mercredi 11 juillet 2007 par Le Nouveau Réveil

Les épreuves de la vie, Guillaume Soro en a certainement vu des vertes et des pas mûres. Depuis sa jeune carrière de leader de mouvement syndical estudiantin et certainement plus encore depuis qu'il s'est porté à la tête de l'insurrection militaire de septembre 2002. Mais, il faut le dire tout net. Celle qu'il a vécue le vendredi 29 juin à l'aéroport de Bouaké aura été la plus difficile des épreuves. Ce jour-là, en effet, le Chef du gouvernement a vu la mort en direct. Au sens propre et figuré de l'expression. "Quand l'avion a été bombardé () Je me suis retourné et j'ai vu des bras arrachés, des têtes broyées. Il y avait du sang partout. () Imaginez, on tire dans un avion, un endroit clos () C'est le summum de la violence. On n'avait jamais vu ça". Lorsqu'il le disait à la délégation du PDCI qu'il recevait, Guillaume Soro n'avait jamais été autant sérieux. L'expression de son visage, le timbre de sa voix, exprimaient toute l'émotion et la peur panique provoquée par l'attentat. "Vous savez, quand vous pensez que tout est fini pour vous, vous êtes serein () Donc j'étais serein" poursuit-il dans un silence de cimetière. Cet attentat a coûté la vie à quatre de ses collaborateurs, dont son chef de sécurité le Lieutenant Ouattara Drissa alias Delta. D'autres collaborateurs "plus chanceux" sont blessés et portent encore les stigmates de cette journée d'horreur. Alain Lobognon et Méité Sindou, son porte-parole, ont les mains dans un bandage. Kamagaté Souleymane alias Soul To Soul, son chef de protocole a les membres inférieurs touchés par les balles. Celui-ci, faut-il le rappeler, connaît presque la moitié de la vie de Soro. Pour avoir été l'un de ses plus fidèles "lieutenants". "Quand on a vu ses collaborateurs mourir et qu'on voit ses intimes dans un état inquiétant, on a beau s'appeler Guillaume Kigbafori Soro, on a beau diriger une rébellion durant 5 longues années, on est psychologiquement, moralement et physiquement atteint". Et le Premier ministre, à coup sûr, a dû l'être.
Mais en même temps, il se donne des raisons d'espérer. En soutenant que dès qu'il s'est inscrit dans cette voie, il savait ce qui l'attendait. C'est pourquoi, en dépit de tout, le chef du gouvernement s'est dit déterminé à conduire le processus de paix pour sortir les Ivoiriens de cette crise. "Tout doit continuer. Il faut qu'on aille à la réunification du pays", a-t-il dit.

Des mesures sécuritaires annoncées
Il a certes la détermination de conduire son pays à la paix, mais Guillaume Soro est convaincu que sa sécurité n'est plus à négliger. C'est pourquoi recevant ses militaires, il a été on ne peut plus clair. Il a donné des instructions fermes pour que la sécurité soit renforcée dans sa zone. "Et je n'entends pas rigoler avec ces instructions" a insisté le Premier ministre. "La récréation est terminée. Il ne faut plus continuer de laisser les gens faire n'importe quoi, préparer n'importe quoi. Je m'y engagerai pleinement sans hésitation" a martelé M. Soro. Clair donc, comme de l'eau de roche. Car beaucoup d'observateurs pensent que les FAFN ont un peu baissé la garde. Ce qui a pu certainement contribuer à la facilité avec laquelle les terroristes ont pu rentrer dans Bouaké. Une source proche de l'enquête a d'ailleurs révélé que les tireurs sont rentrés à Bouaké à la faveur du match Côte d'Ivoire-Madagascar. Le Général Soumaïla Bakayoko et tous ses hommes qui ont pris ces instructions au sérieux ont, aussitôt tenu des réunions pour mettre leur stratégie en place. A Bouaké même, la sécurité a été renforcée. Tout comme à Abidjan, où l'on a vu un impressionnant dispositif sécuritaire à l'arrivée de Guillaume Soro de Ouaga où il a discuté avec le médiateur des questions de sa sécurité. En clair, après l'attentat manqué contre sa personne, le Premier ministre fera très attention aux petits détails sur la sécurité. Et ces détails auxquels il ne prêtait pas attention, seront désormais scrupuleusement scrutés. La confiance transformée
en méfiance ?
En outre, la suspicion sera de mise comme c'est souvent le cas dans ce genre de situation. Déjà très fragile, la confiance entre le Chef de l'Etat et son chef de gouvernement prendra un coup de plomb dans l'aile. Même s'ils ne disent pas ouvertement pour respecter la volonté du Premier ministre qui a recommandé qu'aucune accusation gratuite ne soit portée contre qui que ce soit, des habitants de Bouaké et certaines personnes pensent que le "crime pourrait bien profiter au régime". Toute chose qui poussait le premier ministre non pas à la méfiance et à la suspicion, mais à la vigilance. "Chat échaudé craint l'eau froide" dit l'adage. Sur la route de la paix, Guillaume Soro adoptera désormais, l'attitude du caméléon. Il ne changera pas de couleur. Mais, après avoir posé un pas, il s'assurera qu'il est bien posé avant d'en poser un autre. Cela s'appelle la prudence. Des observateurs reprochaient au Secrétaire Général des Forces Nouvelles de s'être "totalement livré" au protagoniste d'hier. Alors question. Quel Soro après l'attentat manqué contre sa personne, le vendredi 29 juin dernier ? Réponse, un Soro nouveau.

Yves M. Abiet

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