lundi 23 juillet 2007 par Le Matin d'Abidjan

Le patron du Front de sécurité du centre ouest n'a plus que des regrets et des menaces à la bouche. Dans cet entretien, qu'il nous a accordé, samedi dernier, il dévoile le ''deal'' passe avec l'ancien chef de gouvernement ivoirien.

''Commandant'' Gnatoa Marc Bertrand, le Front de sécurité du centre ouest (FSCO) que vous dirigez a fait un sit-in, mercredi dernier, à Yamoussoukro devant la résidence du premier ministre Charles Konan Banny. Pouvez-vous préciser le motif réel de ce mouvement ?
Vous savez, depuis le 16 juillet 2006, j'ai été approché par les services de M. Charles Konan Banny alors Premier ministre. C'est M. M'Bahia Jean, conseiller chargé de l'Enseignement supérieur, coordinateur au niveau des ''milices'' qui est entré en contact avec moi. Il m'a présenté à M. François Koumoin qui était secrétaire général de la Primature. Ensemble, il a été convenu que le Premier ministre, Charles Konan Banny, prenne en charge le FSCO dans le cadre de sa mission de paix, par rapport au volet désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR). Plusieurs fois, il m'a demandé de faire des missions de sensibilisation dans le cadre de la prise en charge du FSCO dans le DDR. Mais j'ai dit comme ça, un jour, que le DDR était piloté par le général Ouassenan Koné. Or, le FSCO n'était pas prêt à collaborer avec M. Ouassénan dont nous avons exigé la démission parce qu'il a un passé sale. Il a tué nos parents, environ 4000 Guébié en 1970. Avec la guerre qui ruine le pouvoir de Laurent Gbagbo, que nous considérons comme celui qui incarne Kragbé Gnagbé, il n'était pas question que son pouvoir soit attaqué. C'est d'ailleurs pour protéger le pouvoir de Laurent Gbagbo que nous avons créé le FSCO. Pour nous donc, notre bourreau d'hier ne pouvait pas prendre les enfants de Gagnoa, Guibéroua, Issia, Zikisso réunis au sein du groupe d'auto-défense à démanteler.

Et pourtant le général Ouassénan avait commencé à faire le tour des groupes d'auto-défense. N'est-ce pas parce que le Premier ministre vous avait déjà contacté que vous avez rejeté le coordinateur du PNDDR, le général Ouassenan Koné ?
Ouassenan nous a rencontré à deux reprises. Mais nous lui avons dit ce que je viens de vous dire. Nous lui avons dit que nous n'étions pas prêts à coopérer avec lui parce qu'il a tué nos parents. Donc pour que le FSCO soit démantelé, nous voulions qu'on nous présente quelqu'un d'autre. Voilà comment nous sommes restés attachés à M. François Koumoin et M'Bahia Jean. Nous sommes allés à Yokoboué où nous avons fait notre premier meeting de soutien à Banny. Nous avons organisé plusieurs conférences de presse par la suite. Après quoi, le Premier ministre Banny nous a demandé d'organiser un séminaire pour donner une bonne image à sa mission. C'est ainsi que du 15 au 17 janvier 2007, nous avons organisé un séminaire à Issia, en face de la préfecture.

Soyez plus explicite, qu'est-ce que ce séminaire devait apporter à l'image de M. Charles Konan Banny ?
Il soutenait que comme les Forces de résistance du Grand Ouest (FRGO) du frère Mao Glofiéhi résistaient au désarmement, il fallait que le FSCO sensibilise ses hommes en vue du démantèlement effectif. Ainsi, les autres allaient céder au processus. Le FSCO devait donc donner l'exemple. C'est donc comme ça que nous avons effectivement organisé ce séminaire d'Issia

Qu'est-ce que M. M'Bahia a fait pour vous convaincre du contraire?
Le 4 mars était la date à laquelle le président de la République devait signer l'accord de Ouaga au Burkina Faso. La veille, M. M'Bahia est revenu à la charge. Il m'a dit de contacter dix groupes d'auto-défense qui ont en leur sein de nombreux éléments. Pour qu'on puisse faire un meeting de soutien à la résolution 1721 et à la personne de M. Charles Konan Banny, à Issia. Je lui ai demandé " quel était le problème réel parce que depuis lors vous avez promis nous remettre de l'argent. Non seulement cet argent ne vient pas mais vous continuez de nous demander des meetings ".

