mercredi 4 juillet 2007 par Fraternité Matin

Avec l'élection de Sarkhozy en France, certains leaders politiques ivoiriens ont affiché une grande joie et un profond soulagement, en pensant qu'il leur serait favorable et aurait une oreille attentive à leurs thèses. Au fil du temps, les événements politiques ont plutôt commencé à démontrer que Sarko ne pourrait pas chausser les bottes de Chirac dans la résolution de la crise ivoirienne. Il n'y a pas forcément un amour soudain pour Gbagbo. Mais une saine et juste appréciation des situations. Sarko et Gbagbo ont beaucoup de similitudes: ils sont hyper actifs, débordants d'enthousiasme et de générosité dans l'effort. En France, on reproche au Président Sarkhozy d'être envahissant, d'avoir éclipsé le Premier ministre Fillon; d'avoir relégué les ministres (Kouchner en premier) à des rôles de... comparses. Sur le plan intérieur, comme à l'extérieur, Super Sarko est régulièrement à l'abordage. Accroché à son portable, il écoute les avis. Et tranche. C'est lui le Chef: il le répète à longueur de journée. Prêt à assumer les succès. Mais aussi les échecs. En Côte d'Ivoire, certains ont chargé le Président Gbagbo, qui a su, au plus fort de la crise, refuser de démissionner de ses fonctions. Alors que ses adversaires (intérieurs et extérieurs) coalisés ont voulu utiliser la Cedeao, l'Ua, le Conseil de sécurité et l'Onu pour l'amener à renoncer à ses prérogatives, il a su faire front en s'adossant à la Constitution. C'est ainsi qu'il a systématiquement refusé de permettre à un non élu d'être Khalife à la place du Khalife, bénéficiant de l'onction du peuple à travers son suffrage.
Sur la question des pouvoirs, pleins, larges ou propres à déléguer, il est toujours resté fidèle à ses convictions profondes. Il a plié parfois, mais n'a jamais abdiqué. Au contraire, il a toujours répété, à maintes reprises, cette phrase sans équivoque: c'est moi qui ai le bic; c'est moi qui signe. La grande similitude entre Gbagbo et Sarkhozy est ailleurs cependant: tous les deux sont de véritables bêtes politiques. Leurs différents parcours font apparaître le courage, la persévérance, l'intelligence des situations et des compromis dynamiques, etc. Pour savoir encaisser des coups, ils ont appris à être endurants. Comme des coureurs de fond. Ils excellent également dans l'art de donner des coups. Pour déstabiliser l'adversaire. La philosophie d'ouverture politique mise en pratique par l'un et l'autre recompose les alliances et le paysage politiques ainsi que la cohésion des partis. En décidant d'intégrer des personnalités de gauche et du centre à un gouvernement de droite; en associant, au nom de la parité et de l'intégration, beaucoup de femmes et des représentants des minorités visibles, le Président Sarkhozy a fait coup double. Il apparaît comme le rassembleur de tous les Français. Et se comporte surtout en Président. Qui se met au-dessus des partis pour être le président de tous les Français. Et cerise sur le gâteau, il a mis les autres partis politiques en émoi. Le parti socialiste n'en finit pas d'exclure ceux qui ont accepté la main tendue par Sarkhozy dans la réalisation de son gouvernement d'ouverture. Procès d'intention et anathèmes pleuvent à l'occasion des réunions des instances de ce parti. Bayrou et son parti centriste ont été laminés, broyés par la déferlante Sarkhozy. Grâce à un casting subtilement mené, on a pêché dans le camp adverse des icônes parmi les plus représentatives et respectables. Lorsqu'au début de son mandat à la tête du pays, le Président Laurent Gbagbo a décidé d'associer des cadres non issus du FPI à la gestion des affaires, l'on a assisté exactement aux mêmes réactions de rejet et de condamnation sans discernement. L'on a parlé de trahison. Le président du Conseil économique et social, Laurent Dona-Fologo, avait eu beau expliquer qu'un accord avait été signé entre tous les leaders politiques, sous la transition du général Guéi, pour travailler avec celui qui aura été élu, il a été traité de tous les noms. D'autres personnes ont été accusées d'avoir vendu leur âme au diable. Il a fallu attendre le gouvernement d'ouverture du 5 août 2002 pour mettre fin aux procès d'intention. Avec les différents gouvernements issus des Accords de Marcoussis, l'on a assisté à une guerre de tranchées avec des ministres qui ne se gênaient pas pour brocarder, sans tenue ni retenue, celui qu'ils appellent Monsieur le Président au Palais du Plateau. Le dialogue direct et l'Accord politique de Ouaga ont remis les choses en ordre. C'est une grande victoire politique pour le Président qui redevient le maître du jeu politique national. Il retrouve la scène qui est la sienne, le jeu dans lequel il excelle: la politique qu'il considère comme un métier à exercer après apprentissage. Aujourd'hui, les principaux partis politiques sont en proie au doute et à la division. De respectables responsables sont soupçonnés d'avoir été achetés ou retournés. On les traite de ténias, de militants alimentaires, de personnes tenues par le ventre Et pourtant, certains d'entre eux, non seulement ne sont pas des nécessiteux mais ont prouvé, dans un passé encore récent, leur attachement à leurs partis. S'est-on posé une seule fois la question de savoir comment, en France, un jeune loup comme Sarkhozy, que Chirac et ses chiens de garde exécraient royalement, a pu phagocyter l'UMP, Union pour la majorité présidentielle? A-t-on cherché à s'expliquer pourquoi la vieille garde s'est finalement effacée au profit de l'homme pressé?
Sarkhozy n'a pas acheté Alliot Marie, de Villepin ou Chirac. Il les a eus à l'usure, par le jeu politique. Etant apparu comme le meilleur cheval, il a recueilli de nombreux ralliements (même à contrec?ur) et appuis. Au sortir de la guerre, le Président Gbagbo, qu'on dit minoritaire, apparaît comme le plus sérieux candidat à sa propre succession. Ceux qui veulent être dans le camp des vainqueurs quittent leurs navires en perdition. Tout le tintamarre organisé autour de l'achat des consciences à des millions de francs est un prétexte fallacieux. Ceux qui ont toujours misé sur la victimisation à outrance n'ont plus d'arguments à faire prévaloir. Pis, la guerre a eu un effet boomerang destructeur: elle a desservi ceux qui voulaient s'en servir pour arriver au pouvoir. Bon nombre de militants lucides et fins politiques l'ont très bien compris.

Par
Jean-Baptiste Akrou

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