samedi 21 juillet 2007 par Le Temps

La vie de Tidiane Traoré, la soixantaine révolue, se confond avec la mode ivoirienne. La Côte d'Ivoire n'a même pas l'âge de sa carrière. Pourtant, il a encore la force et l'intelligence de porter à bout de bras, la mode ivoirienne qui lui a happé sa jeunesse, sa vie. Né un 1er avril 1938 à Mopti au Mali, Tidiane Traoré revendique aujourd'hui 50 ans de métier. Comme on le dit, il a tout donné à la couture. Et la couture lui a tout donné. Il vit aujourd'hui le ravissement des précurseurs. "J'ai, se rappelle-t-il, fait mon apprentissage dans un atelier de couture situé à Treichville, Rue 17, à côté du cinéma El Mansour. C'était de 1951 à 1957". Il a fallu 6 ans au jeune Tidiane pour s'offrir les techniques nécessaires à la création. Mais il y avait aussi l'effet des prédispositions. Puisque Tidiane, on peut le dire, " était né pour la mode ". De Treichville, il s'installe à son propre compte, en 1957 à Adjamé. " C'est mon patron qui a voulu que j'aille m'installer là-bas. Et au moment où mes amis partaient à l'école, moi, j'étais assis derrière une machine à coudre ", se souvient encore le styliste. L'atelier qu'il monte, ne tient qu'à une machine et avec pour toit, un morceau de pagne, juste pour diluer les rayons du soleil. "Cette machine est tout pour moi. C'est elle qui m'a fait", confie-t-il avec beaucoup de nostalgie la main sur le fameux objet. Elle lui sert maintenant d'objet muséal. Surtout pour les élèves de son centre, "Les cours T. Tidiane" qu'il a fondés en 1972. Soit quinze ans après s'être mis à son propre compte. C'était aussi le début d'une aventure. Entre-temps, le jeune a eu le temps de se former dans des grands Instituts français de la mode. Le lycée Delafosse de Dakar, l'Accadémie Ladeveze Roussel- Jean Darroux de Paris, l'école professionnelle de coupe et couture Napolitano de Paris, le cours international Jeoffrin Byrs de Paris Tidiane fait le tour des établissements parisiens les plus côtés, même si quelquefois, il reçoit des railleries à forte odeur de racisme. Mais il y a un prix pour la foi. En Côte d'Ivoire, outre la formation qu'il offre, Tidiane va aussi au charbon sur le terrain. Il est très actif dans les mouvements associatifs. Puisqu'il fallait organiser le milieu de la mode. Il a créé alors syndicats, coopératives, en fait, tout ce qui concourt à la promotion de la couture ivoirienne. Des manifestations comme Ciseaux d'or, Styl Mod, La quinzaine du pagne, La nuit des créateurs portent sa marque. Tidiane est au four et au moulin. Il forme, en outre, la plupart des grands noms de la mode ivoirienne. C'est aussi lui qui fait venir en Côte d'Ivoire pour la première fois Alpha Di, Paco Rabane et feu Christ Seydou. On dira qu'il fait partie des âmes bien nées, les gens qui se sont formés sur le tas et qui constituent de ce fait, des exemples. "Excusez-moi pour mon niveau de langue. Pardonnez-moi mes fautes, parce que je me suis formé sur le tas". Lâche-t-il humblement. Pourtant, il traîne un CV qui s'étale sur plusieurs pages. Maître tailleur, créateur, styliste, modéliste, formateur, auteur Un véritable touche à tout. Et après avoir fait tout ça, on ne peut que vivre la reconnaissance due aux géants. En attendant de célébrer ces 50 ans avec beaucoup de faste, Tidiane continue son combat pour la mode. Et sa dernière trouvaille, c'est de "dénoncer les charlatants de la couture".

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