mercredi 27 juin 2007 par L'intelligent d'Abidjan

Depuis un moment elle a mis fin aux tenues traditionnelles sur scène. Aujourd'hui elle vient de rompre avec toute implication dans les combats des artistes en Côte d'Ivoire. Antoinette Konan fait un toilettage tout azimuts. La belle artiste ivoirienne, tradi-moderne, regarde désormais l'avenir avec beaucoup d'optimisme. Non sans observer dans le rétroviseur dont elle tire des leçons. Entretien
On ne vous voit plus sur la scène nationale. Où vous cachez vous ?
Je souhaiterais qu'on me voie désormais dans d'autres milieux, des milieux plus sérieux qui laissent entrevoir mes prochains projets. Vous ne seriez pas en train d'insinuer que ce que vous avez fait jusqu'ici n'était pas sérieux ?
C'est comme cela que je l'ai toujours pris. Avant je ne voyais pas comment projeter ma carrière. Je ne le faisais pas dans un monde balisé. Je n'attendais pas grand-chose de ma carrière. J'avais commencé même un moment à être pessimiste. Aujourd'hui c'est promoteur, tout est rose. Et j'attends beaucoup de l'avenir.
Avec le talent que vous avez, est ce comme ça que vous entrevoyiez la fin de votre carrière ?
Je continue d'être dans la course. Je parle du passé. En fait c'est juste un flash back, il y a des choses que je ne veux plus refaire. Il est bon de se retirer, mais pas de la scène et de penser à gérer ma carrière. Aujourd'hui j'ai des projets dont je parlerai vaguement parce que je ne veux pas qu'on me les pique. On m'a déjà fait ce coup. Est-ce que ce n'est pas cette façon de se retirer et de voir les autres en chien de faïence qui est à la base de vos problèmes avec certains artistes ?
On m'a déjà volé des projets et je ne veux pas en parler, pour éviter des polémiques. Ma vie d'artiste que je mène a été faite de coups. Ca été mon lot quotidien. Je suis entrée dans un milieu dans lequel j'ai voulu régler les problèmes, alors qu'il a toujours été comme ça. J'ai vu que je n'y peux rien. Je fais maintenant des choses pour avancer. Mais, je ne peux pas empêcher les autres de parler ou penser ce qu'ils veulent de moi. Que faites vous de vos fans qui ne se réjouissent pas forcément de ce qui se raconte ça et là sur votre compte ?
Mes fans, je les ai toujours écoutés. Ils comprendront que je me suis débattue pour les artistes. Pour qu'ils vivent décemment de leurs droits, comme tout citoyen moyen. Pour qu'ils aient accès à un certains nombres de facilités. Je n'ai pas pu. Donc le peu de force que j'ai, aujourd'hui je la mettrai au service de ma carrière. Et ça, mes fans l'ont compris depuis un moment. Qu'est ce qu'on ne vous verra plus faire maintenant ?
Je suis la même. Seulement je me mettrai plus dans des milieux où tout ce que je dis pourrait être interprété ou être utilisé contre moi.
Vous parlez de qui ?
Je ne veux indexer personne. Est-ce l'épisode "Burida " qui vous a laissé de mauvais souvenirs ?
Au Burida on a beau appeler de tous nos v?ux cette dignité qui manque aux artistes, elle n'est jamais venue. Donc moi, je me retire. Sans dignité ce n'est pas la peine. Quand je parle de dignité, je parle du trop grand intérêt que les artistes accordent aux petites choses, pour de l'argent. Je ne veux plus être dans les petites choses alors que les vrais enjeux sont ailleurs.
Mais qu'est ce qui n'allait pas au Burida, vous sembliez très agité et toujours votre nom revenait ?
Dieu merci la page est tournée. J'étais membre du conseil d'administration sous Mme Vieira. Nous avons essayé de soutenir le Pca. Mais, c'est dommage que la politique ait pris de l'ampleur sur l'art. On a tout fait pour que les artistes s'en sortent. On s'est retrouvé dans la rue, on s'est fait gazer et c'est la même chose qui continue. Il faut qu'on trouve une autre forme de combat mais pas dans la rue. Parce que la rue ne nous a rien donné. Nos problèmes viennent de nous même. Le problème des artistes en Côte d'Ivoire tourne autour de l'argent. A vous entendre parler on dirait que vous en avez gros sur le c?ur ?
Ce n'est pas parce que j'ai été blessée. Mais si dans la vie tu n'as pas d'orgueil et d'ambitions les gens te marchent dessus. J'ai vu beaucoup de choses ; alors je veux en témoigner. On ne vous reconnaît plus. La femme douce comme on a toujours vu Antoinette Konan, serait dans le fond un volcan en perpétuelle ébullition ?
Je suis un volcan en effet. Et j'ai trop de chose à dire. Une interview ne suffira pas pour cela. Je suis donc en train d'écrire un bouquin qui retracera toutes ces choses dont j'ai envie de parler. Il y a trop à dire. A force de m'éclabousser, les gens ont fini par me donner une carapace de tortue et tout ce qui m'arrive est positif. Je suis organisée et c'est ce qui dérange peut-être. J'ai avalé trop de mensonges. Je ne vais pas continuer à m'abreuver à cette source là. Parce que ce que vous ne savez pas c'est que le milieu des artistes est fait de mensonges. Que vous comptez vous faire après tout ce chapitre sombre de votre carrière ?
