vendredi 6 juillet 2007 par Fraternité Matin

Le général Philippe Mangou et les Forces de défense et de sécurité (FDS) ont décidé de modifier le dispositif actuel de sécurité des aéroports. Selon des sources militaires ivoiriennes, c'est la résolution principale qui ressort de la rencontre qu'ont eue mercredi à Abidjan plusieurs forces impliquées dans la gestion de la crise en Côte d'Ivoire. La réunion a duré environ une heure et demie. Entre 10h30 et 12h00. Elle s'est tenue à huis clos.
A part les Forces armées des Forces nouvelles (FAFN), qui n'ont pas été invitées, toutes les autres composantes militaires ont répondu à l'appel du général Philippe Mangou, chef d'état-major des Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI), initiateur de la rencontre. Le chef d'état-major de l'armée régulière a insisté sur les "précautions" à prendre pour l'avenir?, après l'attaque subie, vendredi à l'aéroport de Bouaké, de l'avion du Premier ministre. C'est parce que des dispositions ne sont pas prises que s'est produit ce qui s'est passé à l'aéroport de BouakéIl faut que des mesures idoines soient prises?, a expliqué le général Mangou, selon un communiqué de presse des Armées.
Il s'agit pour le général Philippe Mangou et les FDS de mettre en place de nouvelles dispositions? pour la sécurité aéroportuaire. Ainsi, les aéroports d'Abidjan, de Yamoussoukro, de San Pédro et de Daloa passent désormais sous la responsabilité entière et totale des Forces de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire (FDS-CI)?. Les autres décisions prises sont les suivantes: l'interdiction à tout engin blindé de circuler sur l'aéroport et ses alentours (le périmètre d'interdiction s'étend au-delà de la clôture de l'aéroport); la fermeture totale des entrées annexes; l'arrêt des travaux de construction de forteresses en cours, la destruction des abris en dehors des hangars. Il y a aussi l'interdiction d'accès à la tour de contrôle et aux radars, à toute personne étrangère, à l'exception des spécialistes affectés à ces services. Pour ce faire, toutes les parties réunies mercredi devraient se retrouver vendredi à l'aéroport international Félix Houphouet-Boigny d'Abidjan où une visite générale? va permettre d'apprécier sur le terrain comment mettre les mesures prises en application. Dans tous les cas, les nouvelles dispositions annoncées vont s'appliquer dans un premier temps aux aéroports de la partie dite gouvernementale, précise le communiqué de presse. Avant d'être élargie plus tard aux ex-zones rebelles. Interrogées par téléphone, les forces impartiales n'ont pas commenté les mesures des FDS. Tout ce que je peux vous dire, c'est que l'ONUCI (Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire, ndlr) a participé à cette réunion. Il y avait un officier?, a déclaré le colonel Moustapha Dafir, porte-parole militaire de l'ONUCI. Estimant toutefois que c'est une première rencontre? et que ce n'est sans doute pas la dernière?. Comme les autres parties prenantes, nous étions présentes?, a pour sa part affirmé le lieutenant-colonel Xavier Ponce, porte-parole de la Licorne. Barthélemy Kouamé
La fuite en avant de l'ONUCI. Le Premier ministre ne sait plus sur quel pied danser tellement il est choqué par les événements survenus et le refus des forces impartiales d'assumer leurs carences. Tantôt, il demande à tout le monde de jouer balle à terre, de n'accuser personne et de laisser (son) attentat tranquille?. Tantôt, il sort de sa réserve, disculpe, avant la lettre, ses combattants et met à l'index des gens qui ont été envoyés?. Le problème avec cette vraie piste, c'est que les assaillants ont fait, selon ses dires, un repérage, campé dans la brousse pendant deux ou trois jours avec nourriture, assistance et tout?.
