vendredi 29 juin 2007 par Nord-Sud

C'est une épine sur le chemin de la paix. L'affaire du haut représentant chargé des élections risque de bouleverser les acquis de l'accord de Ouagadougou. Retour sur la maturation de la première grave crise entre les hommes forts du dialogue direct et l'opposition.


La crise autour du maintien ou non du haut représentant onusien chargé des élections tourne à l'affrontement politique entre l'opposition ivoirienne et la communauté internationale. Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié invoquent l'accord de Pretoria pour maintenir un arbitrage des Nations unies dans le processus électoral en cours. Pour les leaders du Rdr et du Pdci, c'est une exigence pour avoir des élections crédibles et transparentes. Les Nations unies, pour le moment, s'alignent sur la volonté des ex-belligérants, favorables à une simple certification.

Dans une interview au Patriote le mercredi, Adama Toungara, un proche d'Alassane Ouattara charge l'Onu et motive davantage le refus du Rdr d'élections sans arbitrage onusien. Les Nations unies nous étonnent toujours. Elles prennent une résolution, ne font même pas une évaluation de cette résolution et passent sans transition à une nouvelle résolution en mettant au compte des pertes et profits des pans très importants des résolutions antérieures. Ça c'est une erreur , explique-t-il. Il ajoute : Je pense qu'il n'est pas acceptable que les deux représentants des Nations unies soient fondus en un seul. Là encore, c'est une autre façon pour le président Gbagbo de vouloir renégocier ou refaire des accords antérieurs. Ceci est inacceptable. Jamais, nous n'accepterons des élections tronquées et truquées. Nous n'accepterons des élections sans certification, sans arbitrage et validation internationale. Cet avertissement de Toungara est appuyé outre-Atlantique par une mission diplomatique du président du Rdr à Washington. Comment en est-on arrivé à cette crise qui pourrait ralentir le processus de paix ?

Le chef de l'Etat, Laurent Gbagbo, n'a jamais fait mystère de sa volonté de contrôler l'ensemble du processus électoral. Ses attaques contre la Commission électorale indépendante (Cei) aux mains de l'opposition, sa préférence pour l'Institut national de la statistique (Ins) à la Cei, sa mainmise sur des institutions comme le Conseil constitutionnel et la Cour suprême ont fait sortir le Pdci et le Rdr de leurs gonds. A Pretoria, les opposants ont plaidé pour une grande présence des Nations unies dans le processus électoral. Pour elles, c'était la garantie d'un scrutin ouvert et crédible.

Dans l'accord signé le 6 avril 2005 à Pretoria, les parties signataires ont alors appelé l'Onu à prendre leur part dans l'organisation des élections. "Les parties sont conscientes des difficultés et sensibilités liées aux élections. En vue d'assurer l'organisation d'élections libres, justes et transparentes, elles ont admis que les Nations unies soient invitées à prendre part aux travaux de la Commission électorale indépendante. A cet effet, elles ont donné mandat au médiateur Thabo Mbeki, d'adresser une requête aux Nations unies, au nom du peuple ivoirien, en vue de leur participation dans l'organisation des élections générales", mentionne le communiqué final issu des négociations inter - ivoiriennes. Cette recommandation a été respectée à la lettre par le Conseil de sécurité. L'instance onusienne a nommé le 15 juillet 2005 Antonio Monteiro au poste de haut représentant chargé des élections en Côte d'Ivoire. Mais l'accord de Ouagadougou et le nouvel arrangement institutionnel qui en sont issus changent la donne. La communauté internationale, notamment les Nations unies sont écartées de la conduite et du suivi du processus de paix à l'issue du dialogue direct entre les Forces nouvelles et le camp présidentiel. Au-delà de Ouagadougou et ses impératifs, les relations du chef de l'Etat avec la mission des Nations unies en Côte d'Ivoire n'ont jamais été bonnes. Le magister de Pierre Schori et l'intermède de la résolution 1721 (qui donnait les pleins pouvoirs à Charles Konan Banny) ont été mal vécus par le leader de la refondation. Il tient Pierre Schori et à un degré moindre Gérard Stoudmann (victime lui d'une cabale interne) responsables de la forte présence et de l'influence onusienne à Abidjan. Le départ de Schori et celui annoncé de Stoudmann devraient logiquement réduire cette influence grandissante. Laurent Gbagbo ne l'a pas caché lors de la rencontre qu'il a eue avec les ambassadeurs africains le 23 mai. Un fonctionnaire de n'importe quelle institution qui arrive ici, s'il veut se conduire comme un co-président, je lui demanderai tranquillement de repartir chez lui. Donc, Stoudmann, je n'ai pas eu à lui demander de partir. Quand j'ai vu que lui et Schori marchaient comme s'ils avaient un pouvoir de gouverner la Côte d'Ivoire, j'ai écrit une lettre au secrétaire général de l'Onu pour lui dire : Tes deux gars qui sont ici, il faut venir les chasser. Il faut venir les prendre, parce qu'ici, il n'y a pas deux ou trois présidents. Il n'y en a qu'un seul, et, c'est lui qui décide au nom de la République de Côte d'Ivoire . Alors, avec l'Onu, on a trouvé des arrangements. Je ne veux pas honnir quelqu'un. L'essentiel pour moi, c'est que les deux partent.

Cette décision a provoqué l'ire de l'opposition. La rencontre d'évaluation du Comité permanent de concertation ayant réuni le 12 mai à Yamoussoukro Blaise Compaoré, Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié n'a pas réussi à désamorcer la bombe électorale.

Les membres du Cpc ont chargé le facilitateur de saisir l'Onu aux fins de maintenir en l'état le poste de haut représentant pour les élections. Les Nations unies ont refilé la patate chaude à Blaise Compaoré en affirmant qu'elles s'aligneraient sur la décision du président burkinabé. Une suppression in fine du Hre signifierait une réhabilitation pure et simple du Conseil constitutionnel et de la Cour suprême. C'est à cette dernière, le nouvel arbitre, qu'il reviendrait de statuer sur les contentieux électoraux. Avec Tia Koné à la tête de cette organisation, il y a fort à parier que la balance penche en faveur de la rose des socialistes éburnéens.





Assoumane Bamba

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023