mercredi 20 juin 2007 par Le Matin d'Abidjan

Le Socialyste Guy Labertit, responsable du département Afrique de la fondation Jean Jaurès, fait le point de l'application de l'accord de Ouaga. Des résultats prometteurs, selon le Français qui connait bien le dossier ivoirien.

Suite à la proposition de dialogue direct lancée le 19 décembre 2006 par le Président de la Côte d'Ivoire Laurent Gbagbo et au terme de près d'un mois de négociations (du 5 février au 3 mars 2007), un accord politique a été signé le 4 mars à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, par le chef de l'Etat ivoirien et le secrétaire général des Forces nouvelles (ex rébellion armée) Guillaume Soro, sous l'égide du Président burkinabé, Blaise Compaoré, Président en exercice de la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)...Cet accord a reçu l'aval du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine qui a transmis ses conclusions au Conseil de sécurité de l'ONU. Celui-ci, réuni le 15 mars, avait auparavant souligné que " l'accord de Ouagadougou est une bonne base pour le règlement de la crise ivoirienne ". Même si les partis signataires de Ouagadougou ont réitéré leur attachement aux résolutions de l'ONU, la 1721 est caduque de fait et une nouvelle résolution doit être prise avant le 30 juin concernant notamment le mandat des forces de l'ONUCI.

