dimanche 15 juillet 2007 par Déclic Magazine

Parti en Europe où il réside depuis plusieurs années, le chanteur Reggae Solo Jah Gunt est de retour au pays avec un nouvel album. Nous l'avons rencontré et le père du ?'Roba Dub Style'' nous dit dans cette interview, les raisons de sa présence à Abidjan sans toutefois oublier de nous donner quelques nouvelles sur sa carrière et sa vie en Europe.

Depuis quand tu es au pays ?

Cela fait pratiquement une semaine que je suis au pays et je voudrais profiter de votre micro pour dire infiniment merci à tous les journalistes culturels qui aident vraiment les artistes Ivoiriens à avancer.

C'est dans quel cadre ?

Je suis là pour la promotion de mon nouvel album

On ne sent vraiment pas cette promotion-là

C'est vrai. Tout démarre normalement dans quelques jours et nous sommes en train de préparer cette sortie avec tout ce qu'il faut. Parce qu'il y aura des points de presse et tout ce qu'il y a à faire autour de l'album. Ça démarre donc très bientôt. En dehors de cela, je suis là aussi pour voir la famille, les parents, les amis parce que, comme on le dit, l'oiseau aura volé longtemps, il reviendra toujours à l'arbre. Même si on vit là-bas, on ne doit pas oublier le pays (il rit).

Là-bas, c'est où ?

Moi, je suis entre Paris et Londres. Comme vous le savez bien, l'Angleterre est la 2è capitale du Reggae, après la Jamaïque. Abidjan vient en 3ème position. J'y suis donc régulièrement, mais je réside à Paris.

Ça fait quand même longtemps

Oui, ça fait un bon bout. Mais je suis toujours dans la musique et je fais des concerts là-bas mais c'est parce que vous n'avez pas les échos sur nous. Et c'est pour cela que je suis arrivé cette fois, pour communiquer sur le travail que j'ai fait là-bas. Comme on le dit ; le tigre ne proclame pas sa tigritude, mais quand quelquefois celui qui doit le faire ne le fait pas, il faut qu'on prenne ses responsabilités. Je suis là donc pour ça.

Depuis quand tu es parti du pays ?

C'est depuis 1994 que je suis allé à Paris dans le cadre d'un contrat de spectacles avec une maison de la place. Après, j'ai obtenu le titre de séjour et j'en ai profité pour faire un tour en Angleterre sur invitation des amis en 2000. En tout cas, c'est un bon pays où il y a une forte communauté black. Je ne dis pas que la discrimination n'est pas forte, là-bas mais elle est moindre par rapport à autres pays d'Europe. Donc c'est dans ce pays-là que je fais souvent des tours pour bosser dur.

Tu es parti en 94, au moment où tes fans avaient le plus besoin de toi. Pourquoi ?

C'est vrai qu'ils avaient besoin de moi, mais il faut dire que je suis parti pour un contrat. Et n'oubliez pas aussi que c'est ce qui permet à l'artiste d'avoir une assise parce qu'il a besoin de vivre aussi. Mais n'empêche qu'on ne doit pas couper avec son pays, j'y suis donc revenu. Et c'est pas la seule fois. En dix mois, j'ai fait trois tours au pays après des tournées au Mali, Burkina, etc.

Ce départ, c'était pour une aventure ou toute autre chose ?

C'était pour une aventure. Et celle-ci continue d'ailleurs parce que je suis basé depuis peu à Paris où je quitte pour aller de temps en temps à Londres. Mais comme je l'ai dit, je serai désormais fréquent à Abidjan où je viens sortir mon nouvel album.

Cette aventure n'a pas été facile, dit-on

Oui, comme toute aventure d'ailleurs. Comme je le disais plus haut, c'était dans le cadre d'un contrat de spectacles que j'ai été à Paris. Mais après, il fallait me battre parce que je ne voulais plus revenir comme ça. Et ça n'a pas été facile. Mais comme quand tu sors d'Abidjan comme nous, tu peux bien t'en sortir. C'est ce que j'ai fait. Abidjan m'a formé, donc on a bousculé fort pour se maintenir. Et j'en profite pour dire merci à nos aînés tels que Georges Benson, Pol Dokoui, Barthélemy Inabo, Georges Aboké qui nous ont franchement soutenus.

Tu étais bien aimé par tes fans d'ici et tu es parti en Europe, notamment entre Paris et Londres, deux capitales où le Reggae est très avancé. N'étais-tu pas un peu dépaysé ? et quelles sont les célébrités du Reggae que tu as pu reconstrer ?

On n'avait pas besoin d'arriver à Londres pour voir les célébrités de la Jamaïque puisque ce sont des artistes qui sont tout le temps à Paris. Surtout en période de Festival. Moi j'ai joué au Festival de Garangue, le plus grand de France qui réunit toutes les Stars du Reggae mondial. En 2002, j'ai joué à Bercy avec Uroy, Gladiators, Burning Spear et bien d'autres Stars sur la même scène. Après moi, U-Roy est monté sur scène. Et quand tu vois toutes ces célébrités du Reggae qui nous ont fait rêver ici et que tu joues avec ces sommités, tu ne peux qu'être heureux. C'est une bonne expérience pour moi.

Treize ans de carrière pour combien d'albums ?

