mercredi 20 juin 2007 par Le Matin d'Abidjan

Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens a lancé une campagne de lutte contre les médicaments de la rue. A mi-parcours de cette campagne , le président de cette structure a bien voulu évoquer avec nous, l'intérêt d'une telle action.

Le 28 mai dernier, à l'occasion de la journée internationale de lutte contre les médicaments de la rue, vous avez lancé une campagne contre ce phénomène. Pourquoi une telle campagne ?
Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez pour faire le point de cette campagne. Une campagne pour alerter l'opinion, sensibiliser, informer afin que, nul ne l'ignore. La problématique des médicaments de la rue connaît un développement continu et inquiétant avec des répercussions dommageables pour la santé publique, sur l'économie du pays et sur la sécurité. Il était donc opportun que tous ces éléments soient mis en exergue pour être portés à l'attention de tout le monde afin que les mesures qui s'imposent soient prises.

A quel stade êtes-vous ?
Il y a 2 semaines que la campagne a été lancée. Elle se déroule normalement. Des affiches ont été distribuées dans les pharmacies et dans certains établissements sanitaires pour que l'information soit portée au public. La dernière touche va concerner la confection des spots télévisés pour porter les messages de sensibilisation sur les antennes télévisées très bientôt.

Comment cette campagne est accueillie par les populations et la communauté des pharmaciens ?
La population est sensible aux messages. Il n'y a pas grand monde qui ne soit pas conscient de ce que les médicaments de la rue sont néfastes pour la santé. Cela constitue une grande satisfaction pour nous. Les personnes qui continuent d'utiliser les médicaments de la rue savent qu'elles sont exposées à des dangers. Nous sommes certains qu'à un second stade de leur comportement, elles vont arrêter lorsqu'elles comprendront que des médicaments de qualité se trouvent dans les officines en fonction de leurs moyens.

Les personnes qui recourent à la rue évoquent souvent la cherté des médicaments vendus en officines légales.
Ces personnes continuent de se diriger dans la rue parce qu'elles ne savent pas qu'il y a des solutions qui ont été mises en place au niveau des pharmacies, en terme de coûts réduits avec les génériques, en terme de vente en détail avec la politique de positionnement et en terme de souplesse avec la politique de substitution. Les pharmaciens ont compris aussi notre message. Ils sont véritablement les acteurs de santé publique. Nous devons de plus en plus valoriser l'acte pharmaceutique pour faire la différence avec la rue en mettant nos compétences en avant. Je suis heureux de vous dire qu'aujourd'hui dans les pharmacies, à 90%, on trouve un pharmacien au comptoir qui remplit l'élément technique qui est de dispenser des médicaments en les accompagnant des conseils et des précautions d'utilisation.

Parmi les fournisseurs des vendeurs de médicaments de la rue, se trouvent des pharmaciens, est-ce que votre campagne prend en compte cet aspect ?
Effectivement, il existe des ''brébis galeuses'' dans notre corporation. Et nous n'avons jamais eu à le cacher. Avec beaucoup d'humilité, nous avons reconnu qu'il existe des pharmaciens qui s'adonnent à ce jeu dangereux. A ce sujet, nous voulons indiquer que les pharmaciens ne sont pas une race à part à l'instar de la société. Notre corporation comporte des pharmaciens véreux et ce n'est pas une fatalité. Nous allons en guerre contre tous ceux-là. Nous avons pris nos responsabilités. Ceux qui ont été identifiés avec des preuves ont été traduits devant les instances judiciaires et des sanctions ont été prises. C'est du domaine judiciaire, souffrez donc que je ne vous en dise pas plus. Retenez que nous faisons la police en notre sein. Je tiens à préciser que les pharmaciens ne sont pas les seuls fautifs. Il existe des contrebandiers et des importations frauduleuses de pharmaciens et une mafia internationale. C'est tout ce secteur que nous voulons combattre et nous avons besoin de l'appui résolu des autorités politiques détentrices du pouvoir régalien de répression.

Les locaux du siège du conseil national de l'ordre ont été cambriolés récemment. Qu'en est-il exactement des préjudices subis ?
En réalité, il ne s'agit pas d'un simple cambriolage. C'était une tentative d'atteinte à mon intégrité physique. Puisque le commando qui s'est présenté au siège du conseil de l'ordre a demandé à voir le président de cette institution qui a été nommément. Toutes les personnes qui ont été molestées ont été confondues à ma personne. Les indices sont donc clairs, ce commando était venu pour attenter à mon intégrité physique. A la suite du constat de mon absence sur les lieux, les bandits ont entrepris de cambrioler les locaux pour cacher leur véritable intention. Ils ont emporté 700 000 fcfa et dépouillé toutes les personnes présentes sur les lieux de leurs téléphones portables, bijoux et argent.

Est-ce à dire que votre action dérange?
Il est certain que notre action dérange. Cela nous conforte car nous nous rendons compte que nous sommes en train de toucher notre but puisque la mafia de ce secteur réagit. Il faut qu'ils comprennent que ce n'est pas en éliminant une personne qu'ils pourront mettre fin à notre combat. C'est une action de l'ensemble de la profession, de l'ensemble des agents de santé pour dire non à cette situation qui porte une atteinte dramatique et grave à la santé publique, à l'économie et à la sécurité nationale.

N'avez-vous pas peur pour votre vie puisque vous n'allez pas vous arrêter en si bon chemin ?
J'ai peur et je prends des précautions. La peur est une réaction humaine. Mais ce n'est pas une peur paralysante qui va nous amener à renoncer à nos objectifs. Je suis sûr que les personnes qui nous attaquent, comprennent le bien-fondé de notre action.

Qu'attendez-vous de l'Etat, de vos collègues pharmaciens et de la population pour la réussite de cette campagne ?
Nous attendons que la population prenne véritablement conscience de ce que les médicaments de la rue font plus de mal que de bien. Un médicament ne reste qu'un médicament que lorsqu'il est bien conservé et bien utilisé. Un médicament est aussi et peut devenir un poison. La frontière entre le médicament et le poison est très mince. On peut basculer de l'un à l'autre parce qu'on a mal utilisé le produit. A l'endroit des autorités, je dirai que laisser prospérer ce secteur peut être source supplémentaire de morbidité et de mortalité alors que le pays souffre déjà d'une grande prévalence de maladies endémiques. Il ne faudrait pas contribuer à en rajouter aux facteurs de mauvaise santé. Aux pharmaciens, nous demandons d'exercer leur profession dans les règles en agissant chaque jour dans les officines avec compétence et disponibilité pour faire la différence avec la rue. En créant la compétitivité par l'information au comptoir en fonction de toutes les dispositions prises pour faire face à la demande spécifique qui pousse les populations à aller dans la rue. C'est de cette manière que nous arriverons à aider la population à accéder au bon médicament.

Réalisée par
JOSIANE BADET
Col : CAROL OFFI

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023