mardi 24 juillet 2007 par Fraternité Matin

Le 10 juillet dernier à Facobly, le cadre du parti, jadis fondateur du Rassemblement des républicains, a annoncé son arrivée au FPI.
Vous avez solennellement et officiellement annoncé votre arrivée au Fpi. Qu'est-ce qui motive votre départ de l'UDPCI et votre adhésion au parti frontiste?
La motivation de mon arrivée au Fpi, en réalité, date de ma vie estudiantine. D'autant qu'étudiant, j'ai milité à la FEANF, à l'UGCIoù nous ne parlions que de liberté de l'Afrique, de justice, de démocratie. Mais arrivés en Côte d'Ivoire avec mes autres camarades, nous avons découvert tout autre chose avec le Pdci-Rda. Vous comprendrez bien plus tard pourquoi Djéni Kobéna (1er secrétaire général du Rdr. Ndlr) et moi, nous sommes détachés pour créer le Rdr. Nous avons été en fait les premiers à percer le flan du PDCI pour tenter d'insuffler un peu un vent de démocratie, de justice et de paix dans notre pays. Hélas, les choses n'ont pas bien marché comme nous l'aurions souhaité. Nous en sommes arrivés à une situation plutôt de blocage. Mais la pensée profonde existe toujours. C'est d'ailleurs elle qui motive ma position actuelle. Le déclic date des événements de Marcoussis. Dans la banlieue française, l'attitude qu'a eue le Président Laurent Gbagbo vis-à-vis des colons contre lesquels nous nous battions, il y a des années de cela, nous a paru extraordinaire. Il y a en outre l'extraordinaire attitude de M. Gbagbo depuis le déclenchement de la crise Il n'est pas fréquent de trouver un chef d'Etat africain qui, pendant qu'on bombarde son pays, quitte sa mission et décide de mourir avec son peuple. Vous savez, ce n'est pas une affaire de sentimentalisme, mais je dois avouer que la culture politique qu'il a est celle qui correspond le plus à mon moi intérieur. C'est aussi culturel en pays Wê. Sachez que nous n'avons pas la culture de la succession de père en fils. L'idée est que ce n'est pas parce qu'un roi digne et dynamique met au monde un prince que ce dernier sera forcément comme son père. Il peut être certes un bon roi mais il peut aussi être un idiot. Voilà pourquoi nous disons que c'est sur le terrain qu'il faut juger. Celui qui défend mieux notre village, quand demain le chef sera plus, alors on se réunira et on le lui confiera. Alors comprenez que mon adhésion au Fpi relève d'un fondement beaucoup plus culturel qu'autres choses.
La position de chef courageux du Président Laurent Gbagbo que vous évoquez ne date pas d'aujourd'hui. Depuis le déclenchement de la crise, il l'a affichée. Pourquoi vous avez attendu près de cinq ans pour le rejoindre dans le combat?
Ce que vous ne voulez pas me poser comme question est que le Fpi n'est pas actuellement dans une position confortable. Moi je ne suis pas suiviste. Je ne vais pas chez les gens au moment où tout va très bien. C'est vrai qu'il a affiché sa position de chef courageux qui sait se battre pour son peuple il y a longtemps. Mais je vous dis que bien avant l'an 2002, il pensait déjà socialiste, il pensait homme de gauche comme j'étais à la FEANF en tant que homme de gauche. Mais nous n'avons pas pu nous retrouver parce qu'en son temps tout le monde était Pdci. Vous arrivez au Fpi où le combat pour la liberté et le développement de la Côte d'Ivoire est engagé. Avec qui y faites-vous votre entrée pour poursuivre ce combat?
Le Fpi est comme tous les autres partis politiques, c'est-à-dire ouvert. A tout moment, les gens peuvent y venir. Souvent, en géographie, quand on voit les cours d'eau tordus, on se demande pourquoi ils sont ainsi. Mais l'eau se bat pour atteindre l'équilibre qui lui permet de circuler normalement. Il en est de même pour les hommes. A un moment donné, au constat de certaines choses, on change de chemin. J'ai une conception de la défense de mon pays dans laquelle s'inscrivent parfaitement le Président Laurent Gbagbo et le Fpi. Certes, je n'ai pas d'argent, je ne suis pas riche, mais au moins sur le plan des idées, j'ai des propositions à faire. Le Fpi, comme son nom l'indique, est un front populaire. Cela veut dire qu'il y a tout dedans. Mais est-ce que tous pensent la même chose ? Non. Je voudrais rappeler que je suis au CNRD (Congrès national de la résistance pour la démocratie. Ndlr) qui regroupe tous ceux qui ont décidé de défendre la République. Cela s'explique parce qu'il y a une concordance (je ne parle pas de concomitance) des idées de ceux qui y sont pour mener ensemble ce combat, chacun avec sa méthode. Quelles sont vos ambitions avec le Fpi, votre nouveau parti?
Aucune. Sinon la seule ambition que j'ai est d'entreprendre tout ce qui est possible pour ne pas tuer le Fpi. Paul Valérie a dit que tout parti politique vit de sa mystique et meurt de sa politique. Or il y a des attitudes qui font qu'à des moments aussi critiques que le nôtre, certains militants croient que l'heure est venue pour eux de nous dire : Non, non, vous étiez au Pdci, foutez le camp. Non, il ne faut pas faire comme cela. Que les uns et les autres ouvrent les bras à tout le monde afin qu'ensemble, nous réinstallions le Président Gbagbo dans son fauteuil. J'ai lu (peut-être pas entièrement) le programme politique du Fpi (du reste j'ai lu la partie agricole qui m'intéresse plus). Si j'entre au Fpi, je suis à même de proposer autre chose ou d'améliorer ce qui existe déjà. Sinon, ce programme dans son ensemble, est correct et il correspond à ma manière de voir les choses. Monsieur Leroux, vous êtes l'un des membres fondateurs du RDR. Aujourd'hui, ce parti est marqué par les départs de certains de ses cadres. Quel commentaires en faites-vous?
