jeudi 21 juin 2007 par L'intelligent d'Abidjan

En écoutant Jean Jacques Béchio avant-hier, et d'autres avant lui ; en observant tant de palinodies dans la classe politique, on se dit que finalement ceux et celles qui la composent offrent plus d'une analogie avec la jeunesse, parce que celle-ci est réputée pour répudier facilement ce qu'elle admirait, dédaignant le samedi, ses émois du mardi. Ici comparaison est raison, mais ni déraison, et moins encore dérision ! " Je montrerai à certains d'où ils viennent ", a menacé le célèbre ancien ministre de la fonction publique. Traduction : certains ne viennent pas d'ici, de chez nous. Sinon cela servirait à quoi de l'agiter comme un chiffon rouge ? Or donc le sieur Béchio savait des choses et il " s'est assis dessus " comme diraient les Abidjanais dans leur langage trivial. En prêtant l'oreille aux déclarations de l'ancien exilé dakarois, nombreuses ont certainement été les personnes dont le rire s'est étranglé dans le gosier. Mais plus nombreuses, celles aussi dont la mine a été subitement défaite, face à la gravité de tels propos. Cela dit, la conférence de presse de Béchio a surtout été organisée pour annoncer le départ du concerné, du Rassemblement des Républicains, quelques jours seulement après Fofana Zémogo, Kouamé oi Kouamé, et en attendant Ali Kéita, Georges Coffi, et bien d'autres qui ont fait les beaux jours de ce parti. Ceux qui avaient pensé qu'au RDR, il n'y avait pas de plis à la nappe, en sont pour leurs frais. Le Rassemblement des républicains que l'on croyait si soudé autour de son mentor, s'était en réalité retranché derrière des barbelés dérisoires qui, aujourd'hui, n'empêchent aucune sortie. Faut-il voir dans l'évolution actuelle des choses, l'émergence lente d'une groupuscularisation des forces vives qui ont longtemps composé ce parti sorti du ventre du PDCI ? N'est-il pas en train de fondre comme une glace qui aurait été trop longtemps conservée dans une cuisine étouffante ? Possible ! Alors, sa géographie, s'en trouverait complètement bouleversée, et en explorant les gouffres qui se cachent dans ses replis, que ne verrons-nous ? Que n'entendrons-nous ? Jean Jacques Béchio vient de nous en donner un avant goût. Et pourtant, le mentor, pour coller à sa réputation de " bravetchè ", n'en fait visiblement pas une maladie ; depuis les Etats-Unis, il semble minimiser l'ampleur des secousses annonciatrices du séisme qui guette le RDR : " Vous savez, ce sont des épiphénomènes. La preuve, je suis ici, je ne me préoccupe pas de ce qui se passe au niveau de certaines volontés ", aurait-il avoué à l'Aéroport international Dullus de Washington DC., devant des militants venus l'accueillir.
Pendant ce temps sur place à Abidjan, certains cadres qui lui restent encore fidèles, prépareraient la riposte appropriée, et menacent eux aussi de prendre leurs responsabilités. " Ce ne sont que quatre personnes qui s'agitent et on a l'impression que le Rdr ne se limite qu'à eux. Nous voici. Autant que nous sommes, avocats, docteurs, professeurs.Nous sommes tous quantitativement et qualitativement militants du Rdr. Est-ce que nous brochons ? () Si d'aventure ces militants essuie-glace et mercenaires mettaient à exécution leur funeste dessein, le Cercle Libéral prendra ses responsabilités historiques vis-à-vis d'eux. Le devoir de mémoire pour nos martyrs l'impose ", déclaraient il y a deux jours, les animateurs du Cercle Libéral, une cellule de réflexion et de promotion de la démocratie au sein du RDR. Comme on le voit, le décor est planté pour une bataille rangée entre les camarades d'hier. Mais pourquoi cette valse de départs ? A la vérité, ces défections et retournements soyeux de vestes ne sont ni du théâtre, ni un coup de théâtre. La situation est très sérieuse, du moins c'est ce que laisse apparaître le check-up du RDR. Les partants ont tous beaucoup de ressentiments à l'égard de la direction du parti. Il lui est reproché de ne pas avoir une lisibilité claire dans le jeu politique qui se déroule, et donc de traîner une myopie qui ne lui permet pas de voir que les militants sont tous tétanisés par l'anachronisme des schémas, le nombrilisme, et surtout le culte de la personnalité érigé en système de gestion. Outre le pilotage à vue qui caractériserait le RDR, les dissidents, parfois avec beaucoup de pudeur, ne manquent pas de stigmatiser les promotions politiques faites non pas sur la base du mérite des uns et des autres, mais uniquement au profit du premier cercle de serveurs de thé. Dans ces conditions, l'argument qui consiste à faire admettre que les mécontents partent parce que séduits par le brillant de l'argent frais sorti des caisses de la présidence, revêt un caractère spécieux. Sinon on objecterait qu'au RDR, personne, pas même les cadres, n'a adhéré par conviction politique ; que le parti n'a pas d'idéologie, de ligne politique claire. On apporterait de l'eau au moulin de ceux qui avancent que ce parti n'est guère qu'un club d'amis, une camarilla sans plus, organisée autour d'Alassane Dramane Ouattara. Parce que l'idéologie vraie et sérieuse est ce ciment qui ne s'effrite pas aussi facilement pour laisser des lézardes à travers lesquelles l'ennemi peut entrer dans la case pour déstabiliser la famille. A moins qu'on veuille nous dire que cet ennemi est redoutable, et invincible. Au demeurant, si les dissidents n'avaient aucun projet politique digne de ce nom, s'ils avaient été réellement achetés, pourquoi seraient-ils sortis maintenant de la case. Pour le compte de ce nouvel " acheteur ", ne se seraient-ils pas cachés à l'intérieur, et comme des fourmis, ne l'auraient-ils pas sabotée jusqu'à ce qu'elle s'écroule définitivement. En clair, les Zémogo, Kouamé oi Kouamé, Béchio, Ali Kéita et Georges Coffi, auraient pu continuer à porter leur masque pour ne le jeter que la veille de la prochaine présidentielle, afin de rendre toute parade impossible.
S'ils sortent maintenant, il est plus plausible que ce soit pour se donner et le temps et la capacité de s'organiser en une formation politique ambitieuse qui voudrait avoir pignon sur rue, compter sur l'échiquier politique nationale. Que cette formation politique en gestation soit destinée à devenir un parti satellite du FPI, cela ne saurait émouvoir un observateur attentif de la scène politique ivoirienne. Ce seront justement les retrouvailles entre d'anciens camarades du Front républicain. Nous avons tant désiré la paix et sommes si heureux de la voir poindre à l'horizon, que nous serions bien fondés à nous inquiéter de ce feu qui s'attise au RDR, dans la " case " des autres. Car suffit-il d'une étincelle pour que celle du voisin également se consume, et de fil en aiguille, tout le village pourrait subir les affres des flammes. Laurent Gbagbo, qui le sait bien et qui rappelait cette vérité tout récemment à Yamoussoukro, serait malvenu de jouer les pyromanes, même s'il ne bouderait pas son plaisir de savoir que l'un de ses adversaires qu'on dit sérieux, est groggy avant le coup d'envoi du jeu électoral.

Jacques MIAN

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