vendredi 22 juin 2007 par Le Front

Le député de Sakassou et candidat indépendant à la prochaine élection présidentielle était l'invité, le 9 juin dernier, d'une radio privée américaine émettant, en ligne, depuis Washington (EU). M. Akoto Yao s'est largement prononcé sur la situation politique et sociale de la Côte d'Ivoire : le processus de paix et l'accord de Ouagadougou, les élections présidentielles. Quel est votre impression concernant l'accord de Ouagadougou ? Est-ce qu'on peut dire que la paix est revenue avec la nomination de Guillaume Soro comme Premier ministre ?
Je voudrais saisir cette opportunité pour saluer l'avènement de l'accord de Ouagadougou et remercier tous les acteurs tant locaux qu'extérieurs avec une mention spéciale pour le président Blaise Compaoré, président du Burkina Faso et président en exercice de la Cedeao et de l'Uemoa pour avoir accepté de jouer le rôle de facilitateur afin de mettre les frères ennemis autour d'une même table. Je l'ai dit tantôt, le président Félix Houphouet-Boigny nous a enseigné le dialogue. Mieux, il ajoutait aussi que la paix n'est pas un vain mot, c'est un comportement. Autrement dit, la préservation et l'entretien de la culture de paix sont fonction du comportement que les uns et les autres adoptent dans leurs rapports de tous les jours. Malheureusement, toutes les difficultés que la Côte d'Ivoire a traversées ces dernières années ne sont rien d'autre que le résultat de l'attitude que les uns n'ont cessé d'adopter face aux autres. Je me félicite, une fois de plus, pour la signature de l'accord de Ouagadougou. Je fais partie de ceux qui pensent que les Africains eux-mêmes doivent commencer à se prendre en charge. A ce propos, je voudrais inviter les uns et les autres à relire toutes les interviewes que j'ai accordées aussi bien à la presse nationale qu'internationale depuis 2003. Ma position était déjà très claire. Quand je disais que les Ivoiriens pouvaient aller à la paix à condition qu'ils le veuillent réellement. Le constat que nous faisons, c'est que nous avons peut-être eu tort d'avoir eu raison très tôt quant à la démarche à suivre pour la sortie de crise. Pour un grand nombre d'Ivoiriens, c'était à la communauté internationale de venir nous imposer la paix. Alors que la base des actions de la communauté internationale devrait être soutenue par une dose de bonne foi. Le début de la paix actuelle a commencé depuis le 04 mars 2007 suite à la signature de l'accord de paix. Depuis cette date, outre les retards que nous notons dans la mise en ?uvre du chronogramme, il y a des actions qui ont été posées. La première et non des moindres est la nomination du Premier ministre Guillaume Soro (Secrétaire général des Forces nouvelles) à la tête du gouvernement. Pour mémoire, suite à la signature des accords de Marcoussis en janvier 2004, il a suffi que le Premier ministre actuel dise sur les antennes que les Forces nouvelles ont eu les ministères de la Sécurité et de la Défense pour que Abidjan soit paralysée. En d'autres termes, tout ce que les Ivoiriens pensaient impossible ou refusaient tout de go, il y a quelque temps, est actuellement le tout naturellement possible. Et cela, modestement, je le disais déjà. Qui peut m'apporter l'argumentaire contraire que tout ce que le président Laurent Gbagbo disait qu'il ne le ferait jamais, n'a pas fini par être fait. Comme le dirait l'autre, mieux vaut tard que jamais. Malheureusement, je regrette et déplore toutes ces personnes innocentes qui soient aujourd'hui dans la misère la plus totale du fait de la danse du tango des politiciens ainsi que les personnes décédées. Au titre des acquis de l'accord de Ouagadougou, il y a la mise en place du Centre de Commandement Intégré, la mise en place d'un cadre institutionnel pour l'exécution du chronogramme de cet accord. Il y a aussi la suppression de la zone de confiance. Des décrets viennent d'être signés pour le redéploiement des préfets de région et de département ainsi que la nomination des magistrats devant conduire les opérations d'audiences foraines, d'accord partie.
