jeudi 12 juillet 2007 par Nord-Sud

Le Dr N'Douba Boroba François, chef du département de psychologie de l'université de Cocody, est psychologue généticien différentialiste (spécialiste de la psychologie de l'enfant). Dans cette interview, il fait un diagnostic du stress qui anime certains apprenants lors des compositions.



? Bientôt ce sont les examens de fin d'année. Selon vous, avec quel état d'esprit les candidats doivent-ils aller à ces évaluations ?

Les candidats doivent savoir que l'examen n'est que la fin d'un processus et que tout commence en début d'année. S'il faut parler des conditions de réussite, il faut d'abord apprécier ce qui s'est passé avant. L'école est un lieu de construction de connaissances, de résolution de problèmes, de modification des comportements. C'est donc un lieu d'apprentissage. L'apprentissage est un processus dynamique qui implique un certain nombre de facteurs notamment les facteurs intrinsèques et les facteurs extrinsèques. Extrinsèque vient de l'extérieur. C'est-à-dire tous les éléments extérieurs à l'élève qui vont influencer son rendement, sa manière d'apprendre. Les facteurs intrinsèques sont les facteurs liés à l'apprenant lui-même. C'est la combinaison de ces facteurs qui va amener l'individu à bien apprendre ou à ne pas bien apprendre. C'est ce qui va favoriser l'échec ou la réussite de l'enfant. Pour répondre à votre préoccupation. Je dirai qu'il faut que les élèves soient dans les meilleures conditions à la maison. Les parents doivent les entretenir et les encourager en leur expliquant qu'ils ne vont qu'à une simple évaluation comme ils ont eu à le faire durant le reste de l'année. Ils seront interrogés sur ce qu'ils ont vu en classe depuis le début de l'année. Ils doivent étudier leurs leçons. Les parents doivent cependant éviter de trop les charger. Il faut éviter ce qui est couramment appelé le décapi , c'est-à-dire rester éveillé toute une nuit. Le candidat doit avoir des moments de repos et de distraction. Si au cours de l'année, il a bien travaillé, il est évident qu'il réussisse.





? Pourquoi malgré les assurances qui leur sont données, certains enfants arrivent en salle d'examen avec beaucoup de stress ?

L'évaluation elle-même est une situation stressante. L'enfant a dans son esprit l'espoir de réussir et la peur d'échouer. C'est ce que j'ai appelé facteur intrinsèque. Là encore, le rôle des parents est déterminant. Ils doivent rassurer l'enfant et leur dire que s'il a bien révisé ses leçons il abordera facilement les épreuves.





? Faut-il procéder de la même manière avec les plus petits du Cm2?

Pour eux, c'est encore plus difficile. A cet âge ils aiment les défis. Tout ce qu'ils veulent, c'est de faire plaisir à leurs parents. Ils se disent que s'ils échouent, papa ne sera pas content ou maman ne sera pas contente. Les plus âgés peuvent eux se démarquer de cette situation. Il faut donc aider les plus jeunes à être relaxes. Il faut organiser leur temps d'étude. Ils doivent avoir des moments de récréation. On peut sortir avec eux. Il faut les laisser jouer avec leurs frères ou leurs amis. Ces enfants sont plus fragiles. Donc l'examen en tant que tel est source de beaucoup de choses chez eux. Il ne faut pas leur mettre la pression.





? Vous avez parlé des facteurs environnementaux. Est-ce la situation nationale, notamment le regain de tension après l'attentat manqué contre le Premier ministre ne peut pas entamer la concentration des candidats ?

Cette situation influence tout le monde y compris vous-même. Cette situation peut être source d'échec. Mais on peut minimiser cette source. Les élèves ne sont pas impliqués dans ce qui se passe. Ils le vivent de loin. Si vous journalistes n'amplifiez pas les choses, cela ne devrait pas influencer le rendement des enfants.





Est-ce suffisant ?

Ce n'est pas suffisant, mais on ne peut pas de façon exhaustive citer tout ce qui peut éviter cette influence. Chaque individu est unique. La situation dont nous parlons peut être vécue différemment par les candidats. Vous trouverez des personnes qui sont totalement indifférentes à cette situation. Je voudrais dire ceci aux candidats. Il est vrai que cette année, le pays a traversé des situations difficiles, mais l'école a continué de fonctionner. Cela signifie qu'ils peuvent passer correctement les examens. De par leur réussite, ils vont faire plaisir non seulement à leurs parents, mais aussi à la nation. Qu'ils se disent qu'ils s'en vont composer pour réussir et qu'ils sont suffisamment intelligents pour réussir. Ils vont réussir.





