vendredi 20 juillet 2007 par L'intelligent d'Abidjan

Mis à l'écart depuis le 30 novembre 2003, à la suite de la relocalisation de la Banque africaine de développement (Bad) à Tunis, les agents déflatés de cette institution panafricaine à Abidjan vivent dans un dénuement total. Faute de moyens, la majorité de ces agents vivent chez des amis ou parents. Dans cet entretien Touré Adama, président du Collectif des agents de la Bad licenciés abusivement (Cabla) attire encore, l'attention des autorités, principalement Donald Kaberuka. A ce jour, pouvez-vous faire un bilan à mi-parcours de votre combat, concernant votre réintégration à la Bad?
Nous voudrions d'abord dire que le collectif que nous présidons regroupe en son sein, 54 personnes de 14 nationalités différentes. Mais, la totalité des agents déflatés tourne autour de 200 personnes. Ce que nous voulons dire par rapport à la lutte que nous menons depuis trois ans et demi, c'est que nous venons d'assister à un geste important du président actuel de la Bad, Donald Kaberuka. Il vient de poser un acte de courage. Nous le regardons aujourd'hui comme un Africain courageux. Il vient de régulariser la situation de nos collègues qui étaient régis par les mêmes statuts que nous, dans leurs postes. Ils ont reçu leur lettre de confirmation à leurs postes la semaine dernière. Pour cela, nous félicitons le président. Nous remercions aussi tout le conseil d'administration de la Bad pour cet acte courageux qu'il vient de poser, contrairement à l'attitude de ses prédécesseurs.
Que voulez-vous dire quand vous parlez de courage de Donald Kaberuka ?
Quand nous parlons de courage, il faut comprendre que c'est une situation qui dure depuis plusieurs années. Ce sont des cas qui ont souvent été posés par le président du conseil du personnel de la Bad. Alors, si un nouveau président qui arrive et s'imprègne du dossier des agents temporaires et prend la décision avec son conseil, de régulariser leur situation à la suite de notre combat, nous parlons de courage. C'est à féliciter. Les 200 agents déflatés d'Abidjan font-ils partie de ceux dont la situation vient d'être régularisée ?
A notre connaissance non. Les personnes qui ont été recrutées, sont celles qui n'ont pas été licenciées au moment de la relocalisation de la Bad à Tunis. Ce sont celles qui n'ont pas été déflatées en ce moment là. Mais, c'est celles qui ont été recrutées à Abidjan comme à Tunis. Parce qu'il y avait des temporaires aussi à Tunis. Depuis la relocalisation de la Bad, aviez-vous bénéficié de l'aide de l'Etat ivoirien?
Il n'y pas eu véritablement d'actions. Mais, ce que nous pouvons dire, nous remercions le ministre Paul Antoine Bohoun Bouabré qui nous a reçus une fois. Par ses soins, il a permis que l'administrateur Dakoury Tabley assure la médiation entre nous et la haute direction basée à Tunis. Nous avons aussi essayé de rencontrer le président de la république, S.EM. Laurent Gbagbo afin qu'il vienne à notre aide. Parce que nous sommes de véritables cas sociaux. Mais, jusqu'à présent nous n'avons pas encore eu cette opportunité d'audience avec le chef de l'Etat.
Le chef de l'Etat reçoit tout le monde. Savez-vous pourquoi votre audience tarde ?
Non. Mais, nous avons écrit au président de la République. Il nous a répondu. Il a promis aborder la question au cours de la réunion des présidents des pays membres de la Banque. Mais, nous attendons encore. On espère qu'il nous recevra. A part le chef de l'Etat, avez-vous essayé d'approcher d'autres autorités ?
Pour l'instant nous disons que nous n'avons pas eu d'écho favorable vis-à-vis des autorités de la Côte d'Ivoire, pays siège de la Bad. Il faut aussi noter que les Ivoiriens sont majoritaires dans ce collectif. Mais, depuis quelque temps, nous sommes en contact avec quelques proches collaborateurs du Premiers ministre. Nous espérons avoir une audience avec lui. Mais, jusqu'à présent la date de l'audience n'est pas encore fixée. Mais, nous croyons que dans les jours à venir le Premier ministre nous recevra, selon ce que nous avons entendu. Puisqu'il a donné son accord de principe. Nous espérons que les choses devront aller très vite. Revenons à la situation des agents déflatés. Comment vivent ces hommes et femmes depuis le 30 novembre 2003 ?