Combien vous avait promis M. Charles Konan Banny et ses collaborateurs ?
Ils nous avaient promis deux cent quatre vingt (280) millions pour la prise en charge de nos éléments. Qui sont au nombre de 4687. On n'a jamais eu l'argent promis. Mais M'Bahia nous a rassuré qu'après le meeting du 4 mars, le Premier ministre allait nous remettre notre argent. Réellement, j'ai opté pour sa proposition parce que je croyais à la bonne foi de M. Banny, surtout que je défendais les intérêts de mes hommes. Donc, on a accepté d'organiser le meeting du 4 mars 2007. Mais au soir du 3 mars 2007, M. M'Bahia est revenu me dire de ne pas contacter les camarades du GPP (Groupement des patriotes pour la paix, ndlr) ainsi que ceux de Watchard Kedjébo. Mais je devais plutôt contacter la " Force bénie invincible d'Agboville " (FBI) dirigée par le ''commandant'' Orso. Les hommes de Banny ont eux-mêmes contacté un certain Kanga Kouadio Jules qui était dans le FLGO (Force de libération du grand ouest de Mao Glofiéhi, ndlr). Lui, ils l'ont utilisé pour casser le FLGO parce que le Premier ministre voulait casser ce mouvement afin d'avoir une partie sous son contrôle. Cela devait l'amener à faire désarmer ceux qu'il avait sous son contrôle pour dire à l'opinion internationale que le FLGO a été démantelé. Après, M. Kanga Kouadio, ils ont contacté M. Gbétibouo Ken, originaire de Vavoua. Il a créé un groupe qu'on appelle le " Front de libération de Vavoua ", (à Daloa). Nous nous sommes tous retrouvés à Issia le 4 mars. M. M'Bahia est arrivé au lieu du meeting alors que nous nous apprêtions à nous prononcer sur la 1721; c'est-là qu'il m'a dit que l'accord de Ouaga était en train d'être signé. Donc après le meeting, il fallait que nous rentrions en désobéissance civile dans nos différentes régions.

A quoi devait aboutir cette désobéissance civile et comment devait elle se faire ?
Il fallait occuper les rues depuis Divo jusqu'à Tabou. Pour contrecarrer le Président de la République dans sa volonté de nommer Soro Guillaume comme Premier ministre de Côte d'Ivoire. Cela pour que Charles Konan Banny demeure à son poste. J'ai dit à M. M'Bahia, que vu la tournure que prenaient les choses, il fallait qu'on quitte Issia pour étudier sa proposition. Donc, je n'ai pas lancé de mot d'ordre de désobéissance civile à Issia. Lorsque nous sommes partis d'Issia, l'accord a été signé à Ouagadougou. Cet accord a été applaudi par toute la communauté internationale. Et même par les Ivoiriens. Alors ce n'est pas le FSCO qui devait quand même faire obstacle. Ce qui n'était pas la volonté de la famille Banny parce qu'elle voulait utiliser le FSCO pour combattre le Président Gbagbo. Mais je voulais rappeler qu'une fois, nous avons investi la cathédrale St Paul du Plateau afin d'interpeller nos cadres de Gagnoa sur notre intégration dans l'armée en 2004. Cela m'a valu de faire la prison. Donc aujourd'hui, je ne peux pas accepter de défier le Président Laurent Gbagbo à cause de Banny. J'ai donc refusé, la famille Banny n'a pas cessé de me convaincre

Quand vous parlez de la ''famille Banny'', à qui faites-vous allusion?
Je parle du grand frère Jean Konan Banny, ancien ministre résident du district de Yamoussoukro. Lui, il était la cheville ouvrière de la primature du temps de son petit frère. Qui était Premier ministre de nom parce que c'est M. Jean Konan Banny qui man?uvrait en réalité les ministres. Donc, c'est parce que le FSCO a refusé d'entrer en désobéissance civile qu'il est rejeté. Les promesses qu'on a faites au FSCO ne se sont pas aussi réalisées. A moi, on a dit qu'on devait m'aider à faire le riz du bas fond à Lakota, Divo, Gagnoa en attendant que le DDR prenne en compte mes éléments. Pour qui on m'avait promis des cabines téléphoniques, du matériel pour géobéton. Et j'ai dit un jour à M. M'Bahia, vous parlez comme ça mais qu'adviendra-t-il le jour où M. Banny ne sera plus premier ministre ? Il m'a dit : " Non, il a gouverné la BCEAO pendant des années. Il a beaucoup d'argent et il va vous aider ". Aujourd'hui, on nous rejette après nous avoir utilisés.

