jeudi 5 juillet 2007 par Notre Voie

M. Jacques Silué Sassongo et la fédération du Front populaire ivoirien de Dikodougou étaient en tournée quand la tentative d'assassinat du Premier ministre Guillaume Soro s'est produite. De retour à Abidjan, il explique ce qu'il a dit aux populations visitées et livre leurs inquiétudes liées à la menace sur la paix. Notre Voie : Vous étiez dans le Nord lorsque la tentative d'assassinat orchestrée contre le Premier ministre a eu lieu. Quel était l'état d'esprit des populations que vous avez visitées ?
Jacques Silué Sassongo : La fédération de Dikodougou a effectivement commencé sa tournée le vendredi matin et c'est ce vendredi vers midi, après la troisième étape à Guiembé, que nous avons appris par téléphone que l'attaque avait eu lieu. J'ai demandé que l'information ne soit pas communiquée aux autres membres de la délégation pour ne pas provoquer de panique ; et, lors du meeting de Guiembé commune, j'ai intégré cette grave information dans le message. N.V. : Oui, vous rappelez là les circonstances, mais quelle a été la réaction des populations ?
J.S.S. : En raison de la présence du réseau cellulaire, les populations ont été informées en temps réel. Je leur est expliqué que cet acte venait corroborer mes propos, à savoir que le Président Gbagbo et le Premier ministre Guilaume Soro étaient déterminés à aller à la paix, parce qu'ils ont fini par se rendre compte que ce sont les Blancs, précisément les Français, qui étaient à l'origine de cette guerre et qui ne veulent pas qu'elle finisse. Parce que la politique du Président Gbagbo fait l'affaire des Ivoiriens, mais pas l'affaire des Français. N.V. : Les populations visitées ont-elles cru à une telle explication ?
J.S.S. : Il est difficile de vérifier que quelqu'un croit à une information que vous lui donnez, mais elles ont semblé convaincues, puisque, dans les explications antérieures, je leur ai rappelé ce qu'un vieux avait dit depuis 2004, à savoir si quelqu'un ratait l'occasion de mentir pendant cette crise, il ne trouverait plus jamais une occasion de mentir. J'ai demandé aux parents de se rendre compte par eux-mêmes que si l'attentat avait eu lieu en zone sous contrôle gouvernemental, si même il avait été perpétré dans l'avion, les ennemis de la Côte d'Ivoire auraient vite fait de faire croire que c'est le Président Gbagbo qui en est l'auteur. Mais, comme à quelque chose, malheur est bon, l'attentat a eu lieu en direct à Bouaké où il n'avait que les FN et les forces impartiales, dont la Licorne. Ça ne pouvait être que les ennemis de la Côte d'Ivoire. Mais je crois que ce qui a le plus convaincu les populations, c'est que nous avons expliqué que pour arriver à la paix, les armes lourdes avaient été retirées aux Forces Nouvelles depuis plus de 6 mois et que les kalachnikovs dont ils disposaient ne pouvaient même pas percer un mur en béton. Or la coque de l'avion est plus solide qu'un mur. J'ai expliqué en plus que si c'était des éléments qui étaient sur le tarmac parmi les gens venus accueillir le Premier ministre, ils auraient été appréhendés tout de suite. Donc la seule conclusion technique qui s'impose est que quelqu'un disposait d'une arme qu'aucune force belligérante en Côte d'Ivoire n'avait et que seule une force comme celle des Français avait les moyens logistiques de perpétrer un tel acte. Le tir était venu de très loin et était le fait d'un tireur professionnel.
N.V. : Comment apprécient-elles alors l'incident de Bouaké ?
J.S.S. : Les populations, dans leur ensemble, sont très préoccupées. Et j'insiste que leur inquiétude ne concerne pas tant la vie-même du Premier ministre, leur fils. Nos parents au Nord estiment qu'il ya eu tellement d'espoirs déçus dans la résolution de la crise que l'attaque de Bouaké les plonge à nouveau dans le doute. Elles craignent que la guerre ne se prolonge, alors même que l'Accord de Ouaga donnait de réelles raisons d'espérer.
J'ai alors expliqué que je comprenais leur scepticisme, eux qui avaient et qui continuent de souffrir, mais que le FPI nous a envoyéss leur apporter le message de paix. Le FPI nous a envoyé leur dire qu. M mais, qu'en fait, la guerre était en train de finir, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Nous avons utilisé cette métaphore du Président Gbagbo qui dit qu'on ne sort pas d'une guerre comme d'un bal. Il fallait que nous, au Nord nous comprenions que les ennemis de la Côte d'Ivoire feraient tout ce qu'ils peuvent pour miner le processus de sortie de crise ; parce que ça ne les arrange pas. N.V.: Vous-même, concernant cette attaque, qu'avez-vous remarqué ou vu, vous qui étiez dans la région?
J.S.S.: Je n'étais pas à Bouaké pendant cet attentat. J'ai déjà indiqué que nous étions déjà dans notre fédération à 200 kilomètres de Bouaké quand l'attaque a eu lieu. Ce que je puis seulement dire et que vous pouvez vérifier avec les autres membres de la délégation, c'est que, 24 heures avant l'attaque, c'est-à-dire le jeudi 28 juin vers 13h, notre délégation faisait escale à Bouaké pour nous restaurer dans un maquis au bord de la voie principale, un maquis bien connu. C'est mon beau-frère qui vit à Bouaké qui nous offrait le repas. Ce qui m'a frappé et que j'ai fait remarquer aux autres membres de la délégation c'est le nombre impressionnant de soldats de la Force Licorne dans le maquis. Tous en treillis. Ils s'y restauraient aussi. Je dois dire que, pour avoir séjourné à Bouaké à la mi-mai à la faveur d'une mission, cette effervescence avait quelque chose d'insolite. Mais j'avais fini, ce jeudi 28 par ne pas y accorder d'importance, parce que les FN refaisaient la toilette des rues de Bouaké en bouchant les nombreuses crevasses, en prévision de la visite du Chef de l'Etat prévue pour le 5 juillet. Je me suis dit que ces forces étaient peut-être là pour prêter main forte aux organisateurs, puisque la France dit officiellement soutenir l'Accord de Ouaga Maintenant, je réalise que les autres forces impartiales réelles de l'ONUCI n'étaient pas particulièrement visibles à Bouaké. Notez aussi que RFI a été la première radio internationale à parler de cet attentat. Quelques 10 minutes après. Comme en septembre 2000. La France savait. Tout comme d'ailleurs cet acteur politique qui dit ne pas être inquiet de la désagrégation de son parti et qui a pris soin de s'éloigner du pays pendant que cet attentat a lieu et il est absent du pays, comme par hasard et comme d'habitude


Interview réalisée par Benjamin Koré

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