vendredi 13 juillet 2007 par Fraternité Matin

La Côte d'Ivoire est certainement le capitaine de son âme, mais elle n'est pas encore la maîtresse de son destin. La gestion actuelle, plutôt chaotique, de la crise consécutive à l'attaque, à la roquette, du Fokker 100 présidentiel transportant le Premier ministre en est une des preuves patentes et intangibles. Sous le rouleau compresseur de la nébuleuse que constitue la communauté internationale, les acteurs ivoiriens se sont retrouvés dansant le tango sur une piste plus que glissante. Après des tirs groupés contre les forces dites impartiales et des accusations péremptoires, tout le monde semble avoir accepté de mettre de l'eau dans son vin et de réexaminer sa position. Certains vont même plus loin. Ils se dédisent. Carrément. Dans un mouchoir de poche. Et cela, comme par enchantement. Ainsi, les Forces nouvelles ont fini par ravaler leurs propos. Nous n'avons jamais accusé qui que ce soit?, a déclaré, sans rire, Konaté Sidiki, leur porte-parole, au sortir du Conseil des ministres extraordinaire (Cf. Fraternité Matin n° 12.803 du 12 juillet 2007). Loin le temps où Issiaka Ouattara dit Wattao, chef d'état-major adjoint des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN), et Soro Guillaume, Premier ministre et secrétaire général des FN, mettaient clairement à l'index les forces onusiennes. Le général Philippe Mangou, chef d'état-major des Armées (CEMA), a également reconsidéré ses positions. Au départ, il était question de modifier le dispositif de sécurité dans tous les aéroports en ex-zone gouvernementale (Abidjan, Yamoussoukro, Daloa et San Pedro notamment), en les plaçant sous la responsabilité entière et totale des Forces de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire (FDS-CI)? (Cf. Fraternité Matin n°12.797 du 5 juillet 2007). Changement de cap. Il n'est plus question que de l'aéroport international d'Abidjan Port-Bouet. Et, ici encore, c'est à peine si les autorités militaires ne supplient pas les forces dites impartiales de faire montre de discrétion. Nous n'empêchons pas nos frères de faire le contrôle. Ils peuvent occuper les emplacements où ils sont, mais il faut que leur présence soit discrète?, a soutenu le général Mangou.
Les forces dites impartiales ont, certes, abandonné certaines positions, essentiellement afin que le CEMA ne perde pas la face, mais elles n'ont pas quitté le site aéroportuaire d'Abidjan pour autant. Car elles exécutent un mandat des Nations unies qui court jusqu'au lundi 16 juillet. L'objectif de leur mission, c'est un secret de Polichinelle, est de surveiller le cessez-le-feu entre les ex-belligérants et les flux logistiques de sorte que l'embargo sur les armes ne soit pas violé. C'est pourquoi il aura fallu quelques jours avant que, traînant les pieds et attendant des explications précises, les Casques bleus et la Licorne ne se résolvent à appliquer les mesures des autorités militaires ivoiriennes. Qui, du reste, ne prennent pas le contre-pied des instructions qui fondent leur présence en Côte d'Ivoire.
Le vrai problème dans cette affaire qui ne fait pas honneur aux ex-belligérants, c'est-à-dire à notre pays, c'est, d'abord, la fébrilité qui a gagné les uns et les autres. Emporté par l'émotion, que Senghor dit nègre, personne n'a pris le temps d'examiner froidement l'attentat du 29 juin dernier avant d'arrêter des positions définitives. Ce fut le charivari, un branle-bas indescriptible et, pour finir, la cacophonie. Ce cafouillage monstre et le manque criant de coordination des actions expliquent pourquoi le porte-parole des Forces nouvelles, qui est en même temps membre du gouvernement, trouve ? et dénonce ? maintenant des conflits de compétence. Il s'est démarqué du CEMA, estimant que ce dernier marche sur les plates-bandes du gouvernement. Selon Konaté Sidiki, les mesures que le général Mangou a arrêtées entrent dans le cadre des activités gouvernementales? (Cf. Fraternité Matin n°12.803 du 12 juillet 2007). C'est à ce niveau que se situe, en effet, le n?ud gordien des incompréhensions et des a priori qui plombent encore le retour effectif et définitif de la paix. Au point qu'une polémique stérile a même opposé partisans et adversaires d'une commission internationale d'enquête. Alors que la crise des grades? tarde à trouver une solution entre les deux états-majors, le général Mangou a voulu s'appuyer sur deux faits pour tenter un passage en force: l'onde de choc qui a secoué la population à la suite de cet attentat - qui a fait quatre morts et plusieurs blessés - et la colère noire des premiers responsables des Forces nouvelles. Aussi, en bon stratège, le CEMA a-t-il flairé un bon coup à jouer pour rapprocher les deux armées. A défaut de les réunifier. L'occasion paraissait donc unique. En se rendant, le 2 juillet dernier à Bouaké, Mangou, au-delà de la compassion, voulait tendre la main aux éléments des FAFN en leur faisant une offre: le travail en partenariat, en attendant la refonte de toutes les unités. Et la naissance de la nouvelle armée. C'est dans ce sens que, voulant chanter à l'unisson avec eux, le chef d'état-major des Armées a récupéré leurs revendications: bouter les forces dites impartiales hors du périmètre des aéroports. Il est même allé plus loin en lançant un message fort et poignant. Désormais, si des gens s'en prennent aux Forces nouvelles, qu'ils sachent qu'ils auront affaire à nous et, sans doute, vice-versa?, a-t-il annoncé, espérant, sans doute, que le premier responsable des Forces nouvelles (qui se trouve être le Premier ministre), saisirait la balle au bond. Surtout que, le 3 juin dernier, le match de football Côte d'Ivoire-Madagascar, à Bouaké, avait posé les jalons des retrouvailles entre les deux armées. Echec et mat! Mangou n'a pas emporté l'adhésion des autorités militaires des FN qui n'ont manifesté aucun enthousiasme suite à sa proposition. L'abandonnant seul dans son combat contre les forces dites impartiales, les FAFN se sont rétractées en mettant, purement et simplement, un terme à leurs velléités de sécurisation, par leurs seuls soins, de l'aéroport de Bouaké. De ce fait, les Casques bleus et la Licorne, qui ont la situation sous contrôle, n'ont pas levé le bivouac. Et le 30 juillet prochain, à l'occasion de la cérémonie du Bûcher? ou Flamme de la paix?, ce sont ces forces internationales-là qui sécuriseront l'aéroport de l'ex-fief de la rébellion. Lot de consolation, les FDS seront associées à l'opération. Pour la seule et unique raison que le Chef de l'Etat devant y participer, il faut ménager les susceptibilités politico-diplomatiques. Et sauver les apparences.

Par
Ferro M. Bally

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