vendredi 13 juillet 2007 par Fraternité Matin

Le Rassemblement des républicains est depuis quelques temps secoué par des vagues de départs. Son ancien commissaire politique, à Anyama, en donne les raisons. En mars dernier, lorsque vous preniez la décision de militer désormais aux côtés de Mamadou Koulibaly, vous n'aviez pas évoqué les raisons profondes de votre départ du Rassemblement des Républicains (Rdr). Aujourd'hui, peut-on savoir les motifs de ce divorce?
Je suis membre fondateur du Rdr. J'étais au pré-congrès de Yamoussoukro avec feu Djéni Kobinan. J'ai donc gravi tous les échelons pour être commissaire politique. Au Rdr, nous avions un idéal qui se retrouve dans l'hymne de ce parti. Il s'agit de l'intégrité, de la justice et du partage. Ces idéaux ont cédé la place à l'injustice, à l'égoïsme et à la bourgeoisie. Soyez plus explicite.
Que reprochez-vous exactement au Rdr?
Le Rdr a mal géré les victimes des évènements de mars 2004. En effet, vous savez qu'Anyama est tout un symbole pour le Rdr. D'ailleurs, tout le monde dit que cette ville est le bastion du Rdr. Nous étions donc au devant de toutes les luttes, toujours prêts à exécuter les mots d'ordre. Tenez par exemple, nous avons défié le pouvoir en place le 24 mars 2004 pour aller marcher, alors que cette marche était interdite. On nous a demandé de le faire parce qu'on nous a fait croire que les forces impartiales n'attendaient que cette opportunité. Cela voudrait dire que si l'armée ivoirienne tirait sur les marcheurs, cela suffirait pour chasser Laurent Gbagbo du pouvoir. Le Rhdp (Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix) nous avait chauffé à blanc et nous avons mobilisé toutes les bases en mettant la pression sur Gbagbo. Le jour de cette marche, au niveau de l'usine Unicafé sur la route d'Anyama, nous étions confrontés aux forces de défense et de sécurité. Il y a eu donc des incidents qui se sont soldés par 11 morts et un grand nombre de blessés. Nous avons tenté d'entrer en contact avec les membres de la direction de notre parti. En vain. Tous les portables étaient fermés. Et nous étions livrés à nous-mêmes. Les morts ont été gardés dans la morgue d'Anyama pendant une année pour, dit-on, une autopsie internationale qui n'a jamais eu lieu. Au niveau local, nous avons pris la responsabilité d'enterrer nos morts une année après, dans l'indifférence totale de la direction du parti.
Pour tous les blessés invalides et les 11 morts, nous avons eu en tout, la somme de 170.000f représentant la contribution de certains responsables locaux. Au niveau de la direction, il n'y a rien eu. Par ailleurs, malgré ce dévouement, Anyama n'a bénéficié jusque-là d'aucun poste ministériel. Aussi, aucun militant Rdr d'Anyama n'a été appelé à travailler dans ces ministères. Nous pensons pourtant que nous le méritons. C'est de l'injustice.
Aujourd'hui, quel est le sort des victimes des évènements de mars 2004?
Je disais tantôt que nous avons enterré nos 11 morts. Mais il y a beaucoup de victimes invalides qui sont livrées à elles-mêmes. Un de mes protégés, Konaté Youssouf, a été amputé du pied au niveau du genou. Il n'a reçu aucune assistance. J'ai dû faire des démarches pour lui permettre d'avoir une prothèse. Ces exemples sont malheureusement multiples dans des familles à Anyama. Tous ces jeunes étaient des espoirs de leurs familles respectives. Ils sont invalides à vie dans l'indifférence totale de la direction du parti. A l'époque, vous étiez un responsable au niveau local. Avez-vous effectué des démarches pour poser les problèmes au plus haut niveau?
Oui. Je suis devenu commissaire politique début 2005. Avant cette date, nous rencontrions régulièrement la direction à qui nous faisions comprendre qu'Anyama est souvent ignoré dans les prises de décision. Mme Koné Mama, une militante très active, a compris cela très tôt et elle était allée au Fpi. A l'époque, j'ai été mandaté par la direction pour la convaincre de revenir au Rdr. Cela a été fait et le président Alassane Ouattara nous a reçus. Nous avons alors profité de cette occasion pour lui poser à nouveau tous les problèmes d'Anyama. Mais rien n'a été fait. On a l'impression que c'est parce que vous avez été candidat malheureux à l'élection des secrétaires départementaux en janvier 2007 que vous- vous acharnez contre le Rdr. Ici également, il n'y a pas eu de jeu démocratique. Mon seul tort, c'est d'avoir présenté ma candidature contre M. Camara Lacina, qui se trouve être l'oncle d'Ado. En effet, nous avons constaté des irrégularités sur le listing. J'ai donc saisi la direction du Rdr pour une réclamation. Mais le jour des élections, pour avoir contesté ce listing, Mme Rokia Ouattara, une autre parente d'Ado, ordonna aux loubards de nous faire sortir de la salle manu militari. Il y a eu deux blessés dans nos rangs. C'est dans ces conditions que M. Camara Lacina a été élu actuel secrétaire départemental d'Anyama. Au sortir de ce scrutin, j'étais personnellement frustré. Car cet Homme a pris le Rdr en otage. Mais le véritable problème du Rdr à Anyama est la mauvaise gestion des victimes des évènements de mars 2004. De nombreux militants sont amers et déçus. Vous voulez dire qu'on doit s'attendre à d'autres départs?
Beaucoup sont gagnés par le découragement et notre départ a libéré les militants qui avaient peur d'être agressés. En mars dernier, je vous disais que des commissaires politiques sont prêts à claquer la porte du Rdr. Aujourd'hui, c'est chose faite car M. Amidou Sylla, l'ancien maire, vient de rejoindre M. Zémogo Fofana. D'autres militants et non des moindres vont également quitter le Rdr. C'est sûr ! Vous êtes désormais engagé dans la lutte aux côtés du Président de l'Assemblée nationale, le Pr. Mamadou Koulibaly. On vous aperçoit également dans les Agoras et parlements où vous animez des meetings. Quel message faites-vous passer?
A travers ces meetings, je m'adresse aux militants du Rdr pour leur dire qu'on nous a trompés. Nos espoirs sont brisés, car les idéaux de justice et de partage sont partis en lambeaux. Tous ceux qui sont épris de paix doivent nous rejoindre pour continuer le combat de la vérité.

Interview réalisée par
Kouame Alfred

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