté, Lamizana En leur compagnie, il fait le v?u, comme un pacte de sang, au retour d'Indochine, blessé de guerre, de ne jamais faire la guerre des Africains contre la France. Aussi refusera- t- il d'aller faire la guerre en Algérie.
Des privations ont suivi, des frustrations aussi, comme celle où, reçu au concours d'entrée à l'Ecole de gendarmerie de Melun, en France, il n'y sera pasadmis. .Mais jamais elles n'ont ébranlé sa soif mâle entêtée d'affirmer son moi. A quelque chose malheur est bon, dit-on. En 1959, le Président Félix Houphouet Boigny, sur présentation des autorités françaises de l'époque, le prend comme aide de camp. En remplacement du Commandant Sanon, un Voltaïque, on dirait, aujourd'hui Burkinabé. Houphouet-Boigny lui remet, dit-on, une importante somme d'argent pour choisir les tissus de la future armée ivoirienne indépendante.
L'homme, Zézé Barouan, avait, auparavant, fait le serment de ne jamais tirer une balle contre un Ivoirien, encore moins salir le drapeau ivoirien. C'était sa conviction. Rien à voir avec ceux qui sont venus après lui. Premier aide de camp du président Félix Houphouët-Boigny, il avait créé, entre autres, la garde présidentielle qu'il dotera d'un hymne baoulé, en collaboration avec le vieux N'Goh, à la gloire du premier président de la République de Côte d'Ivoire. Mis en disponibilité pour des raisons de protocole, pendant cinq ans, par son ministre de tutelle le Président de la République, malgré tout, ne manquera pas de prendre de ses nouvelles, et de lui dire qu'il réintégrera l'armée avec le grade qu'il aurait eu s'il était resté. En 1974, il revient en force.
De 74 à 75, il prend le commandement de l'EFA de Bouaké. C'est une première dans l'histoire de la Côte d'Ivoire. Il sera, par la suite, promu au grade de Lieutenant-colonel, commandant du 3 ème bataillon de Bouaké, en tant que colonel de la 3ème région militaire.
Le 1er Janvier 1979, Félix Houphouet-Boigny le nomme, de façon exceptionnelle, Chef d'état major, général de brigade, pour services rendus à la Nation ivoirienne. En 1983, Général de division, la France lui adresse ses reconnaissances éternelles , pour services rendus en Indochine et le distingue Commandeur de la Légion d'honneur ; le seul grade qu'aucun Ivoirien n'a eu, à part, sans aucun doute, Félix Houphouet-boigny.
Cité dans plusieurs Ordres, en octobre 1987, comme pour le mettre à le retraite de cette vie qu'il avait affectionnée passionnément, il est nommé ambassadeur au Brésil, en Colombie, puis en Centrafrique, en 1993, à la mort du premier président ivoirien. Il refusera de servir à ce dernier poste, estimant que d'autres mieux que lui, pouvaient remplir cette obligation.
Resté en marge de la vie politique, il apparaît à deux reprises aux Ivoiriens. La première, le 4 juillet 2000. Pour condamner la mutinerie, lors de la prise de pouvoir du CNP du Gl Gueï. Il rappellera, à cette occasion, que les armes que les militaires portent sont la propriété exclusive des Ivoiriens, qui les paient avec leur argent et leurs impôts. Dans le même élan, le 22 septembre, il sera le premier officiel, après le Président Gbagbo, à condamner le coup d'Etat. Deuxième occasion? En octobre 2002, il participe, de façon effective, à la libération de Daloa. Depuis cette date, il n'aura de cesse de se préoccuper du sort des militaires à la retraite. Dernier fait d'armes, il a obtenu, avec le colonel N'Goran Cockit, la dernière victoire pour la réhabilitation, le rappel, ou la rectification des indices des officiers, en somme de tous les militaires à la retraite.Très proche de Félix Houphouet-Boigny, il désespérait de voir l'héritage de ce grand homme partir en lambeaux. Malade depuis deux ans, sa santé s'étant dégradée, il s'est donc éteint, en laissant de nombreux enfants.

Michel Koffi

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