vendredi 6 juillet 2007 par Le Front

L'union nationale de secteurs de coopératives agricoles de Côte d'Ivoire (Unadca-Ci) a organisé récemment un atelier à San-Pedro. A l'issue de ce séminaire, son président Grando Daniel explique les nouvelles orientations sur la vente intérieure du café et du cacao et le fonctionnement des structures. ? Vous venez de tenir récemment un séminaire à San-Pedro. Quelles étaient les grandes lignes de cette rencontre ?
L'atelier avait pour thème la libéralisation des filières agricoles et les magasins généraux. Ceux-ci ont été présentés récemment par les responsables du secteur café-cacao pour réglementer la commercialisation intérieure. ? Pouvez-vous expliquer ce qu'on entend par magasins généraux ?
Les magasins généraux sont un mécanisme d'achat de café-cacao. Ils consistent à établir des centres de stockage et à les vendre aux exportateurs les mieux disants. Désormais, il n'y aura plus de contact direct entre les exportateurs et les producteurs selon ce nouveau mécanisme. En fonction des disponibilités des matières premières, on pourra agir sur les prix. ? Ce système de magasins généraux est-il une innovation dans la filière ?
Le système est nouveau dans ce secteur. Il entrera en vigueur à partir de la prochaine campagne. Mais selon les descriptions qui ont été faites, il faut dire que si les exportateurs n'ont plus droit à avoir un contact avec les planteurs, cela veut dire qu'il existe un cadre juridique. C'est cette assertion que nous soutenons puisque par le passé, avec la libéralisation, chacun a le droit d'ajouter pourvu qu'il ait une autorisation. On ne peut pas venir en tant que structure de la filière et imposer simplement une idée. En outre, il faut aller plus loin. Car, en ce qui concerne ce secteur, il y a beaucoup à faire. Parce que le marché mondial a ses exigences. De prime abord, il urge que les produits que nous proposons, soient de qualité. C'est une condition pour améliorer les coûts des produits. La Côte d'Ivoire étant un grand producteur de café-cacao, elle doit agir sur les conditions d'amélioration de la qualité. Dans ce sens, il faut doter les coopératives de moyens techniques. Quels sont ces moyens techniques ?
Ces moyens sont notamment les produits phytosanitaires et les infrastructures. Aujourd'hui, plusieurs grandes zones productrices de cacao n'ont même pas de pistes. Nous étions à San-Pedro, Méagui, Grabo, on n'a pas la possibilité d'acheminer le produit. Ce qui fait que le produit se détériore du point de vue de la qualité. Tout ceci est prioritaire avant d'arriver à l'organisation de la vente. Comment les coopératives peuvent-elles arriver au magasin général si elles n'ont pas les moyens de s'occuper de la précollecte ? Ce sont entre autres des préoccupations qui méritent d'être prises en compte. Certes, la création d'un nouveau mécanisme de vente n'est pas mauvaise, mais il faut lever certains préalables. Il faut résoudre des problèmes réels. Il faut par exemple un mécanisme de suivi concernant la vente aux enchères. Puisque ni les producteurs ni les coopératives ne participent à l'écoulement des produits aux enchères. ? C'est un vaste chantier. Est-ce que vous avez le soutien des structures techniques notamment la BCC, le Fgccc ?
Nous sommes une association de gestionnaires. Nous avons pensé que c'est toujours bon d'apprécier les décisions prises dans la filière café-cacao. Dans ce sens, nous avons adressé plusieurs correspondances au Fgccc et à la Bcc. Nous attendons que ces structures nous appellent pour que nous apportions notre point de vue à l'ensemble de ces réformes qui sont en train d'être menées. Car lorsque les réformes ne touchent pas aux problèmes réels, elles échouent. ? Que voulez-vous dire par-là ?
Il faut reconnaître que des préoccupations importantes restent sans réponse. On a commencé avec la Caisse de stabilisation (Caistab) avec un prix garanti. Aujourd'hui, la BCC offre un prix indicatif. Or, en réalité, il n'y a aucun prix garanti, la seule garantie dont dispose le planteur, c'est de donner un produit de bonne qualité pour que le label Côte d'Ivoire soit prisé. La Côte d'Ivoire n'a pas un label de préférence. C'est le véritable handicap de ce secteur. Les structures techniques mises sur pied suite à la libéralisation ont-elles donc failli ?