Avec cette révélation de Soro Guillaume, on revient aux premières accusations portant sur la responsabilité réelle ou supposée des forces dites impartiales dans l'acte terroriste qui a coûté la vie à quatre personnes étant donné que ce sont lesdites forces qui devraient assurer la sécurité de l'aéroport de Bouaké. Si un aéroport est sécurisé par l'ONU, il n'y a pas un lieu plus aseptisé et plus sain que ça. Si on te dit que l'aéroport est sécurisé par l'ONU, tu te dis: je n'ai pas de raison d'avoir peur. J'ai lu qu'ils (les responsables de l'ONUCI) disent que ce ne sont pas eux qui assurent la sécurité (de l'aéroport). Si ce ne sont pas eux, bon Ok. A partir de maintenant, c'est moi-même qui vais assurer la sécurité de l'aéroport?, a soutenu le Premier ministre pour couper court aux débats, en recevant, dimanche dernier, la délégation du RDR. Le chef du gouvernement chantait ainsi à l'unisson avec Konaté Sidiki, porte-parole des Forces nouvelles, ministre du Tourisme et de l'Artisanat, et le commandant Issiaka Ouattara dit Wattao, chef d'état-major adjoint des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN). Le porte-parole de la force française Licorne, le lieutenant-colonel Xavier Ponce, s'est joint à eux pour accabler l'ONUCI. Nous n'avons fait que prendre en charge les blessés (de l'attentat manqué). Sinon pour la sécurisation de l'aéroport, normalement, c'est l'ONUCI?, a-t-il lâché (Cf. Notre Voie n°2.723 du 30 juin 2007). De son côté, l'ambassadeur de France en Côte d'Ivoire, André Janier, a joué une partition qui enfonce le clou. Moi, j'ai plusieurs fois atterri à l'aéroport de Bouaké. Ce sont les forces impartiales qui stationnent à cet endroit. () Et malheureusement, la présence des forces impartiales n'a pas empêché de réaliser l'attentat?, a-t-il dit pour se mettre à table et apporter de l'eau au moulin des détracteurs de l'ONUCI, étant donné que la Licorne ne vient qu'en renfort aux Casques bleus (Cf. Le Temps n°1.260 du 4 juillet 2007). Les assaillants, si l'on en croit Soro Guillaume, ont pris leur temps pour préparer leur coup. Ils ont campé pendant deux ou trois jours, avec nourriture et assistance? dans le périmètre de l'aéroport de Bouaké, une région de savane herbeuse. Au nez et à la barbe des Casques bleus et des soldats français des forces impartiales. Le général Fernand Marcel Amoussou reconnaît ces faits, mais il est plus nuancé. Les autorités ivoiriennes ont bien voulu mettre à la disposition de l'ONUCI certaines installations, notamment à Abidjan et à Bouaké, pour stationner nos aéronefs et pour installer les personnels chargés d'en assumer l'exploitation. Pour la sécurité de ces installations, nous avons mis en place, au niveau de l'aéroport de Bouaké et de celui d'Abidjan, quelques éléments qui en assurent évidemment la sécurité. Voilà donc le point qui justifie la présence de certains personnels à l'aéroport de Bouaké et à celui d'Abidjan?. Pour tout dire, l'ONUCI n'a pas en charge la sécurité globale de l'aéroport de Bouaké. C'est une fuite en avant. Comme pour le doute en matière correctionnelle, les chefs des forces impartiales tentent de s'engouffrer dans l'apparent flou artistique qui semble régner dans la collaboration avec les Forces nouvelles pour se dédouaner. Au début de la rébellion armée et la fin de l'autorité de l'Etat dans cette partie du territoire national, ce sont les combattants du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI, principal ex-mouvement rebelle) qui régnaient en maître absolu à l'aéroport de Bouaké. A ses débuts, la Licorne utilisait cet aéroport pour l'atterrissage et le décollage de ses avions après avoir obtenu le feu vert des chefs de guerre. Les choses ont évolué au point que progressivement les forces impartiales ont repris la situation pour exécuter le cessez-le-feu conclu entre les belligérants. Elles ont investi la zone de l'aéroport de Bouaké et les rôles ont été repartis. Surtout qu'après avoir effectué des travaux de réhabilitation sur le site, le général Abdoulaye Fall, alors commandant de l'ONUCI, aurait adressé un courrier (dont personne ne trouve la trace à Bouaké) aux responsables des Forces nouvelles pour placer l'aéroport sous sa responsabilité.