On vous rejette, ça veut dire que vous n'avez plus de contact ni de lisibilité dans vos rapports avec l'ancien Premier ministre et ses collaborateurs ?
Voyez-vous, le 15 mai dernier, nous étions en partance pour Guiglo, dans le but de soutenir le Président Laurent Gbagbo et nos amis des FRGO dans le cadre du démantèlement des milices. Mais nous avons été arrêtés à Yamoussoukro. M. Banny a demandé à nous rencontrer à Yamoussoukro le même jour où M. Gbagbo partait à Guiglo. A Yamoussoukro, M. Banny a réitéré ses promesses mais quand nous sommes sortis de la ville, ses collaborateurs nous ont dit que c'est le Centre de commandement intégré (CCI) qui doit s'occuper de nous. Simplement parce que nous n'avons pas combattu le Président Gbagbo. Du coup, on n'a plus accès à la résidence des Banny. Or, le simple fait d'avoir fait des meetings de soutien à M. Banny, nos éléments sont mal vus dans nos régions. Nous avons été identifiés comme des ''Bannystes'. Mais moi je n'ai pas soutenu Banny dans sa politique. Je l'ai soutenu dans le cadre du DDR.

Seriez-vous en train de dire que vous ignoriez que M. Banny posait des actes politiques dans un contexte politique ? Vous venez de dénoncer son combat contre le Président Laurent Gbagbo pourtant.
Ecoutez, je ne veux pas rentrer dans ces détails parce que M. Banny a contacté le colonel M'Bahia qui était le directeur de cabinet du ministre de la Défense Aphing Kouassi. Il a aussi contacté M. Adama Bictogo, son conseiller qui était chargé d'enrôler des militants RDR. Tandis que le colonel M'Bahia devait coopter des militaires. C'est au moment où nous avons décidé d'entrer en désobéissance civile que nous avons découvert tout ça. Si on l'avait su au début, nous l'aurions rendu public. Mais, nous avons tout compris lorsque le colonel M'Bahia s'est enfui vers le Ghana. Son frère qui était en contact avec nous, nous a dit que c'est parce que le pouvoir voulait le tuer. C'est pourquoi il a quitté le pays. Alors nous avons demandé à M. M'Bahia pourquoi son frère, le colonel, a fui, s'il ne se reprochait rien. Pareil dans le cas de M. Bictogo. En réalité, le colonel M'Bahia devait recruter des militaires à la cause de M. Banny pour faire un coup d'Etat. Mais nous, nous n'avons pas voulu nous mêler de cette affaire. C'est pour cela que les collaborateurs et la famille Banny nous rejettent.

M. Charles Konan Banny est pour sa part formel. Dans sa mise au point, il dit qu'il n'a aucun lien privé avec aucun groupe de jeunes ou milices. Quelle suite apportez-vous à sa précision ?
Vous savez, quand tu n'as pas de lien avec un enfant et que tu vois ses déclarations dans la presse, à ton sujet, il faut aviser. Il faut dire à cet enfant-là que : " Je ne t'ai pas envoyé. Moi je n'étais pas mandaté ". Mais il y a eu plusieurs déclarations faites par le ''commandant'' du FSCO que je suis, des conférences de presse pour soutenir Banny. Pourquoi il n'a pas réagi ? En ce qui concerne le FSCO, nous l'attendons de pied ferme. Le jour où nous allons entendre que Banny est arrivé à Abidjan ou à Yamoussoukro, nous allons assiéger à nouveau sa résidence. Tant qu'il ne nous aura pas donné ce qu'il nous a promis, Banny n'aura pas la paix. Nos éléments tiennent les aéroports et ses résidences à l'?il jusqu'à ce que nous rentrons en possession de notre dû.

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