mardi 26 juin 2007 par Nord-Sud

Denis Attiba Mensah est le président de la Confédération régionale pour l'amélioration des conditions de vie et de travail du personnel de la compagnie aérienne Air Afrique (Cracvt-pca). Il dénonce ici un flou autour de la gestion de la liquidation de l'ex-compagnie panafricaine Air Afrique. ? Vous avez été aperçus ce vendredi au tribunal du Plateau pour un procès sur la question des droits des travailleurs d'Air Afrique. Qu'en est-il ? C'est exact. Nous étions au tribunal, car à ce jour aucun calcul juste n'a été fait pour déterminer le niveau exact de nos droits. Nous ne sommes pas d'accord avec les montants avancés par le syndic de la liquidation de M. Anon Séka. Nous avions exigé que le calcul se fasse conformément aux textes légaux qui régissent les relations de travail. Le juge commissaire de la liquidation a finalement accédé à cette requête, reconnaissant qu'il y a eu un déni de droit, car les procédures en vigueur ont été bafouées. Il a de ce fait ordonné qu'on reprenne le calcul des droits. Mais le syndic qui s'est opposé à cette décision nous a assignés devant le tribunal. Nous sommes arrivés ce matin pour ce procès, mais le syndic dit qu'il n'est pas prêt. L'affaire a été renvoyée au 19 juillet. ? Récemment vous vous plaigniez de l'exclusion des non nationaux dans le paiement desdits droits. Avez-vous été entendus ? Un conseiller du chef de l'Etat avait réagi justement dans les colonnes de votre quotidien pour mettre en doute l'information selon laquelle les non nationaux étaient exclus du paiement des avances. Nous avons adressé une lettre ouverte à la présidence pour leur exposer les manquements dont nous sommes victimes et les conséquences. Malheureusement, la situation n'a pas évolué. Le juge commissaire avait exigé que tout le monde soit pris en compte, c'est là que M. N'Zi Paul David, directeur de cabinet du chef de l'Etat est intervenu par une lettre pour appuyer officiellement le syndic et limiter le paiement aux Ivoiriens. Quand nous les entendons dire que les autres pays ont payé seulement leurs ressortissants, nous disons que les autorités ivoiriennes sont mal informées. ? Quels sont les fonds dont disposent aujourd'hui le liquidateur pour faire face au social ? Nous n'en savons rien. C'est le flou total. Nous n'avons pas de contrôleur. La loi nous en avait accordé un, mais le tribunal d'Abidjan ne nous l'a pas reconnu. Le syndic affirme par exemple que la dette sociale pour l'ensemble des pays membres est estimée à 63 milliards dont environ 30 milliards pour le siège principal qu'est Abidjan. Tout se passe sans que nous puissions infirmer ou confirmer cette information. Aujourd'hui, notre vu le plus cher c'est qu'il y ait un audit de la gestion de cette liquidation. D'après les chiffres que cette liquidation elle-même présente, nous constatons qu'il y'a un trou d'environ 12 milliards de Fcfa. Où est passé cet argent ? Nous voulons le savoir. ? Ces 12 milliards correspondent à quoi exactement ? C'est une partie des fonds que le liquidateur a publiquement affirmé avoir encaissé. Au fil du temps après son installation, le syndic a dit qu'il a encaissé 15 milliards. Ensuite, lui et ses collaborateurs ont annoncé 2,8 milliards, puis 3 milliards en provenance des agences de voyage soit environ 21 milliards Fcfa. Sur cette somme les liquidateurs disent qu'ils ont dépensé plus de 9 milliards pour le personnel, ce qui reste à démontrer. Donc quand on fait les déductions, il ressort qu'il devrait rester 12 milliards quelque part. Or, le directeur de cabinet du chef de l'Etat a affirmé qu'il ne reste plus rien dans les caisses. Lui et le syndic doivent dire où sont passés les 12 milliards. Nous savons que l'assistance en escale qui rapporte au bas mot 500 millions par mois sera illégalement privatisée pour 3 milliards Fcfa alors qu'il rapporte plus de 6 milliards par an. Il faut stopper cela. ? Comment les travailleurs vivent cette situation de non paiement des droits qui perdure ? La situation s'est empirée. 9 autres travailleurs sont morts par manque de moyens pour faire face aux soins hospitaliers. Certains sont malades et ont besoin de 600 mille francs ou 400 mille francs pour se soigner. Leur argent étant bloqué, et en l'absence de tout soutien, ils attendent simplement de mourir. ? Vous avez porté plainte en France ? Effectivement. Les Etats feignent de ne pas savoir qu'en cas de rupture, la loi dit qu'il faut ramener le travailleur étranger au lieu de son pays d'origine. Nos dirigeants jouent avec le feu. Ils ne font que reculer l'échéance. Pendant ce temps la dette s'accumule. Si l'on n'y prend garde ce sera le peuple qui va payer cette dette. Nous sommes en train de préparer des actions en France où nous avons porté plainte. Quand la décision va tomber, ne soyez pas étonnés si nous faisons bloquer les avions de certaines compagnies nationales comme Air Ivoire ou Air Sénégal etc. Nous allons rendre leur exploitation impossible jusqu'à ce que nos droits qui sont non négociables soient payés. En plus, conformément à la loi, ils paieront nos salaires sur la période de 2002 jusqu'à ce jour. ? Selon vous, quelles sont les actions urgentes à mener ? Permettez-moi de faire d'abord cette précision. Certaines personnes pensent que les Ivoiriens ont été payés et que le sujet Air Afrique est clos. Non ! Les travailleurs Ivoiriens ont juste reçu une avance. C'était de la poudre aux yeux pour nous diviser et casser la lutte. Finalement, nous continuons tous de vivre la misère. En urgence, il faut que les travailleurs puissent savoir exactement combien vaut leur compagnie en liquidation. Nous voulons savoir la situation exacte du passif. C'est inadmissible que 5 ans après nous n'en sachions rien. Il faut aussi présenter le détail des créances y compris la dette sociale. Il faut mettre en place des priorités, dont la première, conformément à la volonté de la conférence des chefs d'Etat, doit être la dette sociale. Il faut aussi engager des actions pour retrouver d'autres financements pour couvrir le gap. ? Quelles sont les autres sources de financement possibles ? Pourquoi pas les actionnaires ? C'est prévu dans une liquidation. Personne n'a demandé à Air France qui a le vent en poupe depuis la mort d'Air Afrique. Il y a aussi l'Agence française de développement (Afd), DHL, la Banque ouest africaine de développement (Boad) ou le groupe Accor. Ils sont riches. Il faut que les Etats leur tiennent un langage de vérité. Interview réalisée par Djama Stanislas

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