Outre ces acquis, des actions majeures comme le désarmement, l'enrôlement en vue des élections, le redéploiement global de l'administration restent encore en filigrane. Nous allons à pas de tortue, cependant nous notons une réelle volonté des deux protagonistes d'aller à la paix. Nous croisons les doigts en espérant que les sujets qui fâchent, trouveront un dénouement heureux. Nous nous inscrivons donc totalement dans cette dynamique de paix. ELECTIONS PRESIDENTIELLES PROCHAINES :
Quelles sont vos relations avec le Pdci-Rda ? Etes-vous toujours militant
du Pdci-Rda ?
Je suis toujours militant du Pdci-Rda. Je pourrais même vous dire que je suis militant à la naissance. Car souvenez-vous, je vous disais tantôt que je suis l'homonyme du président Félix Houphouet-Boigny qui d'ailleurs a assuré en partie mon éducation. Et je puis vous assurer que je compte rester Pdci-Rda et mourir Pdci-Rda.
A l'heure où je m'entretiens avec vous, j'ai dans ma poche ma carte de membre du Pdci-Rda de 2006. Ce qui voudrait dire que je suis à jour de mes cotisations. Mais le fait d'être militant d'un parti politique, ne signifie pas que vous devez renier votre moi. Donc que vous devez être prisonnier de ce parti. Je suis un militant du Pdci-Rda certes, mais je suis indépendant dans mon esprit. Je dis ce que je pense, je suis contre l'injustice et je défends le peuple. En un mot, l'intérêt général. Mieux, malgré mon jeune âge en politique, je défends des convictions auxquelles je suis très attaché et qui se résument en trois principes que sont : la Vérité, le Courage et la Justice . Ces principes, pour moi, sont cumulatifs et dès lors que l'un d'eux est foulé au pied, je suis bien obligé de me comporter comme je le fais en ce moment. Et c'est ce comportement qui malheureusement dérange certains militants du Pdci-Rda. J'ai d'excellents rapports avec le Pdci-Rda, sauf que je ne fais pas de politique de salon. C'est-à-dire qu'en ma qualité de membre du Bureau Politique du Pdci-Rda, je ne participe pas aux réunions pour applaudir afin de faire plaisir à telle ou telle personne. C'est la seule différence entre moi et d'autres militants. Pour votre gouverne, pour mon mandat de député et de président du Conseil général, j'ai été élu en qualité de candidat indépendant.
J'ai suivi une de vos interviews ici où vous étiez un grand défenseur des accords de Marcoussis, or le président de la République a dit que c'était un mauvais médicament mais qu'il allait l'essayer. Aujourd'hui, il a décidé d'entreprendre le dialogue direct qui a abouti aux accords de Ouagadougou. Comment appréciez-vous le dialogue direct à travers l'accord de Ouagadougou qui remplace tous les autres accords alors que le Pdci-Rda s'est battu bec et ongles pour que les accords de Marcoussis demeurent la seule boussole. Si je veux faire miens les propos du président Laurent Gbagbo suite aux accords de Marcoussis, il disait que c'est un médicament amer mais qu'il fallait l'essayer. Je partage entièrement cette idée. Vous conviendrez avec moi que malgré le goût amer des comprimés de nivaquine, ils ont longtemps été prescrits par les médecins pour nous guérir du paludisme. Mais pour que la guérison soit effective, il faut accepter de suivre la posologie du médecin. Il en est de même des accords de Linas-Marcoussis qui ne sont pas certes des accords parfaits mais je reste persuadé que si les Ivoiriens avaient accepté de l'appliquer de bonne foi, nous serions sûrement sortis de cette impasse il y a très longtemps. C'était d'ailleurs la position du Pdci-Rda qui appelait au respect des accords de Linas- Marcoussis. Mieux, les accords de Ouagadougou ne dérogent pas à cette règle. Car si vous faites une lecture attentive de ces derniers, vous vous rendez bien compte que c'est quasiment le même accord que Linas-Marcoussis. Ce qu'il y a en sus c'est seulement l'environnement et le cadre qui ont changé. Vous êtes militant du Pdci-Rda, le Pdci-Rda a choisi son candidat et vous êtes candidat à l'élection présidentielle à venir. Est-ce que cela ne constitue pas une indiscipline au sein de votre parti. Est-ce que vous maintenez toujours votre candidature aux futures élections présidentielles ?
