lundi 2 juillet 2007 par Le Matin d'Abidjan

Nous avons quitté Abidjan à 9h 30 à bord du Fokker 100. Nous étions plus d'une cinquantaine de passagers composés comme suit : Le Premier ministre, moi-même, son Directeur de Cabinet adjoint, M. Koffi Koffi, occupions la première cabine. Pour qui connaît le Fokker100, la première cabine est réservée au Président de la République, à son Gouvernement ou aux présidents d'institutions et aux personnalités à qui on demande d'y être. Et cette cabine comporte 4 sièges. Le Premier ministre y était, faisant dos à la deuxième cabine et moi j'étais assis en face de lui, de l'autre côté il y avait le Dir-cab adjoint. Le dernier siége est réservé au Président de la République donc on ne s'assoit pas là-bas. La deuxième cabine contenait sa sécurité rapprochée, les membres du protocole d'Etat, (M. Doumbia qui a servi tous les premiers ministres qui sont passés et le jeune homme qui l'accompagne, M. Chérif), quelques conseillers qu'il emmenait avec lui dont M. Méité Sindou, Alain Lobognon, Souleymane Kamaraté (Soul to Soul) et un élément de notre sécurité qu'on appelle ''Delta''. Dans la troisième cabine, il y avait les représentants de la presse et des cadres du ministère de la Justice. Parce que l'avion venait à Bouaké pour une opération toute simple. Compte tenu de nos différents calendriers, le Premier ministre a permis que le ministre de la Justice puisse lancer le redéploiement des magistrats sur toute l'étendue du territoire. Comme cela s'est fait pour le corps préfectoral. Il a décidé pour l'aspect solennel d'attendre vendredi pour venir lui-même, malgré son calendrier, participer officiellement à l'installation des magistrats qui doivent désormais être redéployés dans les zones Centre, Nord, Est et Ouest. Des zones que les magistrats ont quitté depuis 4 ans. Ces magistrats venaient donc pour deux missions. A savoir installer définitivement l'administration judiciaire et installer les équipes des audiences foraines. C'est pourquoi, il y avait tout ce monde dans l'avion. Le vol a duré 40mn. Les pilotes ont atterri dans de bonnes conditions. A l'aéroport, il y avait sur le tarmac des troupes prêtes à rendre les honneurs militaires. A la tête desquelles il y avait le Gal Bakayoko et son adjoint le Cdt Wattao. L'avion s'apprêtait donc à s'immobiliser devant ces troupes. Mais il est bon de rappeler que depuis 2 ans, l'aéroport n'est plus sous la sécurité des Forces Nouvelles. L'Onuci a sollicité qu'on leur cède l'aéroport pour y mettre leur équipement. Et comme ils y sont, ils doivent eux-mêmes se charger de la sécurité. Ils y ont même une base militaire, nous leur avons donc laissé la sécurité de l'aéroport de Bouaké. Nous avançons donc au niveau du tarmac et la responsabilité de nos militaires s'arrête là. Tout le reste est censé être sous la sécurisation de l'Onuci. C'est le fruit d'une cession que nous avons faite avec l'Onuci. C'est pendant que l'avion venait s'immobiliser que nous avons constaté qu'il y avait un cargo français, en position de décoller, sur la piste. Et quand un avion français est sur la piste, elle est en principe sécurisée aussi par la Force Licorne. Nous avions donc deux dispositions sécuritaires. Et de l'avion, nous avons vu le dispositif français et celui de l'Onuci. C'est alors que nous avons entendu des détonations. Il y a eu une première dans la deuxième cabine. Et quand la roquette est rentrée, les trois personnes assises en face ont été atteintes. Ce sont malheureusement les deux membres du protocole d'Etat et ''Delta''. Les pilotes continuaient de tenir lorsqu'on a entendu un deuxième coup sur la queue. Mais déjà nous pensions que l'avion allait prendre feu puisque la fumée était noire et qu'on commençait à suffoquer. Nos gardes ont réussi à ouvrir les issues de secours pour laisser l'air rentrer. C'est à ce moment que les gens ont commencé à mitrailler l'avion. Le Premier ministre et nous étions assis et on voyait les gens crier dans la queue et les premières victimes dont Soul to Soul tout en sang est tombé devant nous, ainsi de suite. Puis un gars de la sécurité est arrivé et nous a demandé de nous coucher parce qu'on tire sur l'avion. C'était vraiment difficile. Mais nous avons constaté que les pilotes ont eu un sang-froid exceptionnel. Ils n'ont pas arrêté l'avion. Ils ont pu quadriller l'espace pour venir nous sortir de là. Le premier ministre a gardé son sang-froid et on a pu gérer tous les blessés qui nous tombaient dessus. Mais je tiens à préciser que la cabine dans laquelle nous étions n'a pas été atteinte.


Wattao : "J'accuse l'ONUCI et Licorne"
Comme le ministre Konaté l'a dit, tout s'est passé aux environs de 10h30. J'étais sur la piste quand l'avion a atterri. Et sur place, il y avait le dispositif de l'Onuci qui m'a paru un peu bizarre. Parce que quand l'avion doit arriver, l'Onuci fait un tour de reconnaissance avec ses hélicos. Nous nous occupons de la sécurité sur le tarmac. Et c'est lorsque l'avion était à un ou deux kilomètres du tarmac que nous avons entendu une première détonation. Nous avons tout de suite pensé que l'avion avait pris un coup. Mais on ne s'attendait pas à ce que ceux qui voulaient l'abattre aillent jusqu'à mettre un dispositif en place sur la piste pour le mitrailler. Et c'est au moment de la deuxième détonation que je me suis rendu compte que c'était une attaque. J'ai donc automatiquement demandé à ma sécurité d'aller sur la piste pour les contrer rapidement. J'ai, donc pris place à bord d'un véhicule qui a aussitôt démarré. Mais avant de continuer, je tiens à féliciter les pilotes parce qu'ils ont fait preuve de courage pour amener l'avion jusqu'au tarmac et l'ouvrir pour qu'on puisse le sécuriser. Parce que l'objectif de ceux qui ont attaqué l'avion, c'était de le canarder. Mais Dieu merci, ils n'ont pas pu le faire. Lorsque les pilotes ont ouvert l'avion et que j'ai vu le ministre Sidiki Konaté, j'ai aussitôt demandé après le Premier Ministre. Quand on m'a rassuré qu'il était sain et sauf, je suis monté à bord, je l'ai pris sur mon dos et je l'ai mis dans un véhicule pour le sortir de là. Le temps de l'accompagner avant de revenir sur le terrain, certains des assaillants ont pu s'enfuir. Mais nous avons pu récupérer leurs matériels et on sait d'où ils viennent. On a même déjà fait des arrestations. Mais je tiens à dire haut et fort que j'accuse l'Onuci. Parce que malgré leur dispositif et celui de la Force Licorne, dès que les premiers coups ont tonné, ils se sont retirés et n'eût été notre vigilance, l'avion aurait pris feu vu la violence de l'attaque. J'ai donc informé le Premier ministre que je reprends désormais en main la sécurité de l'aéroport. Mais je pense qu'il faut remercier Dieu parce que si cette attaque s'était produite le jour de l'arrivée du Président de la République, ça aurait été plus grave. Ça aurait été la honte totale pour la Côte d'Ivoire. Mais ça nous donne encore plus de force pour aller à la paix.?
Propos recueillis par
M. A
Envoyée spéciale à Bouaké

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023