Le bébé que j'ai mis au monde ne se porte pas bien. J'ai construit une maison, j'y ai fait entrer des gens en qui j'ai cru. Ceux-ci n'ont pas trouvé mieux que de me demander de la quitter, de la leur abandonner. C'est difficile à comprendre. Aujourd'hui, on assiste à des départs en cascade. J'ai été le premier à partir en 1998. Avant de partir, je leur ai dit : Je m'en vais, mais ce n'est que l'enveloppe du Rdr que vous gardez. Car,tant que vous n'en viendrez pas à respecter les principes qui furent les nôtres, c'est-à-dire la défense des intérêts de la République, la justice, la paix, surtout la démocratie, jamais le Rdr ne connaîtra un avenir certain. Au moment où je m'en allais, Zémogo Fofana et autres avaient estimé que j'ai n'ai pas été patient. J'ai regardé Zémogo et je lui ai demandé d'attendre de voir. Il m'a regardé en souriant. Je lui ai dit : Je sais que tu as d'autres relations extra politiques avec Alassane qui te mettent dans une position difficile. En réalité, c'est Zémogo qui courageusement disait ce qu'il pensait. Il n'avait jamais raté d'occasion pour leur exposer les erreurs que nous notions dans la marche du parti. Mais la goutte d'eau a fait déborder le vase et il claqué la porte. J'espère que des gens comme Jean-Jacques Béchio, Aly Kéita vont être assez courageux pour dire aujourd'hui que Leroux avait raison. Mais pouvez-vous comprendre que dans un parti on nous demande de radier des gens comme Adama Coulibaly Nibi Zana, Ben Soumahoro pour des raisons personnelles ? Le Rdr n'a pas été créé pour résoudre des problèmes personnels ! Enfin, il y a toute une série de choses de ce genre, qu'on croirait des choses sentimentales. Or nous avions un objectif qui se résumait en une question : Quel peut être notre impact sur la société ivoirienne ? Qu'est-ce que nous pouvons faire de plus pour qu'on dise que le RDR est mieux que le Pdci, le Fpi, etc. Alors, si nous ne pouvons rien faire de plus, nous aurons échoué. Au Rdr, nous avons manqué notre mission. Nous avons évoqué des aspects théoriques sans jamais tenir compte de la réalité. Aujourd'hui, j'estime certes que rien n'est parfait, mais je pense que le Fpi correspond à ce que j'ai toujours souhaité. Mais je suis conscient que ça ne fait pas plaisir à certains militants de ce parti que j'y vienne. C'est toujours comme cela. Ils disent : Qu'est-ce qu'il vient chercher ?. Moi, je ne viens pas au Fpi pour des postes ou autre chose. Ce n'est pas cela notre ambition. Mais c'est heureux de savoir qu'un parti au pouvoir s'occupe par exemple du désenclavement des régions, etc ; parce que c'est cela sa façon de voir les choses. En votre qualité de membre fondateur du Rdr, êtes-vous surpris de ce qui arrive à ce parti aujourd'hui?
Je ne suis pas du tout surpris de ce qui arrive au Rdr. Certes, je n'aime pas critiquer parce que nul n'est parfait. Mais les dirigeants de ce parti se portent eux-mêmes devant le jugement de l'Eternel. Moi, j'étais convaincu que ça n'aboutirait pas. Souffrez que je n'entre pas dans les détails. Quel sens donnez-vous à votre présence aux côtés de M. Gnan Raymond tout le long de la tournée de la paix et de la réconciliation dans le département?
Je suis venu au village avec Gnan Raymond parce qu'il est du Fpi et puis sa manière de faire correspond à notre manière de voir les choses. Le cadre du combat est ouvert. Il ne sert à rien de rester dans les bureaux et faire de la théorie, il faut aller sur le terrain et voir comment les choses s'y passent concrètement. Etre socialiste, c'est d'abord et avant tout, s'intéresser à son environnement et voir comment bâtir son présent et son futur.
Cinq ans après le déclenchement de la crise, quel sentiment vous anime-t-il avec ce retour sur la terre de vos ancêtres?
Peut-on décrire le sentiment qui m'anime ? Non, je ne crois pas. Je ne trouve pas le vocable pour le décrire. Mais je me contente de dire tout simplement que je suis heureux. Au départ, on avait quelques appréhensions. Mais finalement, on s'est dit : Mieux vaut essayer. Et je vous avoue que j'étais en train de terminer le manuscrit d'un livre que je fais sur la guerre, mais je dois reprendre certains de ses aspects après ma venue sur le terrain. Ce qui est certain, c'est que nos parents sont très heureux de nous voir après près de cinq ans de séparation. Notre présence ici, en compagnie des Forces nouvelles, les rassure que la guerre est vraiment finie. C'était cela notre objectif en venant ici. C'est pourquoi, je profite de vos colonnes pour appeler tous les cadres Wê à prendre leur courage à deux mains et à venir au village. En réalité, je constate qu'on nous a dit beaucoup de choses qui, même si elles ne sont pas fausses, ont évolué avec le temps qui s'est écoulé. Dans le cadre de la réconciliation, de la paix et du pardon, il faut que ceux qui ont les moyens viennent voir les parents ; cela leur est très utile et réconfortant.

Propos recueillis à Totrodrou par Pascal Soro
Envoye spécial

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023