Depuis le 05 octobre 2005, j'ai fait une déclaration de candidature dans laquelle, j'ai dit aux Ivoiriens que je serai candidat aux prochaines élections présidentielles. Quelle que soit la date à laquelle ces élections seront organisées. Je tiens à le confirmer. Je serai candidat aux prochaines élections présidentielles parce que les causes pour lesquelles, je suis candidat, demeurent.
Je suis candidat parce que nous pensons qu'il est inconcevable que les acteurs qui ont mis le pays dans son état actuel soient les mêmes qui veuillent encore le diriger. En d'autres termes, vous ne pouvez pas être le problème et être en même temps la solution. C'est pour cela que beaucoup d'Ivoiriens pensent qu'il faille une Nouvelle Alternative à la politique en Côte d'Ivoire. Nous, nous sommes donc proposé pour être cette Nouvelle Alternative.
Pour me résumer, je serai candidat indépendant aux prochaines élections présidentielles quand bien même je sois membre du bureau politique du Pdci-Rda. Est-ce que cette candidature n'est pas une indiscipline ou est-ce que ce n'est pas une stratégie électorale avec la direction du Pdci-Rda, votre parti ?
Je suis très respectueux de l'ordre et de la légalité. Je respecte les statuts et les règlements du Pdci-Rda. Mais diantre, qu'on ne me taxe pas d'indiscipliné lorsque ceux qui élaborent les textes au premier chef, ne les respectent pas eux-mêmes.
Il y a longtemps que j'ai essayé d'attirer l'attention de la direction du parti en disant que le Pdci-Rda n'est pas la chasse gardée d'une personne, fût-elle Félix Houphouet-Boigny. Le Pdci-Rda appartient à tous les militants qui, de façon individuelle, paient leur carte de parti et à ce titre chacun défend ses convictions. On ne milite pas dans un parti politique pour y faire le béni oui oui, pour être seulement un suiveur. C'est ce que Félix Akoto Yao refuse.
A un moment donné j'avais été nommé délégué départemental du Pdci-Rda pour m'empêcher de m'exprimer. Ce fut une erreur de connaissance de l'homme que je suis. Car le sens de mon combat, n'est pas pour être nommé à un poste. Pour rappel, à la réunion des délégués départementaux du Pdci-Rda du 08 septembre 2004 à laquelle j'avais participé et j'en suis sorti déçu. Parce que dans ma compréhension de la gestion de nos partis politiques, l'on doit éviter autant que faire se peut de ne faire que les éloges du président du parti. Encore qu'avant d'être président de parti, ce dernier est d'abord simple militant comme vous et moi. En tout état de cause, il doit être traité comme tel. Par ailleurs, je suis fondamentalement attaché à la démocratie. Et dès que la démocratie est foulée au pied, je réagis. Je ne suis donc pas un indiscipliné mais je suis plutôt un incompris. Au-delà de la La Vérité, du Courage et de la Justice, vous voulez être président de la République de Côte d'Ivoire. La vérité, le courage et la justice ne nourrissent pas l'individu, actuellement. La Côte d'Ivoire sort d'une crise aiguë et il faut la reconstruire, quel est le projet de société autre que celui du Pdci-Rda que vous proposez et qui va réunir tous les Ivoiriens autour de vous ?
Ma trilogie Vérité, Courage et Justice constitue en eux un projet de société. Parce que ce sont les nouvelles valeurs que j'attends inculquer aux Ivoiriens. Au moment opportun, nous allons publier les grands axes de notre stratégie de développement pour la Côte d'Ivoire. Mais pour l'heure ce qu'il importe de retenir c'est que nous n'allons pas nous lancer dans la surenchère politique du type le cacao sera acheté à 4 000 Fcfa le kg. Nous combattrons de manière très vigoureuse un certain nombre de maux qui minent actuellement notre société comme la corruption, le népotisme afin de faire la promotion du mérite sans considération aucune de l'appartenance régionale, religieuse et politique. J'invite simplement les Ivoiriens à me juger par rapport à mon passé, à mon présent et de me projeter dans le futur. Je le dis et avec foi, si vous avez été en mesure de nourrir une famille de 10 personnes avec 10 000 Fcfa, c'est que si l'on vous donne 1 000 000 Fcfa, vous pourriez être en mesure de vous occuper d'autant de personnes. Nous voulons un changement profond et en profondeur aussi bien au niveau des mentalités, que du choix des hommes et des méthodes de gestion. Et ce défi, Félix Akoto Yao est prêt à le relever afin d'apporter une paix durable aux Ivoiriens. Nous restons persuadés que les Ivoiriens ont besoin de changement. Car l'on ne peut pas faire du neuf avec du vieux. Les Ivoiriens ont deux alternatives : Ou bien ils sont satisfaits de ce qui leur a été servi depuis le décès du président Félix Houphouet-Boigny, et qui nous a conduit à la crise, en ce moment ils voteront l'un de ceux qui ont défiguré le pays, ou bien ils opèrent un véritable changement en votant pour une personnalité autre que les mêmes.
