lundi 2 juillet 2007 par L'intelligent d'Abidjan

le symbolisme de la paix qui s'annonçait, et celui de la réunification du pays après cinq bonnes années de césure. Il voulait se rendre dans la capitale de la vallée du Bandama en tant que président d'une république ivoirienne dont les caryatides, sectionnées par la rébellion, étaient en train de se reconstituer. Une république une et indivisible avec un Premier ministre unique régnant sur toute l'étendue du territoire national, mais avec un président privé encore de ce privilège. En voulant se rendre à Bouaké, Laurent Gbagbo tenait surtout à mettre un terme à cette anomalie, à cette anormalité et consacrer ipso facto la normalité républicaine.
Hélas, pour encore longtemps, craignons-le, les Ivoiriens devront se résoudre à devenir orphelins de leur espérance de paix. En raison du sanglant coup de couteau donné le vendredi 29 juin dans le pacte signé trois mois plus tôt à Ouagadougou entre la partie gouvernementale du pays et la rébellion. Même si les acquis engrangés en quelques mois de primature Soro ne peuvent être remis au grenier des promesses impossibles. Effectivement, avec des actes comme le meeting de Sidiki Konaté aux côtés des "jeunes patriotes", la visite de ceux-ci à Bouaké, le match de football livré par les Eléphants contre Madagascar, les prestations des artistes ivoiriens conduits par leur président Gadji Céli, et bien d'autres signaux importants, l'irréversibilité du processus de paix paraît encore probable.
Cependant, il y a fort à parier que nous allons nous réinstaller dans cet entre-deux éprouvant intervenu depuis la fin de la belligérance militaire et l'Accord politique de Ouagadougou. De fait, en dépit des propos rassurants du chef de l'Etat et de son premier ministre tendant à minimiser l'impact de l'attentat de Bouaké sur le processus de paix en cours, personne, pas même le moins avisé des Ivoiriens, n'est suffisamment dupe pour croire encore que les choses iront facilement comme un couteau dans du beurre. Comme nous l'écrivions il y a quarante huit heures, Laurent Gbagbo s'est trompé en feignant de croire que Soro était le vrai maître à bord de la rébellion, en faisant mine de se convaincre que l'enfant de Ferkéssedougou, avait une autorité sans faille, totale, et pleine sur "ses" hommes. Et pourtant les querelles fratricides avec mort d'hommes à la clé, qui ont émaillé la vie de cette rébellion ivoirienne sont éloquents au possible, et auraient pu amener le président de République à apprécier les choses autrement.
Il est vrai que dès la signature de l'accord de paix, tout le monde, dans une hypocrisie mal contenue parfois, avait applaudi à tout rompre, à grands bruits de paume assourdissants. Et les plus naïfs d'entre nous avaient cru que les ennemis de la paix sous Gbagbo (finalement tout le monde aime et désirent la paix, mais cela dépend du moment), avaient viré leur cuti. Que nenni ! C'est vrai aussi que pour une fois, après plus de quatre années de conflit, Laurent Gbagbo a nommé un Premier ministre sans installer une dyarchie à la tête de l'Etat. Mais là également, cela est difficile à concevoir et admettre dans certains esprits. Les ayatollahs de la rébellion et leurs parrains, désespérés par la modération de Guillaume Soro, ont dans le dos de celui-ci, commencé à aiguiser des couteaux. Et depuis quelques temps, l'attitude de défiance de certains chefs de guerre, faisait redouter une soudaine acuité des divergences entre tendances rebelles. Cela ne pouvait que produire ce grand mélodrame hollywoodien de Bouaké, qui, sur beaucoup d'entre nous, agit comme un phénomène hallucinatoire.
Pinçons-nous, et une fois que nous sommes tirés de cette hallucination, posons les vrais débats : allons-nous ad vitam aeternam nous satisfaire de cette cocasserie républicaine où le primus inter pares (le premier des Ivoiriens) règne sur une partie du territoire tandis que le premier ministre qu'il a nommé règne sur la totalité ? Pendant combien de temps, serons-nous disposés à accepter que notre premier ministre se fasse agresser sur une portion du territoire national sans que les forces républicaines dont c'est le rôle régalien ne puissent voler à son secours ? Mais, diantre où sommes-nous ? Dans une république sérieuse ? Logiquement, en signant l'Accord politique de Ouagadougou, Guillaume Soro a franchement intégré la probabilité d'une paix réelle et durable, et surtout obtenu la certitude que toute la rébellion a fait chorus avec lui. Dès lors, en tant que premier ministre de Laurent Gbagbo, pourquoi ne donne-t-il pas des gages clairs d'un désarmement et donc d'une réunification effective qui auraient dû intervenir avant le redéploiement de l'administration ? Cela contrarie-t-il l'Accord dans son principe ? S'il a accepté de devenir le premier ministre de toute la Côte d'Ivoire, pourquoi supporte-t-il que la République de Côte d'Ivoire ne puisse pas récupérer tous ses attributs ? Pourquoi faudrait-il que des éléments d'une armée non républicaine protègent l'administration républicaine ?
Avant l'Accord de Ouagadougou, le président Laurent Gbagbo était lui-même dans la logique du désarmement préalable à la réunification du pays et au redéploiement de l'administration. D'où vient-il que brusquement la charrue soit mise avant les b?ufs ?
Vous l'aurez deviné, le vrai débat qui urge est celui du désarmement avant tout. Sans l'occupation de tout l'espace territorial par une armée réunifiée et républicaine, le processus de paix en cours et les élections à venir sont voués à l'échec. Il n'y a d'autres options qui tiennent malheureusement pas ! Et c'est dans le plus grand intérêt du premier Ministre Guillaume Soro, parce que, en définitive, sa sécurité est plus garantie dans la République qu'en dehors.
Jacques MIAN
http://mian225.blogs.nouvelobs.com

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