jeudi 12 juillet 2007 par L'intelligent d'Abidjan

Lé président de la Cour suprême a tenu un point de presse le mercredi 11 juillet 2007 pour faire une mise au point concernant l`information selon laquelle il a été limogé de son poste. Tia Koné en a profité pour faire des précisions sur certains procès qui défraient la chronique. Ci-dessous de larges extraits de sa conférence. J`ai été réveillé ce matin (Ndlr : hier mercredi) par des coups de téléphone de certains de nos frères qui avaient été véritablement sonnés par la nouvelle qu`ils avaient eue de votre confrère ``Nord-Sud``. Lorsqu`ils m`ont relaté les faits, j`ai été le premier surpris. Voyez-vous, je ne suis jamais surpris de ce qui est écrit dans les journaux, surtout les journaux ivoiriens. Je ne dis pas que tous les journaux racontent des histoires, mais il leur arrive souvent d`en raconter. C`est pourquoi je suis très heureux que le Président Gbagbo ait décidé de ne pas mettre les journalistes en prison, sinon on le ferait tous les matins et les journalistes seraient plus nombreux en prison que les membres des autres corporations. Je comprends, l`environnement psychologique de leur travail est difficile. Il faut gérer l`information rapidement pour être par moments, les premiers sur le terrain à donner les informations. Vous appelez cela des scoops, mais à la recherche de ces scoops il vous arrive parfois de vous tromper et je pense que ça a été le cas. Depuis environ trois jours, j`ai été sonné par une grippe très méchante et j`avais même perdu la voix. Je me suis dis que puisque c`est bientôt la fin de l`année judiciaire, je vais attendre le mois d`août pour me reposer un bon coup, pendant un mois ou un mois et demi. Mes collaborateurs qui me connaissent bien m`ont dit de me reposer. On a souventes fois plaisanté en disant que les cimetières sont remplis des gens indispensables. Il faut éviter d`aller là-bas, sinon on se croirait indispensable, donc je dois me reposer. Aussi, avant-hier j`ai appelé mon chef de cabinet pour lui dire de me préparer un document qui puisse me permettre de me reposer et surtout de donner ordre à l`un de mes vices présidents, d`assurer mon intérim pendant mon temps de repos. Le conseiller spécial Gozi, qui est membre de mon cabinet et qui exerce les fonctions de chef de cabinet, a établi cette note d`intérim (Il lit la note d'intérim). Avant cette note, j`avais appelé le vice président Yao Assoma, pour l`informer de mon désir de le charger de cet intérim. Il m`a même dit qu`il avait quelques petites indisponibilités, mais compte tenu des nécessités de service, il a accepté de rester en place en attendant que je revienne. Je suis donc surpris d`entendre que pour les mêmes raisons, puisqu`on parle de mon état de maladie, mais on dit que c`est un prétexte et que le Président Gbagbo m`aurait relevé de mes fonctions. A tous ceux qui sont venus me voir ou qui m`ont appelé ce matin (Ndlr hier), je leur ai dit que certains de nos concitoyens prennent leurs rêves pour des réalités. Depuis belle lurette, il est arrivé souventes fois à nos journalistes de rêver debout, de souhaiter que je ne sois plus à un poste, de me voir partir. Il y en a même qui ont souhaité que je quitte ce monde, ils ont annoncé mon décès l`année dernière. J`étais tranquillement assis à Cotonou avec mes enfants. L`un de mes amis m`appelle et me dit ``Tia, il parait que tu es mort``. Dans nos coutumes à l`Ouest, quand cela est dit, ça prolonge encore la vie. En annonçant aujourd`hui peut-être mon départ de la Cour suprême, on prolonge mon séjour à la Cour suprême, parce que le Président Gbagbo n`est pas homme à violer un des principes auquel il est lui-même attaché intimement, c`est-à-dire l`indépendance de la magistratureDire que c'est à cause des décisions rendues qu'il m'a débarqué, c'est rêvé debout. Depuis que je suis magistrat, surtout que je suis président de la Cour suprême, le Président Gbagbo ne m`a jamais appelé pour me dire qu`il n`est pas satisfait d`une telle ou telle décision. Même quand il m`arrive, et cela peut arriver, de lui demander ce qu`il pense de telle ou telle décision, il dit ``je respecte la décision des juges et je respecte surtout la décision de la Cour suprême``() Le président de la Cour suprême demeure toujours sérein face à sa responsabilité devant l'histoire. Mais, à quand votre départ de la Cour suprême ?
Je serais bien allé être maire de mon patelin à Man. Je suis quelqu`un qui n`aime pas demeurer à des postes au point d`être atteint par la sclérose. L`homme a toujours besoin de se mettre à l`épreuve de l`histoire. Mon rêve n`est pas de demeurer ad vitam à la Cour suprême. Quand je dis qu`il y a des gens qui prennent leurs rêves pour des réalités, c`est parce que certaines personnes veulent voir partir le président Tia avant terme, parce qu`ils ont par exemple perdu un procès, leur rêve est de me voir partir croyant que celui qui va venir leur sera plus favorable. Vous savez bien que la Cour suprême de Côte d`Ivoire est appelée à disparaitre dans très peu de temps lorsque les juridictions suprêmes qui sont prévues par la Constitution de la république seront mises en place. On nommera les présidents de ces juridictions et il y aura trois juridictions suprêmes : la Cour de cassation, le Conseil d`Etat et la Cour des comptes, qui sortiront du ventre de la Cour suprême qui est aujourd`hui là. Et lorsque ces juridictions suprêmes seront mises en place, il va de soi que le président de la Cour suprême que je suis ne sera plus là. Donc, le président de la Cour suprême est conscient