? Les spécialistes ont l'habitude de proscrire les stimulants comme le café. Pensez-vous que tous les candidats peuvent s'en passer ? Ces produits ne sont-elles pas indispensables pour certains individus qui ne seraient pas naturellement solides ?

Je suis contre les stimulants. C'est peut-être un moyen, mais ce n'est pas le moyen adapté. Le stupéfiant peut servir pour une situation précise, mais après, les effets sont incontrôlables. Ceux qui l'utilisent vont stimuler la mémoire de travail pour un moment dans lequel ils vont répondre aux questions, mais une fois ce moment passé, vous leur poserez les mêmes questions, ils ne pourront pas y répondre. Ce que je conseille aux élèves, c'est de s'organiser dès le début de l'année pour étudier leurs leçons au fur et à mesure. Les derniers moments sont des moments de révision.



? Ces dernières années, les taux d'échecs sont élevés. A quoi est dû cela selon vous ?

Il y a beaucoup d'explications à donner. Elles peuvent être comme je l'ai déjà dit endogènes, ou exogènes. Les enseignants ne sont pas motivés. Un enseignant qui n'est pas motivé, quel message voulez-vous qu'il transmette aux enfants. Donc la qualité de l'enseignement a pris un coup. A cela s'ajoutent, le problème de classes pléthoriques, les perturbations de cours dues aux grèves. Il y a aussi la famille. L'enfant une fois à la maison, doit avoir un encadrement. Il ne doit pas quand il a quitté l'école, déposer son cahier et faire autre travail. Cela entraîne une cassure dans sa concentration. Il y a aussi le système éducatif. Les programmes sont lourds et parfois inadaptés.





? Est-ce que les élèves n'échouent pas aussi parce qu'ils sont traumatisés par la crise ?

Cela est possible parce que tout le monde baigne dans ce milieu qu'on appelle Côte d'Ivoire. Mais n'oublions pas que pendant ce moment, il y a aussi des réussites. Certes il y a des difficultés, mais si l'élève s'organise, il réussira.





? Le manque de débouchés n'est-il pas une autre source d'échecs ?

Chaque chose a son temps. Il faut d'abord aller à l'école et avoir ses diplômes. Le moment viendra de penser au travail.





? La foi religieuse peut-elle jouer un rôle dans la concentration du candidat ?

La religion amène à justifier les choses, donc à baisser la tension. On se dit : si j'échoue, ce sera la volonté de Dieu. Dieu fera que je connaisse des succès après. Il y a des non religieux qui n'ont aucun problème. Mais la foi religieuse est toujours un plus.





? Certains parents donnent à leurs enfants des potions ou des gris-gris censés leur garantir le succès. Est-ce bon ou pas ?

C'est l'effet placebo. C'est-à-dire qu'on va placer une confiance à celui qui va nous donner le gris-gris. Alors, l'enfant va à l'examen avec beaucoup d'assurance. Et cela peut être source de maîtrise de soi et de réussite.





? Cela ne peut-il pas jouer un faux tour au candidat vu qu'il peut être tenté de ne plus étudier ?

Tout dépend de la croyance que l'individu accorde à ce gris-gris, mais quoi qu'il en soit, il faut d'abord se donner soi-même la capacité de réussir. Le gris-gris n'est qu'une source d'assurance et de confiance.





? Certains candidats consomment des carreaux de sucre pour lutter contre le stress. Est-ce utile ?

Quand l'enfant va à l'examen et qu'il ne peut pas manger, il peut consommer des carreaux de sucre ou des aliments sucrés comme le miel, des bonbons etc. Cela apaise et évite l'évanouissement. L'idéal est que l'enfant mange comme d'habitude.





? Aujourd'hui la fraude est beaucoup développée. Certains enseignants aident les candidats moyennant des récompenses diverses. Les diplômes sont vendus. Tout cela ne peut-il pas perturber le candidat ?

Il est vrai que la société dans son ensemble est gangrenée par la corruption. En tant qu'individu baignant dans ce milieu, il peut être tenté et ne pas étudier correctement. Au lieu d'étudier pour préparer les examens, beaucoup d'enfants mettent en place des stratégies pour pouvoir tricher. Ils le font même souvent en accord avec les parents. C'est dommage. C'est dommage parce que je me demande comment le pays sera d'ici quelques années. Quels cadres aurons-nous pour pouvoir sortir notre pays du sous-développement. Donc je conseille aux élèves de ne pas s'adonner à la tricherie. Cela nous rattrape toujours. Quand vous allez tricher pour avoir vos diplômes, quand il s'agira de travailler, vous n'aurez pas les mêmes aptitudes que celui qui a obtenu ses diplômes par le travail.





Interview réalisée par Cissé Sindou

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