Six (6) albums au total. Mais comme je le dis, ceux qui devaient vous informer ne l'ont pas fait mais nous ne restons pas les bras croisés. Nous travaillons beaucoup et vous pouvez le vérifier sur mon site google Solo Jah Gunt. J'ai fait ?'Moi Solo Jah Gunt je ne veux pas me battre'', ?'Elle'', ?'Tourisme''. Après il y a eu ?' Réality'' qui est sorti sous le label Lusafric et ?' Eponyme'' sous un label français. Et voilà, je sors le tout dernier sous le label FJG Music. Mon tout dernier concert, c'était au New Morning à Paris, avec mon orchestre () dont le bassiste Valley est bien connu. C'était super bien. Je suis toujours resté dans mon style de Roba Dub. C'est original et c'est bien.

C'est dire qu'on n'a pas fait un tour en Jamaïque ?

Mon dernier album qui va sortir bientôt devrait être mixé en Jamaïque mais mon arrangeur Georges Kwaku avec qui je travaille depuis longtemps a voulu qu'on l'envoie dans un grand studio de Washington où viennent travailler tous les Jamaïcains. Et c'est ce que nous avons fait. C'est dire qu'au moment où nous cherchons à aller en Jamaïque, les Jamaïcains eux-mêmes vont à Washington.

Comment juges-tu aujourd'hui ta carrière ?

Comme je le disais, ?'le tigre ne proclame pas sa tigritude''. C'est dire que ce n'est pas moi qui vais dire : ?'Voilà Solo Jah Gunt est le N° 1''. La musique n'est pas une course. S'il y avait une course, je préfère une course de fond. En Art, il faut appliquer la libre expression parce que c'est cette liberté que nous défendons tous.

Solo, c'est toujours le lance-pierre au cou, la tête rasée

Toujours (il rit). C'est le lance-pierre, le coco taillé. Tout cela pour montrer que je suis resté fidèle à mon style, à mon arrangeur, à mon pays.

Penses-tu que le Reggae ivoirien a évolué ?

Il a largement évolué parce que vous voyez, aujourd'hui on trouve des espaces d'expression où on joue le reggae chaque soir, chacun est libre de porter les dreadlocks sans problème, les flics ne les fatiguent plus, on circule librement. C'est une avancée notable. Et c'est une bonne opportunité pour la nouvelle génération que j'apprécie et que j'encourage à beaucoup travailler. Mais tout est une question de volonté politique. Si les gouvernants s'impliquent dans l'amélioration des conditions de vie de nos artistes, je pense que ça ira mieux parce qu'il y a des Chefs d'Etat qui sont rasta.

Malgré cette évolution, on vous colle toujours l'image de drogués. Comment tu apprécies cela ?

C'est une question qui a été posée à Marley en son temps. Pour ma part, je n'ai jamais touché à la drogue et je ne sais pas grand-chose sur ça, donc je n'ai pas grand-chose à dire là-dessus. Cette histoire de drogue, n'oubliez pas, avait été collée aussi aux Rockers. C'est dire que c'est un jugement qui est porté sur les rastas tout comme les rockers.

Et si je te demandais, que t'a apporté le reggae

Ça m'a apporté beaucoup. Parce que quand je sortais du ventre de ma mère, je n'avais rien. Tout ce que vous voyez sur moi est l'?uvre de Dieu. Il y a toujours des bénéfices dans ce qu'on fait. Mais faut-il les quantifier ? Pour moi, ça ne sert à rien parce que ceux qui claquent les doigts et que tout sort, sont ce qu'ils sont. Nous, on a souffert donc pour l'humilité, on n'a pas besoin de crier.

Comment as-tu organisé ta vie en Europe ? Es-tu marié ? As?tu des enfants ?

Non, je ne suis pas marié là-bas, mais j'avais une femme ici avec un enfant âgé de 16 ans aujourd'hui, avant que je ne parte. C'est cette dernière qui a pu supporter l'enfant jusque là. C'est vrai que j'avais une copine en Europe mais vous savez, lorsqu'on n'a pas encore une situation bien normale, il faut éviter de se mettre dans les problèmes. Si tu n'arrives pas à gérer une femme, il faut éviter d'en prendre dix. Moi je me suis attaché à celle que j'avais laissée ici et Dieu merci, elle est encore là. C'est la mère de mon enfant. Je suis fier de lui et aussi d'elle. C'est pourquoi je rends d'ailleurs hommage à la femme africaine dans mes chansons parce qu'elle à du mérite.

Présente-nous ton album

C'est un album de dix (10) titres que j'ai baptisé ?'Solo Jah Gunt en toute confiance''. Il y a là-dessus les titres de l'actualité, de l'amour, de la tolérance et de la liberté d'expression. Parce que comme je le dis, il faut l'unité des Africains pour faire avancer notre continent qui est si riche. L'album sort dans quelques jours.

En dehors de la musique, tu fais quoi d'autre ?

J'ai fait pas mal d'études là-bas. Notamment des études de musique, de production dans les grands instituts comme SIFAP que tout le monde connaît bien. On ne rentre pas là-bas en payant de l'argent. Il faut être reconnu comme un vrai artiste pour y entrer. Donc j'ai appris pas mal de connaissances qui me servent beaucoup dans la vie..



José Teti

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