lundi 25 juin 2007 par L'intelligent d'Abidjan

Le destin, selon le vieil Eschyle, est un mystère existentiel auquel personne ne peut échapper. Moi j'y crois, sans renier ma foi catholique, mais cela ne fait pas question ici. Il s'agit plutôt de l'histoire d'un homme blanc et d'une jeune femme d'origine africaine, qui sans se trouver sur la même trajectoire idéologique (à moins de ruser avec leur entourage respectif), se sont repérés, puis trouvé des atomes crochus parce qu'ayant des destins presque semblables. Aujourd'hui, cet homme blanc, parvenu au pinacle de la société française, et ne voulant savourer seul les délices des Champs Elysées, a tendu la main à la belle mais intelligente Noire. Il en a fait la benjamine du deuxième gouvernement Fillon, au poste de secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères et aux Droits de l'homme auprès de Bernard Kouchner.

Née le 13 décembre 1976 à Dakar de parents sénégalais, Ramatoulaye Yade, devenue Rama Yade pour faire court, est issue d'une famille biologique de gauche, dont le père diplomate a longtemps servi le président Léopold Sédar Senghor. Ce père et la mère professeur, qui en 1987 s'installent en France (à Colombes dans les Hauts-de-Seine), donnent très vite le goût de la politique à leur fille. Si donc le virus de la politique, lui a été très tôt inoculé, rien, absolument rien, ne prédisposait Rama à faire le choix de militer dans un parti de droite. Ne confiait-t-elle pas récemment à un confrère parisien qu'en 2000, elle n'avait pas d'opinion politique. "Je pouvais balancer à gauche ou à droite en fonction du leader en question", fit-elle remarquer. D'ailleurs, sans doute par conviction intime, mais aussi par affection et fidélité à son socialiste de géniteur, n'a-t-elle pas décidé de devenir par amour évidemment, l'épouse de Joseph Zimet, ce sympathisant socialiste (qui a voté Ségolène Royal) chargé des relations avec les ONG à l'Agence française de Développement ?
Si en 2005 Rama Yade se retrouve à l'Union pour un Mouvement populaire (UMP) où elle se fait très vite remarquer et gravit rapidement les échelons, au point de faire partie, dès le 6 mars 2006, des douze femmes promues dans les instances de ce parti où elle est nommée secrétaire nationale chargée de la francophonie, eh bien, cela tient au détail : la jeune femme est non pas séduite par les valeurs traditionnelles de droite, mais tombée sous le charisme, pour ne pas oser dire le charme, de Nicolas Sarkozy. Et elle ne s'en cache pas du tout, n'en déplaise à toutes ces aficionados de la politique qui gravitent autour de l'époux de Cecilia María Sara Isabel Ciganer Albeniz. "Je ne me reconnais pas toujours dans les valeurs de droite! C'est Sarkozy, point barre. S'il n'était pas là, je ne serais pas à l'UMP non plus. () Il y a des tas de gens qui disent des choses intéressantes, mais qui ne sont pas audibles parce qu'ils n'ont pas l'art et la manière de les dire", assène-t-elle.
Au plus fort de la campagne présidentielle, dans l'avion qui les ramène, d'un meeting à l'intérieur de la France, le futur président de la République, a le regard figé sur son égérie, rapporte Rama Yade. Et celle-ci de le questionner : "Qu'est-ce que vous avez à me regarder comme ça ?", Le candidat de l'UMP répond alors : "Je suis sûr qu'au début tu as pensé que je voulais t'instrumentaliser". L'admiration réciproque entre le président et sa secrétaire d'Etat, est à l'origine de l'ascension fulgurante de la jeune Sénégalaise.