Ainsi, la tour de contrôle et la sécurité de l'aéroport, selon toutes les versions, sont aux mains des éléments de l'ONUCI. De ce fait, les Forces nouvelles, condamnées à être sur le tarmac, ne peuvent poster aucun élément dans les environs de l'aéroport. C'est ainsi que ne se doutant de rien, les responsables politiques et militaires des FN attendaient devant l'aérogare quand les coups de feu et les tirs aux lance-roquettes ont retenti. Les forces impartiales n'ayant pas réagi pour riposter à cette action terroriste, les assaillants, tapis dans des tranchées de combat, se sont évanouis dans la broussaille. Les débats qui font rage devraient autoriser à modifier le dispositif onusien pour tenir compte des réalités du terrain et de la nouvelle donne politique. A ce sujet, le 29 juin dernier, jour même de l'attentat manqué contre le Fokker 100, le mandat des forces impartiales a été bizarrement prolongé jusqu'au 16 juillet prochain. Option : La vitesse supérieure
L'Accord de Ouaga n'a pas expressément demandé le départ des forces impartiales. Mais il a programmé la fin de leur mandat. Il prévoit un départ progressif et graduel afin que la vigilance reste de rigueur en cette période encore volatile. Car, des acteurs de la crise appréhendant une hypothétique reprise des affrontements entre les ex-belligérants, ou alors se réfugiant tout simplement derrière le parapluie militaire onusien pour garantir leur propre sécurité, militent pour une reconduction du mandat des forces impartiales jusqu'aux prochaines élections générales.
Les récents événements survenus à Bouaké sont là pour montrer très clairement que le risque zéro n'est pas du tout assuré avec les forces impartiales. Celles-ci ont déjà montré leurs limites en plusieurs occasions pour que les Ivoiriens comprennent qu'elles font partie essentiellement du décorum et qu'il est essentiel de prendre leur destin en main. Depuis bientôt cinq ans, 2007 est l'année des surprises agréables. Un pas important a été effectué avec le dialogue direct qui induit le retour de la confiance (rompue) et la fin du rideau de fer. Bouaké, l'ex-fief de la rébellion qui accueille en ce moment toutes les délégations affluant de partout pour soutenir le Premier ministre, a été le théâtre, le 3 juin dernier, de la rencontre historique de football Côte d'Ivoire - Madagascar.
Au lendemain du démantèlement de la zone de confiance, une passoire tenue par les forces impartiales, des Cassandre avaient même prévu une recrudescence du grand banditisme et de l'insécurité. Le pronostic a été déjoué. Il se trouve fort heureusement que l'apocalypse n'a pas eu lieu. La situation sécuritaire actuelle est bien meilleure que celle qui prévalait quand les soldats bangladais ou marocains de l'ONUCI se trouvaient encore à l'Ouest et au Centre. Car, l'installation du Centre de commandement intégré (CCI), suivie de la mise en ?uvre de brigades mixtes, semble donner des résultats plus ou moins probants. Les états-majors des Forces de défense et de sécurité (FDS) et des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN) devraient capitaliser l'attentat manqué contre le Fokker 100 et passer à la vitesse supérieure. Désormais, si des gens s'en prennent aux Forces nouvelles, qu'ils sachent qu'ils auront affaire à nous et, sans soute, vice-versa, a juré, à Bouaké, le général Philippe Mangou. C'est un engagement pris pour franchir les derniers pas et poser de nouveaux actes allant dans le sens de l'unification de l'armée ivoirienne, en sautant le dernier verrou qui porte sur les grades. Ferro M. Bally
Du Falcon 50 au Fokker 100. Comme un couvercle qui saute pour laisser se répandre l'eau qui bouillait en dessous, l'assassinat du Président rwandais, Juvénal Habyarimana, le 06 avril 1994 aura été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Car il fut suivi de graves affrontements entre Hutus et Tutsis qui, en cent jours, ont fait près d'un million de morts en majorité des Tutsis et Hutus modérés. Depuis cette date, une vive polémique demeure autour de cet assassinat qui est à l'origine du génocide rwandais qui continue de faire des vagues. Qui a, en effet, tiré sur le Falcon 50 qui ramenait Habyarimana de Tanzanie où il venait de prendre part à un sommet sur la crise rwandaise ? Mystère ! Cette question divise la communauté internationale au point que le Rwanda, exaspéré par les accusations de la France qui, elle-même, ne veut pas entendre parler de son implication dans ce génocide, avait décidé en novembre 2006 de rompre ses relations diplomatiques avec Paris. Ces derniers jours, l'affaire a résurgi et des documents officiels relatifs à cette crise confirment, ainsi que l'écrit le journal Le Monde dans son édition du mardi 3 juillet 2007, l'implication de Paris qui, depuis 1990, apportait son soutien logistique et militaire au régime alors en place à Kigali.
