vendredi 22 juin 2007 par Notre Voie

Le général? Maho Glofiéi, chef du Front de résistance du grand Ouest (FRGO) revient sur l'affaire des 280 millions offerts par le président de la République, parle du PNDDR, du processus de paix, des forces nouvelles (ex-rebelles), de la question des grades, du service civique national et de ce que ses hommes et lui attendant de la communauté internationale. Notre Voie : La paix est-elle enfin revenue entre les combattants de l'Ouest et leurs différents chefs dont vous après la crise des 280 millions du chef de l'Etat ?
Maho Glofiéi : La paix est revenue. C'était un malentendu entre certains combattants et leurs chefs qui avait suscité toutes ces interprétations. L'argent n'était pas destiné aux combattants. Le Président de la République, M. Laurent Gbagbo ,nous a remis cette somme pour faire face aux nombreuses dettes que nous avions contractées pour entretenir ces milliers de jeunes qui étaient sous notre autorité. Lorsque mon mouvement a reçu sa part de cette somme, j'ai automatiquement épongé les dettes et autres obligations. Il restait un peu d'argent. Mes proches collaborateurs et moi sommes engagés à distribuer ce peu à nos combattants (chacun d'eux a reçu 10 ou 15 mille fcfa). Cela s'est fait à Bloléquin, à Toulépleu et à Guiglo. A Guiglo où j'étais, j'ai aussi remis cet argent aux responsables des communautés féminines vivant dans la ville. J'ai distribué 600.000fcfa aux femmes. Sans oublier les chefs de village. Personne n'a été oublié. Pendant que je distribuais l'argent à mes combattants, ceux du Miloci (un autre mouvement d'autodéfense de l'Ouest) qui étaient à côté, ont commencé à maugréer. Ils se plaignaient que leur chef, pasteur Gammi, se soit rendu à Abidjan avec l'argent remis à leur mouvement. Pour eux, cette attitude n'était rien d'autre qu'un détournement de fonds. Ce qui était archifaux puisqu'avant de partir, le pasteur Gammi avait demandé à Akobé, l'un de ses adjoints qui est chef d'opération, de le rejoindre à Abidjan. Afin qu'il lui remette 1,5million de fcfa à distribuer aux combattants parce que je le répète, cet argent n'était pas destiné aux combattants. En l'absence d'Akobé, la rumeur a pris toute la ville. Les combattants du Miloci étaient en colère. Quand Akobé est rentré d'Abidjan et qu'il leur a remis chacun, 10.000fcfa, ils se sont opposés prétextant que leur chef, pasteur Gammi aurait reçu beaucoup d'argent qu'il a gardé par devers lui. Les combattants de Colombo (un autre chef de mouvement d'autodéfense) se sont aussi mis dans la tête que leur chef a détourné l'argent qui leur était destiné. NV : Qu'est-ce qui, selon vous, a causé cette suspicion généralisée ?
M.G : C'est le manque de communication qui est à la base de cette vague de rumeur qui a déferlé sur l'Ouest et dont certains journaux à Abidjan se sont faits l'écho. Si les chefs de guerre ne s'étaient pas rendus à Abidjan et qu'ils étaient restés comme moi à Guiglo pour expliquer à leurs combattants que l'argent ne leur était pas destiné, je crois qu'on aurait évité ces désagréments. Parce que, lorsque l'Ouest a été attaqué, nous n'avions pas d'armes. Ce sont les communautés villageoises qui nous ont fait louer leurs fusils calibre 12 et autres armes de chasse. On avait promis à ces communautés de les payer dès que nous aurions de l'argent. Il faut que tous nos combattants sachent que les opérations de désarmement que nous avons enclenché récemment, en présence du chef de l'Etat consiste à donner des armes. Le désarmement, c'est donner des armes. Et ces armes qu'on détruit, nous devons dédommager les communautés villageoises qui nous les ont remises. Pour réussir toute l'opération de désarmement, il faut récupérer toutes les armes que les communautés villageoises détiennent. Pour cela, il faut de l'argent. C'est aussi à cela qu'ont servi les 280 millions de fcfa. Chaque responsable devait dire toutes ces choses à ses combattants. Cela aurait évité la crise de confiance et les rumeurs. NV : Comment préparez-vous vos combattants à accueillir le service civique que vous propose le chef de l'Etat ?