Toutefois, comment ne pas reconnaître que la rencontre entre ces deux destins, charrie des symboles ? Nicolas Paul Stéphane Sarközy de Nagy-Bocsa, l'actuel président de la République française, est le fils d'un immigré hongrois. Un père qui abandonne juste après son installation en France, sa jeune épouse française et leurs trois enfants. Cette dernière est obligée de terminer ses études de Droit pour devenir avocate et pouvoir s'occuper toute seule de Nicolas, Guillaume et François. Et donc cela ne relève pas du hasard si le Chef de l'Etat français est lui-même avocat. Peu après l'arrivée des parents de Ramatoulaye Yade en France, le père abandonne lui aussi ses enfants à la charge de son épouse. Celle-ci se retrouve brutalement seule à élever ses gosses, se sacrifiant pour leur offrir l'école privée et catholique, sans renoncer à la religion musulmane.
En Afrique, l'on a coutume de dire que les enfants abandonnés par leur père sont finalement ceux qui sont brillants et ont un avenir radieux. En observant bien le parcours de Sarkozy et de Rama, on en conclut que la légende n'est point usurpée.
L'un réconcilie partisans et adversaires sur ses talents et son brio qui, en définitive, lui auront pathologiquement légué une boulimie du succès et une soif inextinguible de vaincre, saupoudrées ou tempérées (c'est selon) d'entregent, mais aussi de malice. Ce cocktail de qualités et de défauts, a fait de Nicolas Sarkozy, le premier président immigré de la V ème République française, si ce n'est de toute l'histoire moderne de ce pays.
Ramatoulaye a également un cursus scolaire et universitaire lumineux, étincelant, brillant ; ce qui aurait pu trancher malheureusement avec son allure resplendissante, éblouissante et ravissante, pour en faire une fille ordinaire. Après un baccalauréat obtenu en 1994, elle sort en 2000 diplômée de l'Institut d'Etudes politiques de Paris, avant d'entrer par concours en 2002 au Sénat français comme administratrice. Au Sénat, elle travaille pour la commission des affaires sociales, et est en charge de l'emploi, de la formation professionnelle et de l'Outre-Mer. Au début de 2005, elle devient la collaboratrice de Jean-Pierre Elkabbach, responsable de la Chaîne parlementaire Public du Sénat. Ce, en tant que directrice adjointe des programmes puis directrice de la communication. En 2006, elle réintègre les cadres du Sénat comme administratrice au sein du service des collectivités territoriales où elle est en charge des aspects sociaux de la décentralisation.
Rama et Sarko constituent tous les deux une icône qui est elle-même l'emblème d'une nouvelle France, tout en symbolisant la fin d'une époque. Celle où le peuple est écartelé entre une droite et une gauche qui n'en finissent pas de s'empoigner au Palais Bourbon et dans les médias, depuis que le 7 mai 1789, deux jours après l'ouverture des Etats Généraux, par commodité, les uns se mirent à droite et les autres à gauche, pour compter partisans et adversaires d'une proposition du maître de cérémonie Mirabeau. Ils sont le symbole d'une nouvelle France qui donne sa chance à tous ceux qui sont brillants et n'ont pas envie de demeurer d'éternels "losers", quelle que soit leur origine. Une France où les minorités, et plus précisément les immigrés peuvent faire entendre leurs voix.
Le 14 janvier 2007, à l'occasion du congrès d'investiture du candidat Sarkozy, Rama Yade se fera médiatiquement remarquer par toute l'Hexagone. De fait, ce jour-là, avec une virulence qu'on ne lui connaît pas, elle s'en est prise au parti socialiste français, l'accusant de cécité. Les "éléphants" du PS eurent leur part d'invectives, leur reprochant de ne pas avoir de projet, d'idées, de vision ; ne leur pardonnant pas surtout d'avoir instauré une "République du guichet" où l'on accorde aux enfants d'immigrés "de la pitié plutôt que le respect".
Dans "Noirs de France", un livre à recommander sorti aux Editions Calmann-Lévy, Rama Yade-Zimet interpelle Blancs et Noirs. "Les Blancs pour qu'ils comprennent ce que les Noirs leur apportent et comment leurs réactions à la vue d'un Noir peuvent avoir de grandes conséquences ! Les Noirs, pour les inviter à sortir de la victimisation et à se battre, malgré les difficultés !".
Jacques MIAN
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