Les gens sont en train de souffrir. Il y a des femmes qui ont été rejetées de leur foyer, il y a des enfants qui n'ont pas pu être scolarisés jusqu'à ce jour. Il y a parmi nous beaucoup qui sont endettés et dont les dettes ne sont pas encore épongées. Il y a des agents qui sont devenus des familles Sans domicile fixe (Sdf). Il y en a d'autres qui n'arrivent même pas à prendre en charge le strict minimum au niveau des charges domestiques. Certains mêmes en sont morts. C'est déplorable. Quelle est la réaction de la Bad face au drame que vous vivez ?
La Bad suit tout cela de près. Mais, le point de discorde entre nous et la Bad, c'est que cette institution, jusqu'à présent, n'a pas accepté de reconnaître le statut de membres du personnel malgré le nombre d'années passées. Nous croyons qu'après notre échange avec le président Donald Kaberuka, le 7 mars 2006, nous lui avons démontré avec document à l'appui, que le document qui a servi de base à l'époque d'élaboration de directive présidentielle signée par Omar Kabbadj qui régissait tout le personnel. Dans ce document, il y avait une jurisprudence où un certain Goustoff avait gagné son procès face aux nations unies dans un cas similaire. C'est-à-dire, il était temporaire, il a fait près de 15 ans et les nations unies n'ont pas voulu lui reconnaître le statut de membre permanent. Alors l'avocat de M. Goustoff a demandé son intégration du fait de l'espérance légitime. On l'a fait espérer pendant plusieurs années. C'est-à-dire que M. Goustoff devrait recouvrir son statut de membre permanent. En ce sens que dès qu'on l'a fait espérer de façon légitime, il avait le droit d'espérer que son contrat allait être reconduit. Le juge a tranché. Il a demandé que les Nations unies reconnaissent le statut de ce monsieur. Nous estimons que notre cas est similaire à celui de Goustoff. Nous avons démontré cela au président de la Bad pendant longtemps. Nous pensons qu'il a pris acte. Il nous avait demandé de faire une trêve par rapport à nos déclarations à la presse. Nous avons observé cette trêve pendant un an. Mais, il n'a pas réagi, c'est pourquoi nous revenons aujourd'hui encore pour attirer son attention sur le fait qu'il doit aller jusqu'au bout des actions qu'il est en train de mener pour le salut de l'Afrique.
Au regard de l'acte que le nouveau président de la Bad vient de poser, en titularisant certains des vôtres, peut-on espérer un retour de la banque maintenant à Abidjan?
L'acte de Donald Kaberuka est un signal fort. Il fait tout pour aplanir, au niveau de la gestion des ressources humaines de la Bad. Cela nous donne un peu d'espoir quant au retour de la Banque. Cependant, nous ne voyons pas ce retour dans un délai proche. Nous le devons le voir plutôt dans un délai lointain. Parce qu'il faut qu'il y ait la réunification totale de la Côte d'Ivoire, qu'il y ait des élections transparentes et libres, que les résultats ne soient pas contestés. A l'issue de tout ce processus, la Bad observe 6 mois après la stabilité, en termes de sécurité du pays. C'est après ces six mois que la Bad peut décider de son retour à Abidjan un an plus tard. C'est donc un processus qui est un peu long. Nous pensons que ce ne sont pas de simples discours qui vont faire revenir la Bad. La Bad a besoin de voir des résultats concrets sur le terrain, ce que le monde entier pourra saluer.
Vous voulez dire que les conditions de retour de la Bad ne sont pas encore réunies ?
Les conditions ne sont pas totalement réunies. Mais, nous pensons que si elles sont réunies au ¾, il y aura de réelles consultations pour envisager un éventuel retour de la banque. Aussi, prions-nous vraiment le président Donald Kaberuka de faire un effort avec son conseil d'administration pour nous rencontrer afin que nous puissions définir ensemble les modalités de sortie de cette crise, pour l'image prestigieuse de cette institution qui fait du bien à l'Afrique.
Honoré Kouassi

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023