lundi 16 juillet 2007 par Le Patriote

S'agit-il d'un fait insolite ? Vraiment pas. C'est vrai, les événements se sont déroulés à Abidjan, cité cosmopolite, ville moderne. Mais la capitale économique de la Côte d'Ivoire n'en demeure pas moins une ville ivoirienne qui vit au quotidien la tradition des Ivoiriens. L'affaire du cercueil contenant la dépouille mortelle du Caporal Diomandé Siaka ne doit pas surprendre. C'est un fait courant dans la Côte d'Ivoire profonde. Nous avons interrogé sociologues, chefs traditionnels et coutumiers. Tous convergent vers une seule et même réponse : Le mort a voulu donné un message. Mais, il en a été empêché. Que voulait dire au juste Diomandé Siaka au monde des vivants ? Une source proche de la chefferie traditionnelle et originaire de Ouaninou dans la région de Touba, indique que la pratique est très courante dans notre région. Il suffit de demander au corps qu'il désigne l'auteur de l'assassinat ou du meurtre et cela se fait. Pour le garde du corps du Premier ministre, il est clair qu'il n'est pas parti d'une mort naturelle. Mais comment cela a pu être possible, vu tout le modernisme qui a entouré les cérémonies mortuaires à Abidjan ? Notre interlocuteur, très proche de la famille du défunt, fait savoir : N'oubliez pas que le corps était à Bouaké. Ses parents s'y trouvent. Il suffit qu'un membre de la famille, n'importe lequel, en privé ou en public, ait demandé au corps de ne pas partir dans la tombe sans avoir indiqué, ne serait-ce que par des indices, la piste des tueurs pour que cela se fasse. Et je crois à cette thèse . Ainsi donc, Diomandé Siaka a voulu donner un message. Nanan Koulouchi III, roi des Adouvlê à Tiapoum ne dit pas autre chose. Dépositaire de la tradition, il souligne qu'en pareil cas, c'est que le corps veut indexer quelque chose ou quelqu'un. Il veut montrer celui qui est la cause du malheur. Il arrive souvent que les porteurs soient obligés de courir avec le corps jusqu'à ce qu'il s'arrête devant une porte. Mais je n'ai jamais vu un corps se tromper. C'est de la réalité. Les voyants vous en parleront mieux , conclut-il, tout en indiquant avoir vécu une situation analogue il n'y a pas longtemps à Moossou.
L'écrivain Bandaman Maurice indique pour sa part que le mystère est bien courant dans toutes les régions de Côte d'Ivoire. Il explique que cette pratique disparaît avec le modernisme, parce que les gens ont tendance à en dévoyer les objectifs. Souvent les porteurs, sur la base de leurs propres soupçons, indiquent des personnes innocentes afin de les livrer à la vindicte populaire. Cela arrive souvent. Maintenant, dans des villages, on fait venir des porteurs d'autres contrées qui n'ont aucun intérêt sur place. Ce qui se passe est donc objectif. Dans tous les cas, indique le Grand prix littéraire d'Afrique noire, c'est une force spirituelle qui a guidée le cercueil qui voulait indiquer son assassin. Il arrive bien souvent que cette force habite le corps d'un vivant qui prend la même voix, la même tonalité et les mêmes gestes que le mort pour désigner son assassin . Si le cercueil de Diomandé Siaka n'avait pas été stoppé par un Officier dont le comportement montre qu'il est initié de la tradition, qu'aurait-il fait ? Il se serait, indique A. Traoré, un mystique, frayé un chemin dans la foule pour aller s'arrêter net devant la personnalité qu'il considère comme son assassin ou, à tout le moins, celle qui a armé les bras de ses assassins. En civil ou en treillis ? Une autre paire de manche. Mais, c'est une question de taille car, la loge vers laquelle fonçait le cercueil, abritait aussi bien les officiels militaires de l'Etat ivoirien que des officiers des forces impartiales. Là encore, l'énigme de la Primature a coupé court à la polémique. Car, c'est bel et bien à Bouaké que le corps du soldat Diomandé Siaka a été inhumé. Il a été transporté d'Abidjan au quartier général des ex-rebelles, sans avoir causé le moindre problème au Transal français qui le transportait. Comme si c'était une délivrance pour le natif de Ouaninou de quitter Abidjan pour l'intérieur du pays. Sur place à Bouaké, il n'y a eu aucune manifestation indéchiffrable du cercueil, ni à la vue des officiers des Forces nouvelles, venues le saluer à l'aéroport, ni pendant l'inhumation devant les chefs de guerre. Diomandé Siaka demande tout simplement aux ivoiriens de regarder vers Abidjan et surtout vers la loge des militaires où il a dirigé les porteurs de son cercueil. Hélas, il s'agit là de la voix de l'Afrique. Celle du mystère et de la métaphysique. Certains y croient, d'autres pas. Mais, on n'accusera tout de même pas les six soldats des FANCI porteurs du corps de leur frère d'arme d'être à la solde de l'ennemi qui veut brouiller les pistes des enquêteurs ?

Charles Sanga

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