Dans un aéroport en partie surveillé par les forces françaises et onusiennes de l'opération Turquoise? à la demande du régime en place en 1994, qui, des forces étrangères et des rebelles d'alors du Front patriotique rwandais (FPR) aujourd'hui au pouvoir, avaient abattu le Falcon 50 qui transportait le Président Habyarimana? Comment les rebelles, dirigés par le général Paul Kagamé qui étaient essentiellement basés à la frontière rwando-ougandaise, avaient-ils pu se retrouver à Kigali et bombarder l'avion qui ramenait d'Arusha le Chef de l'Etat d'alors au vu et au su des Forces armées rwandaises et des forces de l'opération Turquoise? venues en renfort?
Telle est l'équation dont la résolution est devenue un casse-tête pour l'ONU. Qui, après avoir nié pendant dix ans, détenir la boîte noire de l'avion, a fini par reconnaître en avril 2004 que cette boîte se trouvait bel et bien dans ses services à New York.
Aujourd'hui, la polémique qui avait enflait depuis 1994 à propos de l'attentat contre Juvénal Habyarimana, semble avoir cours en Côte d'Ivoire au sujet de l'attentat manqué le vendredi 29 juin dernier contre le Premier ministre Soro Guillaume à Bouaké. Où des tirs à l'arme lourde ont eu pour cible le Fokker 100 présidentiel qui le transportait d'Abidjan à Bouaké à la tête d'une délégation, pour installer les magistrats dans le cadre du redéploiement de l'administration en prélude aux audiences foraines.
Qui, des forces impartiales qui, dit-on, assuraient la sécurité de l'aéroport de Bouaké et des autres forces en présence en l'occurrence des FAFN, avaient tiré sur le Fokker 100 présidentiel qui avait à son bord le Premier ministre Soro Guillaume? Kigali et Bouaké. Falcon 50 et Fokker 100, drôles de similitudes entre ces deux attentats. Qui a donc voulu attenter à la vie de Soro? Ses compagnons de lutte dont certains éléments l'accusent d'avoir trahi la cause en pactisant désormais avec le camp présidentiel? Ses compagnons du G7 dont certains membres, en dépit de leur soutien de façade, ne lui ont jamais pardonné de les avoir ridiculisés en allant s'allier au Président Gbagbo? Le camp présidentiel qui pousserait le paradoxe à son comble en se battant pour obtenir un accord de paix qu'il saborde par la suite lui-même alors que celui-ci est en train de produire les fruits les plus délicieux, à savoir la sortie de crise?
Ou alors, sont-ce les Forces impartiales, l'ONUCI et la Licorne qui, se sentant elles aussi de plus en plus écartées du processus de paix depuis la signature de l'Accord de Ouagadougou le 4 mars 2007, ont voulu tout remettre en cause en s'attaquant à Soro Guillaume?
Bref, après l'attentat de Bouaké qui a fait 4 morts et de nombreux blessés, tout le monde éclate en sanglots et court devant Soro pour lui présenter soutien et compassion. Rendant, du coup, lancinante la question suivante : qui donc a voulu tuer le Premier ministre et torpiller l'Accord de Ouaga?
Abel Doualy
Repères
Bilan. Le Premier ministre est sorti indemne de l'attentat manqué contre le Fokker 100 le transportant. Mais le bilan est lourd: 4 morts, tous des membres de la garde rapprochée et du protocole, et 14 blessés. Effectif. Les forces impartiales sont présentes en Côte d'Ivoire depuis fin 2002. Elles comptent aujourd'hui onze mille hommes: 8 mille pour l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) et 3 mille pour la force française Licorne. Prolongation. Le Conseil de sécurité a prorogé le mandat de l'ONUCI jusqu'au 16 juillet. Cette prolongation technique vise, dit-on, essentiellement à donner le temps aux Etats-Unis, qui financent 27% des opérations de maintien de la paix de l'ONU, de respecter certaines procédures administratives nationales.

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