mercredi 4 juillet 2007 par Fraternité Matin

L'attentat contre le Fokker 100 transportant le Premier ministre n'a pas encore livré tous ses secrets mais commence à montrer des pistes. Des autorités ivoiriennes et les responsables des Forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI) sont furieux. Ils ne décolèrent pas d'autant plus qu'ils ne comprennent pas que, par le retour rapide du Fokker 100, certains tentent, à tort, d'insinuer leur complicité ou leur participation, à tout le moins passive, à l'attentat manqué, vendredi dernier, à l'aéroport de Bouaké, contre le Premier ministre, des membres de sa délégation et des journalistes. Ainsi, selon cette version, ils auraient délibérément choisi de se faire hara-kiri en portant un coup d'arrêt au processus de paix conclu à Ouaga, à leur propre initiative, et en menant à l'abattoir l'équipage de l'avion présidentiel conduit par le lieutenant-colonel Lazare Lékpéli. A l'évidence, certains ont, sans doute, intérêt à entretenir une fausse polémique pour faire diversion. Sur le terrain, les faits, tels qu'ils se sont déroulés, sont clairs et nets. A l'aéroport de Bouaké, il n'y a aucun contrôleur de la SODEXAM, ni de l'armée de l'air ivoirienne. La Côte d'Ivoire est sans doute un pays souverain, comme se plaît à le dire Abou Moussa, représentant spécial intérimaire du Secrétaire général de l'ONU en Côte d'Ivoire, pour essayer de noyer le poisson. Mais, depuis le déclenchement de la rébellion armée et la fin de l'exercice de l'autorité de l'Etat dans cette partie du territoire, la tour de contrôle de l'aéroport de Bouaké, de ce fait, est tenue par les éléments des forces impartiales qui font le contrôle aérien et, à bord d'un hélicoptère, un tour de reconnaissance avant l'atterrissage de tout avion. Lesdites forces sont donc en permanence présentes à l'aéroport où elles ont des bases et des installations. Mais ce 29 juin, l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) n'a pas effectué, selon le commandant Wattao, chef d'état-major des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN), ce balayage habituel?, préalable à tout atterrissage. Ce jour-là, le dispositif de l'ONUCI m'a semblé un peu bizarre?, commente-t-il, amer. L'explication de cette défaillance est peut-être ailleurs. Avant-hier, après la visite de courtoisie qu'elle a rendue à Soro Kigbafori Guillaume pour le soutenir dans l'épreuve, la délégation des FANCI, conduite par le général Philippe Mangou, chef d'état-major des Armées, s'est rendue à l'aéroport de Bouaké pour examiner l'état des lieux. Elle a surtout constaté que des positions tenues habituellement par les forces impartiales à l'aéroport de Bouaké, des tranchées de combat ont été aménagées. A leur insu ou avec leur autorisation? Toujours est-il que c'est à partir de cette position, qui a nécessité plusieurs jours de travaux, que les assaillants, qui y étaient planqués, ont tiré aux lance-roquettes sur le Fokker, faisant plusieurs blessés et occasionnant la mort de quatre membres de la garde rapprochée du Premier ministre. La MONUC (Mission de l'Organisation des Nations unies au Congo, ndlr) joue un rôle essentiel. Mais elle doit être beaucoup plus efficace. Quand on voit ce qui se passe à l'Est du pays, où sont concentrées 80% de ses forces, on se pose mille et une questions. Si la MONUC ne devient pas plus active, si elle n'obtient pas de meilleurs résultats sur le terrain, si le Conseil de sécurité ne lui donne pas des instructions en ce sens, sa présence même n'aura plus peu à peu sa raison d'être. Déjà, les populations de l'Est se demandent parfois à quoi elle sert?, s'est énervé Joseph Kabila, Président de la République démocratique du Congo (Cf. Jeune Afrique n°2.424 du 24 au 30 juin 2007). Il est sur la même longueur que de nombreux Ivoiriens quant au rôle ambigu des Casques bleus et de la Licorne. Car, non seulement les forces dites impartiales, en dépit de tous les moyens technologiques de surveillance, d'écoute et d'espionnage de la Licorne, n'ont officiellement rien décelé d'anormal à l'occasion de cet attentat manqué qui s'est déroulé à leur nez et à leur barbe, mais, dès que la fusillade a éclaté, elles ont pris la clé des champs. Permettant aux assaillants de s'évanouir tranquillement dans la nature. Le premier réflexe du général Fernand Marcel Amoussou, commandant de l'ONUCI, a été de ressusciter la défunte zone de confiance. Car, en violation de l'accord de Ouaga, il a aussitôt remis en place, selon des sources militaires, le check point de Tiébissou qui a été démantelé, le 16 avril dernier, avant de le lever sur injonction du chef d'état-major des Armées.
Cependant, quand il s'est agi de sécuriser, à l'appel de l'état-major des Armées, le Fokker 100, le général Amoussou est accusé d'avoir fait montre de peu d'empressement, en ne donnant aucune assurance. C'est pourquoi, compte tenu des nombreux risques de destruction de l'avion présidentiel s'il restait stationné à l'aéroport (les forces impartiales avaient plié bagage et les FAFN étaient au four et au moulin pour assurer la sécurité de leurs premiers responsables et de la ville de Bouaké), l'équipage, qui avait été transporté, en même temps que toute la délégation, au secrétariat général des Forces nouvelles, est revenu se mettre à côté de l'appareil. Le général Mangou, qui présidait un comité de crise, a alors demandé et obtenu l'autorisation du Premier ministre pour faire redécoller l'avion afin de le mettre à l'abri. Soro Guillaume a même fait mieux en dépêchant le général Soumaïla Bakayoko, chef d'état-major des FAFN. Ce dernier, dès qu'il est arrivé à l'aéroport, a donné l'ordre à ses éléments de laisser l'équipage reprendre la direction retour. Au lieu de Yamoussoukro où il était attendu, le Fokker 100 a réussi à rallier Abidjan où il a atterri ce même vendredi aux environs de 18h, parce que ses parties vitales n'étaient pas atteintes. Jusqu'au lendemain samedi, l'avion était toujours en l'état à la Base aérienne, afin qu'aucune pièce à conviction ne disparaisse. Ce n'est qu'après, qu'il a été nettoyé.
La gendarmerie nationale est, de ce fait, entrée en action. Elle a commencé à auditionner les membres de l'équipage et, à partir des planches photos, elle initie ses investigations pour faire éclater la vérité sur cette affaire qui montre à quel point la Côte d'Ivoire marche sur des ?ufs.

Ferro M. Bally

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