N'oubliez pas que la démocratie permet à tout individu de se présenter. Et il appartiendra au peuple de faire un choix. C'est pourquoi, je suis contre les copinages à l'intérieur des partis politiques qui tendent à étouffer des compétences nouvelles.
Nous sommes déjà sur le terrain sans fonctionner dans le cadre d'un parti politique. Nous avons fait une analyse des dernières élections en Côte d'Ivoire et nous sommes arrivés à cette conclusion que tous les partis politiques qui existent en ce moment fonctionnent sur une base ethnique et régionale.
Pour les élections municipales et des conseils généraux les résultats sont hallucinants.Tous les élus du Nord sont des élus Rdr à l'exception de la Commune de Kouto pour les municipales. Au Centre, vous n'avez que des élus du Pdci-Rda, à l'Ouest, c'est l'Udpci qui se taille la part du lion et que dire du Centre -Ouest où le FPI règne en maître absolu. Quels sont donc ces partis politiques qui ne s'appuient que sur l'ethnie et la région?
Comme beaucoup d'Ivoiriens, nous restons convaincus que les partis politiques dans leur état actuel ne peuvent pas garantir à notre pays une paix durable. D'où la nécessité du changement. Il nous appartient à nous cinquantenaire de prendre nos responsabilités afin de sauver la Côte d'Ivoire du naufrage.
Il y a encore quelques années, l'Afrique était au même niveau de développement que des pays comme l'Inde, la Chine, le Japon. Ces pays ont su faire leur introspection pour aller chercher la connaissance nécessaire à leur développement. Ne sont pas les Indiens qui ravitaillent le parc-auto de la Sotra (Société des transports abidjanais) en bus TATA ? J'ai honte de cet état de fait et je voudrais pouvoir relever ce défi qui va même au-delà des frontières de la Côte d'Ivoire. Après le bombardement d'Hiroshima et de Nagasaki, le Japon est-il resté à se morfondre ? Non. Cela devrait interpeller plus d'un Ivoirien. Si nous restons dans le schéma classique qui consiste à dire, cela ne fait rien ou c'est le grand frère, nos pays continueront d'avancer dans le sens contraire des aiguilles d'une montre. Nous devons tous êtes courageux pour bousculer les choses. Car le développement n'est pas statique mais plutôt dynamique. Nos aînés ont rempli leur contrat, il faut que nous puissions les arrêter à temps avant qu'on n'aille pas une seconde fois dans le mur. La génération des cinquantenaires doit servir de génération-tampon entre nos aînés et les plus jeunes qui sortent chaque jour des universités.
Pour être candidat à une élection présidentielle, il faut un projet de société et c'est autour de celui-ci que l'on peut orienter ses collaborateurs et ses électeurs. Mais Monsieur Félix Akoto Yao qu'elle est votre projet de société ? Comment allez-vous articuler votre campagne ?
Ce serait une méprise de penser que nous n'avons pas de projet de société. Pour votre information, nous tenons à rappeler que le conseil général du département de Sakassou que j'ai l'insigne honneur de diriger, a été le premier de tous les conseils généraux à avoir sorti un document de stratégie de développement que nous avons intitulé les réalités et les perspectives de développement qui n'est rien d'autre qu'un projet de société à une dimension réduite. La seule chose que nous nous refusons de faire c'est de tomber dans le folklore de tous les jours qui consiste à servir les promesses irréalistes et superflues aux Ivoiriens. Sinon, nous avons un projet de société.



Source : afrikmedia.com

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