Je suis en train de préparer trois ?uvres pour ces vacances. D'abord mon Best Of, et une ?uvre de reconnaissance à l'Eternel. Pour le troisième album qui est déjà prêt, je compte le sortir en 2008, pour laisser souffler mes fans. Entre temps je vais célébrer mes 25 ans de carrière musicale en début décembre. Et j'ai aussi le réseau panafricain des artistes qui est en train d'être créé, c'est une idée que je suis en train de mener à la réalité. Quels genres d'artistes panafricains attendez-vous ?
En tout cas pas ceux qui sont obnubilés par l'argent. On sera sélectif. Nous sommes en train de rencontrer les autorités de certains pays pour obtenir d'eux la participation de leurs artistes à cette association. Les problèmes que j'ai ici, je ne les ai pas ailleurs. C'est ici que viennent les problèmes, issus à la vérité de complexes. Ailleurs, au Mali, au Sénégal etc. les gens sont "versés" dans les arts. Les problèmes que nous vivons ici sont vécus aussi ailleurs, mais ici le désordre nous dessert. Pendant que vous pensez à rassembler les artistes, vous refusez d'intégrer l'Unartci, qui est une association ivoirienne Comment l'expliquez-vous ?
Je n'ai rien à dire sur l'Unartci. Je ne suis pas concernée par l'Unartci. Ce n'est pas moi qui vais ouvrir les yeux aux gens. Ils sont dedans c'est donc à eux de voir. Une chose est sûre c'est le gain facile qui tue les artistes ivoiriens. Ils ne pensent à aucune politique concrète de formation et autre. Dans tous les séminaires auxquels je prends part souvent à l'extérieur je ne vois pas d'artistes ivoiriens. Tant que l'artiste ne prendra pas conscience qu'il n'est pas taillé dans de l'argent, sa situation ne changera pas. Seuls ceux qui vont refuser de se faire acheter vont avancer parce qu'ils sauront appréhender les maux qui les retardent.
Est-ce que vous avez un problème particulier avec Gadji Celi ou un membre de l'Unartci ?
Je n'ai aucun problème avec Gadji Celi. Vous êtes présidente de la coalition des artistes féminins (Coaf), ça ne fait pas trop pour vous ?
Non ! La force de la Coaf c'est d'accepter ses membres tels qu'elles sont et d'essayer de les transformer au profit de la communauté que nous formons désormais. A la Coaf nous forgeons la personnalité à nos membres. Mais, le réseau des artistes panafricains, est une ouverture sur l'extérieur avec tous les avantages. Pourquoi vous n'avez pas accepté de faire la même chose avec les membres d'Acor (artistes au c?ur d'or) que vous avez dirigé un moment ?
Le problème de Acor ce n'était pas moi. En fait les gens pour m'éclabousser me collent tout cela parce que j'étais renfermée. Mais disons que je leur ai prêté le flanc. Mais, c'est fini aujourd'hui.
Comment vous êtes vous soignée de votre timidité ?
Ma timidité, au début de ma carrière, faisait que les gens m'ont traité de gonflé, de suffisante. C'est vrai que je suis taciturne dans mes rapports avec les gens, mais j'ai fait ma part pour les autres. Il fallait que je lutte contre ma timidité. C'est donc à force de recevoir les coups que je me suis soignée. J'ai commencé à me débattre et aujourd'hui je suis plus connue ailleurs qu'ici.
Vous étiez dernièrement au Burkina est ce dans le cadre de vos nouveaux projets ?
Je serai en concert au Burkina Faso très prochainement pour dire merci au Président Blaise Compaoré pour ce qu'il a fait pour la Côte d'Ivoire. J'ai toujours eu ce genre de projet en faveur du retour de la paix qui n'ont jamais abouti parce qu'on me les a volé. Et même alors qu'il n'était pas question de dialogue direct je me rendais à Bouaké. Il y a avait des artistes qui y étaient interdits. Aujourd'hui il y a plein d'autres qui sont interdits au Burkina. Donc mon voyage sur le Burkina répond à tout cela. J'ai pensé un moment que c'était de feu le Président Thomas Sankara que vous vouliez parler
Vous savez les gens ont tellement interprété le fait que Thomas Sankara m'ait estimé que je n'ai pas eu le courage de lui dire merci en son temps. Thomas Sankara a fait beaucoup pour moi. Il a fait la promotion de ''l'ahoco'' (ndlr : instrument de musique, du peuple baoulé de CI) sans le savoir. Il parait qu'il a gardé précieusement cet instrument dans son bureau. La seule fois où je devais le rencontrer pour faire la promotion du Faso dan fani (pagne burkinabé), j'ai appris sa mort. Mais, de là où il se trouve je le remercie. Depuis son décès vous êtes parti combien de fois au Burkina ?
C'est 18 ans après son décès que je suis retournée au Burkina. Je m'y suis rendue comme je disais tantôt pour demander pardon aux Burkinabés. Pour ce que nous avons chanté pendant la guerre. J'ai demandé pardon pour que les artistes ivoiriens, tous autant qu'ils sont, puissent être acceptés des Burkinabé. Je l'ai dit en direct de la Télévision à une émission. Comment les Burkinabé ont pris votre approche ?
Très bien. Venant de la part d'une Ivoirienne que je suis ils ont été agréablement surpris.
Réalisée par Jocelyne BALLOT

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