M .G : Le Président Laurent Gbagbo pense toujours au bien-être de la jeunesse. Je voudrais lui rendre hommage pour cela. Aux combattants, je voudrais dire que le discours que j'ai prononcé à Guiglo, devant le chef de l'Etat lors du démarrage du désarmement des groupes d'autodéfense de l'Ouest, n'était pas de l'utopie. Je lui avais demandé solennellement que nos combattants soient pris en priorité concernant le service civique. Le Président a répondu que, compte tenu des idées qu'ils ont défendues, du combat qu'ils ont mené, ils seront pris entièrement en compte. Il a aussi ajouté que compte tenu du travail que les Forces Nouvelles viennent de faire en pensant à la République, leurs combattants seront également pris en compte. Le Président Laurent Gbagbo a pensé à la Côte d'Ivoire unifiée, à la Côte d'Ivoire paisible. Les jeunes ex-combattants gagnent, à travers le service civique, leur avenir. Le Président Gbagbo a eu une idée ingénieuse en pensant au service civique national pour les jeunes. Cela fera de nous, des hommes à un avenir prospère. N'eût-été l'initiative du service civique, on aurait eu des problèmes de prise en charge des jeunes ex-combattants aussi bien au Nord qu'au Sud. En créant le service civique, il a arrangé la situation au niveau de Soro Guillaume et de Maho Glofiéi. Nous avons élaboré les listes de nos combattants âgés de 18 à 35 ans et nous attendons le démarrage du service civique national. Nous sommes prêts et nos combattants ont été sensibilisés à ce propos. La balle est dans le camp de ceux qui vont coordonner les actions. N.V : Le général Gaston Ouassénan Koné qui était votre interlocuteur au niveau du Programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion (PNDDR), n'est plus à la tête de cette structure. Un commentaire ?
M.G : Le général Ouassénan Koné a été un bon interlocuteur. Nous avons bien collaboré même s'il y a eu quelques imperfections. Mais que voulez-vous ? C'est le travail. N.V : Quelles sont les imperfections que vous avez constatées ?
M.G : Ce que je reproche au général Ouassénan Koné, c'est son mépris à l'égard des réalités du terrain. Comme par exemple, le problème des armes parallèles dont il n'a pas tenu compte . Alors que ses services ont fait des commentaires disant que nous avons élaboré des listes sans tenir compte des gens qui portent des armes. Il y a eu visiblement une crise de confiance entre eux et nous. Nous n'avons pas apprécié la manière dont les choses étaient exposées. Sur le plan administratif, il a bien travaillé mais au plan pratique, c'est-à-dire sur le terrain, c'était un peu maladroit. N.V : Que suggerez-vous pour la bonne conduite des opérations du PNDDR sur le terrain ?
M.G : La fausse note au niveau du PNDDR a été que les gens n'ont pas tenu compte des réalités du terrain et de nos suggestions. Ils ont foncé tête baissée afin qu'il y ait des blocages et que nous soyons indexés à tort comme responsables de ces blocages ; nous, les chefs des forces de résistance du grand Ouest. Par exemple, lorsqu'on a parlé des communautés villageoises qui ont des armes et que nous avons demandé au général Ouassénan de nous permettre de rencontrer le Premier ministre puis le président de la République afin qu'on trouve une solution à cette situation, il a totalement ignoré notre suggestion.
N.V : Considérez-vous un manque de considération à votre égard ?
M.G : Non seulement, c'était un manque de considération, mais nous avions la nette impression que l'équipe du PNDDR voulait qu'il y ait un soulèvement. Leur attitude nous paraissait suspecte. Nous leur avions fait part d'une situation, à savoir que des individus ont payé des armes à nos combattants. A l'heure du désarmement, ils refusent de rendre ces armes. Pis, ils veulent que leurs enfants qui n'ont jamais été combattants soient sur les listes de prise en charge au détriment des vrais combattants. Nous avions demandé au PNDDR que ce dossier soit présenté au Premier ministre puis au chef de l'Etat afin qu'au nom de la paix, une solution soit trouvée. Au PNDDR, on nous disait : Avançons d'abord, on va régler ce problème après ?. Nous ne comprenions pas cette attitude parce qu'au même moment, le PNDRR, nous parlait de pourcentages, de ratio dans la prise en charge des combattants. Alors que les armes que les communautés villageoises détiennent, appartenaient à nos combattants qui les ont prises aux mains des rebelles lors des combats. Ces armes seront comptabilisées dans le lot des armes à déposer lors du désarmement. Les communautés villageoises refusant de restituer ces armes et nous aussi, ne voulant pas inscrire leurs enfants qui n'ont jamais fait la guerre, sur nos listes, on ne sera pas dans le ration. Malgré toutes nos supplications, le PNDDR n'a pas bougé d'un iota. Voilà pourquoi, il y avait un blocage.
Aujourd'hui, grâce au Président de la République que nous avons pu rencontrer, une solution a été trouvée. Les armes ont été récupérées et le chef de l'Etat les a remises solennellement à Abou Moussa, le représentant adjoint du SG de l'ONU en Côte d'Ivoire, au cours d'une cérémonie à Guiglo. N.V : Depuis la signature de l'accord de Ouagadougou, le dimanche 4 mars 2007, avez-vous rencontré les Forces Nouvelles ?
