mercredi 25 juillet 2007 par Le Patriote

Interview : Morou Ouattara (Com'zone de Bouna) à propos de l'attentat contre Soro et du "bûcher de la paix" :

Le Patriote : Comment avez-vous appris, l'attentat contre l'avion du Premier ministre le 29 juin dernier à Bouaké ?
Morou Ouattara : Je l'ai appris d'un coup de fil direct de notre chef d'Etat- major adjoint, le Commandant Wattao. C'est lui qui m'a appelé dix à vingt minutes après les faits. Il m'a ordonné de mettre mes éléments en alerte, de sécuriser ma zone et de faire mouvement aussitôt sur Bouaké où le patron est attaqué. C'est ce que j'ai fait. J'avoue que j'avais pas pensé que les faits s'étaient produits à Abidjan. Je n'ai jamais pensé un seul instant que pareille chose aurait pu se passer à Bouaké.

L.P : Et pourtant c'est arrivé, comment avez-vous réagi quand le Commandant Wattao vous a informé et instruit sur la tragédie?
M.O : En bon militaire, mon premier réflexe a été de demander des nouvelles du patron. Il m'a rassuré qu'il est sain et sauf et qu'il a pu être exfiltré et sécurisé en lieu sûr. Le commandant a insisté que je me rende immédiatement sur Bouaké. Directement, j'ai battu le rappel de mes troupes sur place. J'ai convoqué un rassemblement au camp, j'ai mis tous les éléments en alerte, j'ai donné des consignes fermes et une heure de temps plus tard, j'ai pris la route pour Bouaké.

L.P : Qu'est ce qui vous a amené à croire que pareille catastrophe aérienne ne puisse se produire à Bouaké, capitale de la zone des Forces Nouvelles ?
M.O : Même si un marabout ou un charlatan de renommée m'avait dit qu'un jour le patron serait attaqué ici à Bouaké, je l'aurais refoulé et traité de tous les noms. Hélas, mille fois hélas ! Ça été fait dans notre zone. Je le constate. Mais je déduis, en même temps, que quelque part, il y a eu une légèreté de notre part. Parce c'est inimaginable. Donc, je pense que cette mauvaise expérience va nous donner des conseils. Cela va démultiplier notre courage, notre détermination à sécuriser davantage notre zone.

L.P : Dans ces conditions comment jugez vous les critiques de ceux qui accusent les éléments de l'ONUCI d'avoir fait preuve de la même légèreté ?
M.O : Je suis entièrement d'accord avec ceux qui ont accusé l'ONUCI. La preuve, ça n'a pas raté. Le contingent marocain en service dans la zone de Bouaké vient d'être suspendue et fait l'objet d'une enquête interne.

L.P : Personnellement, qu'est ce que vous leur reprochez exactement vous ?
M.O : C'est simple à comprendre. Supposons que je sois commis pour assurer votre sécurité à vous journalistes présents actuellement dans notre zone. Je dois veiller à ce que rien ne vous arrive durant votre séjour. Si d'aventure quelque chose vous arrive, je suis le premier responsable. C'est le cas pour le contingent marocain stationné à l'aéroport de Bouaké. Les faits sont clairs. Les éléments de l'ONUCI ne sont pas intervenus pour empêcher les terroristes d'agir ou de les freiner après leur forfait. Ils prennent prétexte de ce que la sécurité de l'aéroport ne leur incombe pas. C'est une fuite en avant et je m'inscris totalement en faux.

L.P : Mais, mon commandant, vous affirmez tantôt qu'il y a eu de la légèreté de votre part. Est-ce à dire que les Forces nouvelles ont quelque chose à se reprocher dans le dispositif sécuritaire ce jour là à l'aéroport?
Les Forces nouvelles n'ont rien à se reprocher en fait. Parce que la sécurité quotidienne de l'aéroport n'est pas de notre ressort direct. Une convention a été signée en noir sur blanc cédant la sécurité de l'aéroport aux forces impartiales dans leur ensemble, l'ONUCI et Licorne y compris. La sécurité de l'aéroport est de leur ressort nuit et jour. Et vous pouvez vous rendre à l'aéroport pour le constater.