Beaucoup d'actions ont été menées. Mais, l'objectif principal qui était de faire en sorte que le producteur bénéficie d'un prix rémunérateur, n'a pas été atteint. Aujourd'hui, on observe qu'il y a beaucoup plus de palabres que de problèmes résolus. Si ce n'est pas le Fdpcc, c'est la Bcc ou le Frc. Il faut que les structures qui encadrent ce secteur se posent donc des questions. Il y a une loi coopérative qui a été votée mais elle est dépassée. Elle n'est pas dynamique parce que sept personnes créent une coopérative. Mais au rendez-vous de la qualité et du prix, sept personnes sont insignifiantes. Nous voulons une loi qui oblige les coopératives à faire leurs bilans réguliers et améner les structures à les évaluer. C'est donc en fonction des bilans que des agréments accordés peuvent être homologués ou retirés. L'objectif étant d'avoir des moyens pour la précollecte notamment les camions, grâce aux prélèvements. Ces coopératives représentatives des producteurs doivent avoir la possibilité d'octroyer du crédit et de fournir des intrants à leurs membres. Elles doivent être en mesure de relayer les différentes politiques au niveau national. ? Est-ce que vous regrettez la libéralisation de la filière ?
Nous pensons que des mots tels que ?'libéralisation, stabilisation'' sont vains. Nous sommes dans les campements et villages. Nous savons ce qu'il faut aux planteurs. Nous disons que la libéralisation, si elle doit servir uniquement à la création des structures devant générer des emplois, doit être rejetée. Cela ne suffit pas. Quant au prix garanti dans l'espace actuel du marché international, n'est pas réaliste. Ce à quoi, il faut revenir, c'est à deux structures au maximum. Il y a trop de structures. Le Frc par exemple peut être fusionné avec la Bcc. Il s'agit de même du Fgccc et du Fdpcc. Voyez leur ces structures n'ont aucune rentabilité, elles ne créent aucune richesse pour assurer fonctionnement. Elles ne vivent que des ponctions sur les revenus des producteurs. C'est un peu décevant. C'est pourquoi nous avons demandé à rencontrer les ministères de l'Economie et des finances et de l'agriculture. C'est vrai qu'il faut créer des structures mais il faut limiter les postes budgétivores. Par exemple, dans les départements, on voit de grands bureaux du Fdpcc, ceux qui y travaillent, ne font rien pratiquement. Ils n'attendent que leurs rémunérations. ? Quelle est votre position sur la crise actuelle au Fdpcc ?
Notre position est logique. En effet, le Fdpcc est l'émanation de l'Anaproci qui est une structure privée. C'est comme toute association. C'est vrai qu'elle a concouru à la création des structures. Cependant, puisqu'elle n'est pas représentative de l'ensemble des producteurs de Côte d'Ivoire, l'Anaproci a un problème de légitimité. On ne peut donc pas prélever 35f cfa sur les revenus des planteurs et les reverser à une telle association. Aujourd'hui, plusieurs problèmes existent. Au moment où on cherche à renouveler le conseil d'administration du Fdpcc, il se pose le problème de la représentativité. Comment représente-t-on les paysans ivoiriens ? Nous pensons qu'il faut aller à la base pour organiser les producteurs. C'est ce qui explique que nous approuvons le recensement des planteurs. Dans chaque département ou village, il est possible de connaître le nombre de producteurs et les surfaces cultivables. Depuis la libéralisation, les moyens existent pour réaliser de telles études. Nous déplorons que le recensement n'ait pu aller à son terme. Jusque-là nous ne savons pas les raisons de cette situation. En tout état de cause, nous pensons que l'absence de moyens ne saurait être évoquée comme le motif de l'arrêt du recensement. Car, les moyens existent, il ne reste qu'une bonne gestion. ? Un audit de l'Union européenne a taxé la gestion des structures d'opaque. Qu'en pensez-vous ?
Nous n'avons pas requis d'auditeurs, donc nous ne connaissons pas les résultats d'un quelconque audit. Cependant, nous faisons un constat, les producteurs de Côte d'Ivoire sont nos employeurs. Ils ont une quiétude, mieux les emplois sont garantis. Il est donc important qu'il y ait la transparence. Je souhaite que les structures rendent compte de leur gestion pour apaiser la filière. On ne peut pas faire des prélèvements et refuser de dresser des bilans. Ce sont ces appréciations objectives que nous nous proposons de faire aux structures. En tant que directeurs de coopératives, nous fournissons la plus grande partie des recettes d'exportation de notre pays. Il est donc normal que les coopératives se prononcent sur les structures techniques qui gèrent la filière. ? Qu'attendez-vous des résolutions du séminaire de San-Pédro ?
Nous souhaitons que les structures se penchent sur les véritables problèmes de la filière. Tenez, les producteurs de Côte d'Ivoire n'ont aucun encadrement. Or, ils ont besoin de formation pour que les produits soient de bonne qualité. Ce qui n'est pas fait. Les perdants sont les producteurs et les gestionnaires des coopératives.



Interview réalisée par Diaby Mamadou Collaboration Ahua Kouakou

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