lundi 2 juillet 2007 par Le Nouveau Réveil

Bonsoir Monsieur le Président. Il y a eu un attentat contre l'avion du Premier Ministre Soro Guillaume à Bouaké. Selon vous qu'est-ce qui s'est passé exactement ?
Bonsoir. D'abord en ce qui nous concerne, nous condamnons avec la dernière énergie cet attentat qui vise à travers la personne du Premier ministre tout le processus de paix initié par l'Accord de Ouagadougou. Mais on n'assassine pas la paix. Nous allons continuer. Je voudrais aussi vous dire que le Premier Ministre et moi-même, depuis un moment, nous avions des informations selon lesquelles les gens voulaient faire un coup pour arrêter le processus de paix. Il y a des pièges qu'on a évités çà et là. Mais quand il y a beaucoup de pièges, il y a toujours un qui finit par prendre. C'est une attaque vaine parce qu'elle ne peut pas arrêter le processus de paix. Je voudrais féliciter le Premier Ministre. Il a montré beaucoup de courage et beaucoup de sang froid dans cette affaire. Beaucoup de sang froid parce qu'il n'est pas paniqué. Je l'ai eu aussitôt après. On s'est parlé quatre ou cinq fois au téléphone. Aujourd'hui même (samedi 30 juin ndlr) je lui ai parlé déjà deux fois. Il a eu beaucoup de courage et il a beaucoup de courage. Et il a su voir ce qui était essentiel. L'essentiel, c'est le processus de paix. Il m'a dit au téléphone : " Président, on continue ". A chaque fois que je l'ai eu au téléphone, il m'a dit : " Président, on continue ". Donc, je voulais le saluer pour son courage et pour son sang froid. J'ai salué le courage et le sang froid dont a fait preuve le Premier Ministre. Mais, malheureusement il y a eu des morts. Et je voudrais m'incliner devant leurs dépouilles. Dès lundi prochain j'enverrai dans leurs familles respectives des collaborateurs pour porter la compassion de la République. Je voudrais leur dire qu'ils sont morts à la tâche, parce que la mission que le Premier Ministre effectuait à Bouaké était une mission d'Etat. Il allait pour installer les magistrats et faire le lancement des audiences foraines. Je voudrais aussi saluer les blessés et leur dire que nous sommes à leurs côtés. Et que nous leur souhaitons prompte guérison. Je veux dire à tous ceux qui disent : " Président, tu penses que Soro va aller jusqu'au bout ? " La preuve est là. Quelqu'un qui a failli donner sa vie pour le processus de paix, on ne peut plus se poser ces questions. Je voulais aussi saluer les FAFN qui ont réagi. Ils ont eu aussi beaucoup de sang froid et beaucoup de courage. Je voudrais saluer également l'équipage. Les gens de l'armée de l'air en général, le Colonel Lépkéli qui conduisait l'appareil et son copilote. Je leur avais donné l'ordre de ramener l'avion abîmé jusqu'à Yamoussoukro. Et ils ont réussi à le ramener jusqu'à Abidjan. Je voulais saluer leur courage aussi et leur sang froid. Je voulais saluer tous ceux qui nous ont aidés à éviter le pire. Dès que nous avons eu la nouvelle, nous avons mis la ligne de front en alerte. Le Premier Ministre et moi-même, quand on parlait, il m'a dit : " Il ne faut pas qu'on tombe dans le piège des adversaires de la paix. Si nous rentrons là-dans, les gens diront qu'ils ne voulaient pas la paix, ils ont fait ça ". C'est pourquoi nos hommes continuent d'être en alerte. Je voudrais saluer aussi tous ceux qui sont sur la ligne de front pour leurs efforts. Voilà ce que je voulais vous dire dans un premier temps. Monsieur le Président, quelle analyse faites-vous de cet événement qui intervient maintenant où le processus de paix est en marche, maintenant où on vous attend à Accra pour le sommet de l'Union africaine, au moment où on vous attend aussi à Bouaké pour le flambeau de la paix ?
Oui, les analyses sont simples. Vous savez, le diable n'aime pas la victoire des justes. Et c'est une illusion de croire qu'on va aller à la paix, tranquillement, sans aucun soubresaut du diable. Nous savions qu'ils allaient se manifester tôt ou tard mais sous quelle forme et quand, c'était ça le problème ()
Il faut bien se mettre dans la tête quelque chose. L'Accord de Ouagadougou dérange beaucoup de personnes. En quatre mois, l'Accord de Ouagadougou a avancé dans la paix en Côte d'Ivoire plus qu'en quatre ans. C'est une vérité qui est indéniable. Je dis plus qu'en quatre ans parce que le premier gouvernement de réconciliation a été formé en mars 2003. De 2003 à 2007, ça fait quatre ans. Mais en quatre mois, nous avons avancé plus que toutes ces quatre années réunies. C'est ça qui dérange. Les gens voient que les Ivoiriens sont désormais déterminés à aller à la paix. Mais la paix n'arrange pas tout le monde en Côte d'Ivoire et hors du pays. Cette situation de ni guerre ni paix arrangeaient les nageurs en eau trouble. Je puis vous dire que tout le programme est maintenu. Le programme d'installation des préfets est maintenu de même que le programme d'installation des magistrats. D'ailleurs hier, malgré ce coup, le Président de la cour d'appel de Bouaké a quand même été installé contrairement à la prévision. Tout le programme d'installation des magistrats est maintenu exactement aux heures et aux jours indiqués. Le programme des audiences foraines est maintenu intégralement. Le seul point qui est maintenant mais que nous allons décaler c'est le flambeau de la paix. Parce que ça ne met pas en cause seulement le Premier Ministre et le Président de la République mais aussi des Chefs d'Etat que nous invitons. Donc il va falloir réaménager le calendrier et c'est l'une des raisons pour lesquelles, je maintiens mon voyage sur Accra pour aller parler avec mes pairs afin de leur annoncer la situation. Pour leur dire que c'est une tentative contre la paix, elle a échoué et que nous avons la situation en main et que nous maintenons le programme. Nous allons discuter avec eux d'une nouvelle date à fixer. Ça sera dans le mois de juillet et on ne le dépassera pas. Nous ferons le flambeau de la paix. Ce qui s'est passé ressemble bien à un coup d'Etat. C'est aussi votre avis ?