L.P : Qu'est ce qui vous le fait dire?
M.O : Les forces onusiennes ont deux grandes bases sur place à l'aéroport avec du matériel adéquat. Cela, aussi bien à l'atterrissage qu'au décollage. Je suis foncièrement outré d'entendre que la sécurité de l'enceinte aéroportuaire n'est pas dans leur main. Si la sécurité de l'aéroport n'est pas dans leur main, alors qu'ils quittent les lieux. Et qu'ils nous remettent l'aéroport pour que nous le sécurisions. Bien avant, quand nous-mêmes avions la sécurité de l'aéroport en main, il n'y a jamais eu de problème. Quand les forces francaises de l'opération Licorne avaient la sécurité de l'aéroport, il n'y a jamais eu de problème. Il a fallu qu'on remette l'aéroport aux forces onusiennes pour qu'il y ait un attentat contre l'avion du Premier ministre. Ils doivent simplement reconnaître leur responsabilité. Même s'ils n'étaient pas informés de quelque chose, ils doivent reconnaître, en toute humilité, qu'ils ont été quelque peu légers dans la sécurisation de l'espace aéroportuaire de Bouaké.

L.P : Mon commandant, que pensez vous des mesures prises par le chef d'Etat major des FANCI, le Général Philippe Mangou mettant sous son contrôle tous les aéroports ?
M.O : Je suis d'avis avec lui. Aujourd'hui, c'est à Bouaké qu'a eu lieu un attentat. Demain, ça peut être à Abidjan et après demain, ça peut être à San Pedro. Cela veut dire que nos aéroports ne sont pas en sécurité. Franchement !

L.P : Que les FDS viennent sécuriser des aéroports situés en zones Forces nouvelles, l'admettez vous ainsi ?
M.O : Non, ne mélangeons pas les choses. Le général Mangou a dit exactement ceci : Désormais, nous allons prendre en main la sécurité des aéroports . Mais, il n'a pas dit qu'il allait envoyer des éléments des FDS ici dans nos zones pour y sécuriser les aéroports. Et puis, n'oubliez pas que nous sommes en train de former une seule et même armée. Donc, quand le général Soumaila Bakayoko parle, il le fait au nom des deux armées. Et quand le général Mangou parle, il le fait au nom de tout le monde. Là dessus, nous sommes d'accord. C'est normal de trouver des moyens pour sécuriser les aéroports de Bouaké, Korhogo, Man, Yamoussoukro et Abidjan. Si Bouaké a besoin de l'appui des éléments des FDS et qu'il en fait la demande, quoi de plus normal. Si Abidjan ou Yamoussoukro a besoin de renforts des Forces nouvelles, il n'y a pas de problème à cela. On va les leur donner. Et vice versa. Maintenant, on est ensemble. Il n'y a plus de différence.

L.P : Dans ces conditions, que répondez vous à ceux qui affirment qu'il y avait des dissensions internes au sein des Forces nouvelles et que cela est pour beaucoup dans l'attentat contre le Premier ministre ?
M.O : On appelle ça, de la mauvaise propagande. C'est une manière de déstabiliser les Forces Nouvelles. On ne les a pas eu par la force des canons. On peut essayer de les avoir par la voie de la désinformation, de l'intoxication, de la délation et de la manipulation. Ces gens là, on les connaît. Leurs méthodes consistent à venir voir un tel et à lui dire : Voyez vous, le commandant Morou n'est pas d'accord avec Guillaume Soro, Wattao ou Fofié Kouakou. Ou encore Wattao est chez lui là bas, voici ce qu'il mijote contre Chérif Ousmane. Ou pis, Chérif Ousmane veut faire ça contre Wattao . Quand Wattao apprend ce genre de choses sur son compte, s'il n'a pas le sens du discernement, automatiquement, il rue dans les brancards contre l'autre et bonjour les dégâts. Mais, ça, on connaît. Entre nous-mêmes, chefs de guerre, nous nous sommes parlés. On s'est donné des conseils pour éviter de tomber dans le piège des agents de la division. On s'est parlé et on est convenu de nous mettre au dessus de tous ces ragots. Je laisse tous ceux qui tiennent ce genre de fadaises à leur propre conscience. Ils peuvent continuer à mentir et à médire sur notre compte, mais ils ne réussiront jamais à nous diviser par la désinformation. Jamais !