de ce qu`un jour ou l`autre, il va partir, mais lorsque le moment sera venu. Pour l`heure, il y a des urgences. Il faut rétablir l`équilibre de notre société, il faut rétablir la tranquillité pour que les élections transparentes aient lieu et lorsque toutes ces Institutions seront mises en place après ces élections, les députés qui votent les lois, vont voter les lois organiques de ces juridictions suprêmes. Et c`est en ce moment là que celles-ci seront mises en place. Alors, demander aujourd`hui que le président parte, de lui-même d`abord, ce serait une trahison parce qu`au moment où tous les autres ont besoin de moi, je ne peux pas partir, que le Président de la République l`enlève alors qu`il n`a rien fait, puisque le Président est le garant de l`indépendance de la magistrature, affirmer cette indépendance ne constitue pas une offense, le Président ne peut donc pas l`enlever. C`est pourquoi, je dis que certains de nos frères prennent leurs rêves pour la réalité. Mais, penser que je ne partirai jamais de la Cour suprême, c`est également un autre rêve.
Allez-vous intenter une action une réaction contre le quotidien "Nord-Sud" ?
Je n`ai réagi qu`une seule fois en n`exerçant pas du reste une action pénale, mais mon droit de réponse. C`était le jour où j`ai appris par un journal que j`aurais tué un de mes enfants pour m`enrichir. Qu`est ce qui n`a pas été dit sur moi ? Mais, m`avez-vous vu exercer mon droit de réponse, encore moins des actions répressives ? Je sais que les journalistes travaillent dans des conditions difficiles. Les traquer chaque fois, c`est empêcher qu`ils fassent d`exercer leur esprit d`initiative et de créativité. Les journalistes doivent être libres. C`est à eux de voir la limite de cette liberté. Ce n`est pas moi qui vais exercer des actions contre eux. Je n`en vois pas la nécessité. Vous avez parlé tantôt de votre indépendance. Pourtant récemment dans le procès Zéhi Sébastien, on a senti la Cour suprême tergiverser nombre de fois. Tantôt il est réinstallé à la tête de la Poste de Côte d`Ivoire par une décision de la Cour suprême, tantôt il est débarqué par une autre décision de la Cour suprême. Quelle explication pouvez-vous donner à cela ?
Je suis heureux que vous reveniez sur un des dossiers que nous avons traité récemment. J`estime que c`est la preuve qu`il existe dans notre pays, cette indépendance. Le procès Zéhi Sébastien est encore en cours. Je ne peux pas tellement en parler parce que j`ai appris dans les journaux que M. Zéhi avait décidé de démissionner. Mais, n`ayant pas été saisi d`un désistement d`action devant ma juridiction présidentielle, je considère que le dossier Zéhi est encore pendant. C`est pourquoi je ne voudrais pas entrer dans les détails mais je vais simplement passer sur les contours. Un dossier peut-être pendant devant la juridiction présidentielle pour que la juridiction de fond qu`est la juridiction de la Chambre judiciaire ou des autres Chambres puisse intervenir après. Lorsqu`une décision est prise en Cour d`appel, l`une des parties ayant exercé une voie de recours qu`on appelle pourvoi en cassation, peut souhaiter de ne pas voir exécuter la décision dont il a fait recours. Pour en obtenir le blocage de l`exécution, le plaideur peut s`adresser au président de la Cour suprême, pour obtenir le sursis à l`exécution. Ainsi, nos amis des postes avaient exercé cette voie de recours qui m`avait amené, en tant que président de la juridiction présidentielle, à considérer qu`il y a difficulté d`exécution, puisque l`affaire était encore pendante devant une autre juridiction. On ne peut pas exécuter une décision qui est frappée d`un recours devant la Cour suprême. Il faut bloquer cette décision. Mais, lorsque la décision de la juridiction de fond intervient, la décision provisoire prise par le président de la Cour suprême, tombe de plein droit, parce que la décision du président dit "je suspens l`exécution de la décision de pourvoi jusqu`à ce que la chambre judiciaire de la Cour suprême vide sa saisine". Si la saisine est vidée, il peut arriver que la décision prise pas la juridiction de fond soit elle aussi frappée d`un autre recours. C`est ce qui est arrivé, puisque la juridiction de fond a pris une décision que la poste a contesté pour défaut de communication au ministère public. Donc, cet aspect a fait ressurgir le dossier devant nos juridictions, en annulation de la décision violant l`article 106. Dans cette affaire, les agents de la poste ont dit qu`ils sont une émanation de la personne de droit public et qu`une affaire les concernant devrait faire l`objet d`une communication au ministère public. N`ayant pas fait l`objet de cette communication, la décision prise est nulle. Je n`ai pas à entrer dans le fond de cette procédure. J`ai donc pris une autre ordonnance pour bloquer l`exécution de la décision dont ils contestaient la régularité. Il appartient prochainement à la juridiction de fond, de voir si oui ou non il n`y a pas eu communication. Si c`est le cas, ils vont annuler la décision ou si ce n`est le cas, ils vont rejeter le recours. Il n`y a aucun problème à ce niveau, concernant l`indépendance de la magistrature, le président n`est pas intervenu, ce n`est pas son rôle, ça ne le regarde pas. C`est le jeu normal de la judicature, nous avons nos procédures que nous respectons. Il faut permettre aux Ivoiriens d`exercer totalement et entièrement leur voie de recours. C`est cela aussi les garanties de la bonne justice en Côte d`Ivoire.

Aké Laurent Okoué
Coll : OD

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