M.G : Non, nous n'avons pas de rencontres formelles en tant que tel. Nous avons participé à Yopougon à l'apothéose de la caravane de la paix initiée par Blé Goudé aux côtés du ministre Konaté Sidiki, porte-parole des Forces Nouvelles (ex-rébellion armée). Nous nous sommes ensuite rencontrés au ministère de la Réconciliation nationale, lors de la remise à Blé Goudé de l'arrêté ministériel qui faisait de lui, Ambassadeur de la paix. Au terme de cette cérémonie, Konaté Sidiki et moi avons parlé et échangé nos contacts. Il m'a même dit qu'il faut leur faire confiance parce qu'ils ne vont pas trahir le Président de la République. Partout où nous nous retrouvons, le ministre Sidiki Konaté nous a toujours démontré qu'ils sont résolument engagés sur la voie de la paix. C'est l'attitude des Forces Nouvelles à aller à la paix qui nous a convaincus à être les premiers à déposer les armes. N.V : Qu'attendez-vous aujourd'hui de la communauté internationale parce que, c'est à Guiglo, en présence du représentant du SG de l'ONU, que vous avez démarré le désarmement ?
M.G : Ce que nous attendons de la communauté internationale, c'est de tenir compte de tout ce que les Ivoiriens sont en train d'accomplir. Abou Moussa est là, je ne souhaiterais pas de mutations de dernière heure. Les changements des têtes des structures qui adviennent au moment où l'on avance, ne sont pas toujours de bonnes décisions. Abou Moussa a suivi tout le processus. C'est à lui que le chef de l'Etat a remis symboliquement les armes que nous avons déposées. L'ONU pourrait même garder Abou Moussa pour la suite du processus. Ce serait une bonne chose. Celui qui nous a créé de véritables problèmes, c'est Albert Tévoédjré. Pierre Schori n'était pas fameux mais il a fait quelques réglages. Il était venu nous voir à Guiglo, par exemple, avant de faire ses rapports à sa tutelle. Parce que Tévoédjré avait concocté de faux dossiers nous concernant. N.V : De quels faux dossiers parlez-vous ?
M.G : C'est un peu long à expliquer. Nous en parlerons à une autre occasion. Pour le moment, je préfère ne rien dire parce que nous sommes engagés dans un bon processus édicté par l'accord de Ouagadougou. N.V : Le 16 juin dernier, Charles Blé Goudé, le COJEP et certains mouvements de jeunes patriotes se sont rendus à Bouaké. Le ministère de la Réconciliation nationale prévoit une vaste caravane nationale de la paix à Bouaké et dans les zones ex-assiégées. Serez-vous de la partie ?
M.G : Je félicite Blé Goudé pour son initiative. De même que le ministère de la Réconciliation nationale et toute la galaxie patriotique. Sans oublier les Forces Nouvelles pour leur décision d'aller à la paix. Aller à Bouaké ? Mais le ton a été déjà donné lorsque Sidiki Konaté est venu au complexe sportif de Yopougon sans gardes du corps pour prendre part au grand rassemblement organisé par Blé Goudé. C'était un signal fort. Si je suis invité à Bouaké, j'y serai. Je suis le chef de cinq branches armées des mouvements de résistance du grand Ouest, alors on verra sous quel angle je ferai le tour de la Côte d'Ivoire pour saluer les autres frères et s?urs. Pour que j'aille à Bouaké, il faut une sécurité qui n'est pas forcément celle dont bénéficie Blé Goudé. Puisque mes hommes et moi avons porté des armes. N.V : Les Forces Nouvelles parlent du maintien de leurs grades acquis lors de la guerre. Vous, général? Maho Gloféi qui avez aussi combattu, comment réagissez-vous ?
M .G : Nous avons décidé de lutter pour la légalité constitutionnelle. Voilà pourquoi, nous avions pris les armes. Soutenir et respecter les institutions de la République, ça veut tout dire. Je sais que pour être militaire ou officier, il faut remplir des conditions conformes à la loi. Je n'ai jamais été dans l'armée. Tout ce que je sais, c'est sur le tas que je l'ai appris. Nous n'avons pas pris les armes pour devenir généraux, colonels, commandantsou sous-officiers dans une armée régulière. Ce n'est pas possible. Si le gouvernement constate que Maho est appelé général? par ses hommes, qu'il a joué sa partition pour le respect de la légalité constitutionnelle, alors on doit l'utiliser de telle ou telle autre façon pour la République. Je ne refuserais pas cette proposition. Comme cela se fait dans les pays qui sortent de guerre et où il y a un processus de réconciliation, on tient compte des chefs des milices. Nous avons 32 personnes qui étaient dans l'armée et qui nous ont rejoints au moment de la résistance contre la rébellion armée. Ils nous ont aidés en formant nos jeunes combattants. Dans la nouvelle armée, nous souhaitons que le cas de ces 32 soldats soit pris en compte. Qu'on se penche également sur leurs grades. Nous avons déjà préparé un rapport à ce propos et nous le remettrons au général Philippe Mangou, chef d'Etat-major de l'armée de Côte d'Ivoire.


par Didier Depry et Vincent Dehdidierdepri@yahoo.fr

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