L.P : Dans la même veine, est il vrai que certains chefs de guerre n'étaient pas d'accord avec la Primature de Guillaume Soro et qu'ils le lui ont signifié ?
M.O : C'est faux ! Il n'y a pas eu un seul chef de guerre qui ait été contre l'arrivée de Guillaume Soro à la Primature. Bien au contraire. Nous avons tous été d'accord à l'époque où nous avons fait le débat en notre sein. Nous avons tous donné notre accord. Nous avons dit à notre Secrétaire général ceci : Oui, monsieur le Secrétaire général, vous pouvez aller à la Primature avec notre accord et nos bénédictions. Nous étions avec vous hier, nous sommes avec vous aujourd'hui, nous serons encore avec vous demain

L.P : Est-ce que le commandant Morou est prêt à réintégrer l'armée nationale réunifiée ?
M.O : J'ai toujours dit à ceux qui me posent cette question que, pour le moment, je ne peux pas répondre par oui ou non. La question reste posée. Cependant mon souhait ardent est que l'armée soit rapidement réunifiée. Que ceux du Sud et ceux du Nord se mettent ensemble pour créer les conditions d'une paix durable en côte d'ivoire. C'est de cela que nous avons besoin.

L.P : Quelles sont les dispositions que vous comptez prendre pour davantage de sécurité dans votre zone et mettre ainsi en pratique les consignes fermes du Premier ministre, suite à l'attentat dont il a été l'objet et pour le bûcher ?
M.O : Oui, des consignes claires ont été effectivement données. A ce niveau, nous serons très rigoureux sur la sécurité. Nous n'allons pas empêcher la libre circulation des biens et des personnes. Bien au contraire, nous allons sécuriser tous ceux et celles qui entrent dans nos zones, de nuit comme de jour. Qu'il s'agisse de ceux qui viennent pour y travailler ou de ceux qui y sont en transit ou pour le bûcher. Ils doivent tous être en sécurité. Ils doivent être mis en confiance. Pour cela donc, nous avons décidé de mettre tous nos éléments en alerte maximum pour suivre les entrées et sorties de nos zones, pour sécuriser ces hommes et ces femmes qui viennent travailler dans nos zones. La libre circulation des biens et des personnes doit être une réalité dans nos zones. Et un accent particulier sera mis sur la sécurité.

L.P : N'y a-t- il pas lieu de craindre, dans ces condition- là, des dérives aux droits de l'Homme quant à la nécessité de renforcement des mesures sécuritaires?
Vous parlez des droits de l'Homme ? Mais les défenseurs des droits font leur travail. Nous autres militaires faisons aussi notre travail. Nous n'irons pas tuer quelqu'un. Nous n'allons tuer personne. Mais, nous ferons notre devoir de militaire. Et d'ailleurs, le Premier ministre lui-même l'a dit : N'accusons personne dans cette affaire d'attentat. Laissons la justice faire ses enquêtes . Nous savons que ces enquêtes vont aboutir. Nous sommes confiants à ce niveau. Et nous allons aider la justice à faire aboutir l'enquête. Parlant des droits de l'homme, ces organisations engagées dans la défense de ces droits réclament elles aussi justice dans cette affaire. Mais depuis que l'attentat a eu lieu, avez-vous entendu que nous avons tué des gens ? Non ! Le patron nous a demandé de n'accuser personne. On accusera lorsqu'on aura les preuves de l'implication d'un tel ou de tel autre. Il ne sert à rien d'accuser les gens sans preuve. Nous savons que nous allons mettre la main sur ceux qui ont fait cet attentat. Mais pour le moment, il faut éviter que la suspicion ne se généralise entre nous.
Khristian Kara

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