Oui, mais, Vous voyez, il faut que les Ivoiriens comprennent que le pouvoir ne se trouve pas au bout du fusil et qu'il se trouve dans l'urne. Ce sont ces deux lignes qui n'ont pas cessé de s'affronter depuis 1999. Et nous devrons ?uvrer nous, à faire triompher la ligne selon laquelle le pouvoir se trouve dans les urnes. Certains veulent absolument faire croire qu'en utilisant le fusil ils peuvent arriver à un résultat. Ils échouent toujours, mais ils sont persévérants, nous devons être encore plus persévérants qu'eux. Nous devons les arrêter et nous avons déjà commencé. Et ils seront jugés. La justice fera son travail. Mais pourquoi, c'est M. Soro Guillaume qui est visé ?
Parce qu'aujourd'hui, c'est lui le nouveau visage de la mise en place du processus de paix. Mon visage n'est pas nouveau dans la condamnation de l'arrivée au pouvoir par la force. Mon visage, il est permanent dans le fait de réclamer des élections, mais le visage nouveau, c'est Soro Guillaume. Quand un Chef d'Etat nomme un Premier Ministre, il lui assigne une mission. La mission que j'ai assignée à Soro Guillaume en le nommant, non plus sous des pressions extérieures, mais sur la base de notre propre volonté intérieure, c'est de ressouder les deux morceaux de Côte d'Ivoire, d'arriver à la paix et d'aller aux élections. Au début, certaines personnes ont cru que c'était des amusements. Même le 19 décembre 2006, quand j'ai fait mes propositions pour sortir de la crise (relisez mes articles de décembre 2006 et janvier 2007) vous y trouverez des articles de rictus. Mais ils se sont rendus compte aujourd'hui, 4 mois après les Accords de Ouagadougou, que c'était sérieux. Et c'est Soro Guillaume qui représente ce nouveau visage. C'est la raison pour laquelle, on a essayé de l'éliminer. Aujourd'hui, Soro Guillaume, c'est le Premier Ministre de la République de Côte d'Ivoire, et nous ne pouvons pas le laisser dans les difficultés. C'est pourquoi, j'ai mis l'armée en alerte. C'est pourquoi nous étions prêts à aller le sortir de Bouaké si cela était nécessaire. Mais lui-même a réussi à maîtriser la situation. A Bouaké, les gens restent en alerte. Le processus de paix suivra son cours. Nous allons continuer l'installation des magistrats, préfets et sous-préfets, nous allons faire les audiences foraines et nous ferons les élections comme prévu dans le chronogramme.
Ce qui s'est passé à Bouaké, me rappelle un peu le Rwanda avec l'assassinat du Président Habyarimana, malgré la présence à l'aéroport des Nations Unies et des forces impartiales.
Je n'ai pas toutes les informations sur tous les détails de ce malheureux événement. Donc je ne saurais être de votre avis. Je ne parle pas de circonstance, mais de l'acte et de faits. C'était bien le Premier Ministre, en tant qu'acteur qui était visé et c'est cela qu'il nous faut tirer comme quintessence de l'acte qui a été posé. Nous condamnons cet acte. Il faut que les gens sachent que nous n'allons pas reculer. Alors je voudrais dire à tous les Ivoiriens que de un, il faut qu'ils comprennent définitivement que pour arriver au pouvoir, il faut aller aux élections. Celui qui veut aller au paradis sans mourir, il se trompe. Celui qui veut arriver au pouvoir sans passer par les urnes, se trompe également. Deuxièmement, les conflits politiques, les contradictions politiques ne se règlent pas par l'assassinat de son adversaire ou de quelqu'un d'autre. Parce que c'est trop facile de vous embusquer, de tirer sur quelqu'un et de croire que vous avez tué ses idées. Troisièmement, il faut que les Ivoiriens restent soudés. Qu'ils comprennent qu'aller à la paix est la chose essentielle aujourd'hui. Notre pays est solide, fort, mais si nous continuons à lui tirer dessus tous les jours, nous allons finir par le rendre fragile. Aussi, les Ivoiriens doivent-ils se ressaisir et comprendre que la solution à tous nos maux se trouve dans une vie paisible, un pays apaisé et c'est de cette façon que nous pourrons nous en sortir. Cependant, je voudrais insister sur une chose. Il faut que les Ivoiriens comprennent que le salut de la Côte d'Ivoire n'est ni dans les coups d'état, ni dans les coups de canon.
Je vous remercie.
Retranscription
Olivier Adepo Mireille Konan
Nb : questions RTI
Source : macotedivoire.info

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