1°) L'APPLICATION DE L'ACCORD DE OUAGADOUGOU

Au bout de trois mois, qu'en est-il de l'application de cet accord de Ouagadougou?
Au plan militaire, par décret du 16 mars 2007, a été créé le Centre de commandement intégré (CCI), chargé d'unifier les forces combattantes en présence et de mettre en ?uvre les mesures de restructuration des Forces de défense et de Sécurité de Côte d'Ivoire. Le CCI doit mettre en ?uvre le Programme national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion sous la supervision des Forces impartiales, la sécurisation des audiences foraines, des opérations d'identification ainsi que la sécurité du processus électoral. Le général Philippe Mangou est le chef d'Etat-major des FANCI, le général Soumaïla Bakayoko étant celui des Forces nouvelles contrôlant les dix zones du Nord (environ 2000 hommes aujourd'hui). Le chef de l'Etat, chef suprême des Armées, les a reçus ensemble le 7 mai. Des arriérés de primes, la question des grades sont à l'ordre du jour du dialogue entre le Président de la République et l'Armée. Au plan politique, le 4 avril, Guillaume Soro a été nommé Premier ministre par le Président Gbagbo, en remplacement de Charles Konan Banny, jusque-là à ce poste en application de résolutions de l'ONU. Formé le 7 avril, dans le délai de cinq semaines prévu par l'accord de Ouagadougou, le nouveau gouvernement compte 32 ministres. Onze appartiennent à la mouvance présidentielle, le FPI ayant notamment le seul ministère d'Etat (Paul Bohoun Bouabré au Plan et au Développement), le ministère de l'Intérieur et de l'Administration territoriale (Désiré Tagro qui à conduit le dialogue direct pour la mouvance présidentielle), celui de la Défense (Michel Amani N'Guessan). Outre le poste de Premier ministre, les Forces nouvelles ont sept portefeuilles dont ceux de la Justice (Mamadou Koné) et de la Communication (Ibrahim Sy Savané). Le PDCI de l'Ancien Président Henri Konan Bédié en a cinq dont celui des Affaires étrangères (Youssouf Bakayoko), comme le RDR de l'ancien Premier ministre Àlassane Ouattara à qui échoit celui de l'Agriculture (Amadou Gon Coulibaly). Le ministère de l'Economie et des Finances revient à l'ancien directeur du Trésor et ancien ministre délégué Charles Koffi Diby, issu de la société civile. Le gouvernement qui a tenu, le 2 mai, à Yamoussoukro, un séminaire de sortie de crise, se réunit régulièrement, parfois sous la présidence du Premier ministre (20 avril, 8 mai notamment) auquel le chef de l'Etat a délégué ses fonctions pour les Conseils traitant du fonctionnement du gouvernement. Une ordonnance a été prise le 12 avril par le Président de la République portant amnistie générale dans les conditions prévues par l'accord de Ouagadougou. Ainsi, 61 prisonniers militaires et civils ont été libérés le 7 juin. Ils avaient été condanmés pour les attaques de Gohitafla et Anyama.
Le 16 avril
, a commencé le démantèlement de la " zone de confiance ", bande de territoire de 600 kilomètres de long qui coupait depuis plus de quatre ans le pays en deux, le Sud contrôlé par les forces gouvernementales et le Nord par la rébellion armée des Forces nouvelles. Le déploiement de brigades mixtes (10 forces gouvernementales + 10 FN + 4 ONUCl) a commencé le 30 avril, à Bangolo dans l'Ouest. Un ensemble de postes d'observation le long " d'une ligne verte" va remplacer les " check points" des forces de l'ONUCI. Avec l'extension de cette mesure, s'amorcera le retrait des casques bleus de l'ONUCI (7 000 hommes), tandis que la Force française Licorne, sous mandat de l'ONU, a été ramenée de 3 500 à 3000 dès le mois de mars.(annonce faite le 22).
Le démantèlement de la zone de confiance
précède le redéploiement de l'administration sur l'ensemble du territoire ivoirien. Cela doit commencer par les préfets, les secrétaires généraux de préfecture et les sous-préfets, se poursuivre par la gendarmerie, puis les cadres de l'Education (8000 fonctionnaires) et de la Santé (2000). L'accord de Ouagadougou prévoit un délai de trois mois pour le faire, c'est à dire d'ici à la mi-juillet puisque le démantèlement de la "zone de confiance" a commencé le 16 avril. Lors de la réunion du Comité d'évaluation et d'accompagnement (CEA) tenue à Ouagadougou, le 11 mai, cet aspect a suscité un engagement clair du Président de la CEDEAO Blaise Compaoré qui se déclare attaché à l'intégrité territoriale de l'Etat ivoirien. Cela suppose d'ultimes mises au point avec certains commandants de zone des Forces nouvelles pour que préfets et sous-préfets soient effectivement en place le plus rapidement possible. Ainsi, pourront débuter les audiences foraines nécessaires pour compléter les listes électorales de 2000 qui doivent également être mises à jour par l'inscription des citoyens ayant atteint depuis 2000 la majorité de 18 ans. Le Premier ministre Guillaume Soro a annoncé, le 25 mai, lors de sa visite d'Etat au Burkina Faso, la reprise de ces audiences au cours du mois de juin. Le 5 juin, le chef de l'Etat a signé deux décrets portant sur le redéploiement de l'administration dans tout le pays; et dans le même temps, les Forces nouvelles libèrent les locaux des préfectures et sous-préfectures, comme à Korhogo par exemple. Ce n'est que lorsque ce redéploiement sera opéré que des dates pourront être fixées pour la tenue des élections générales. En matière de désarmement, les groupes d'auto-défense ou milices réunis au sein du Front de résistance du Grand Ouest (FRGO), conduits par Maho Glofiéi ont remis leurs armes. Un brasier symbolique a été organisé le 19 mai à Guiglo, dans l'Ouest du pays, en présence du chef de l'Etat. Le démantèlement de ces milices favorables au Président est un pas en avant dans l'application de l'accord de Ouagadougou. A partir du 7 juin, le CCI et les Forces de l'ONUCI consolident cette opération de démantèlement et de désarmement des milices dans les régions de Guiglo, Duékoué, Blolequin et Toulepleu. D'autres brasiers symboliques d'armes sont prévus procchainement, notamment à Bouaké le 30 juin. Le Programme national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (PNDDR) s'appuiera, notamment, sur la mise en place d'un service civique prévu par l'accord de Ouagadougou, incluant la formation à un métier civil pour les ex-combattants ou miliciens non intégrés dans la future armée. Le général Ouassenan Koné, ancien ministre de la Sécurité au temps d'Houphouet-Boigny, a été déchargé de ses fonctions de coordonnateur du PNDDR par décret du 29 mai du chef de l'Etat, les prérogatives du PNDDR incombant désormais au Centre de commandement intégré (CCI). Le Premier ministre G. Soro a reçu le 5 juin le CCI et le ministre de la Défense pour faire le point sur le traitement du volet militaire de l'accord de Ouagadougou.
Le cadre permanent
de concertation (CPC), chargé de surveiller l'application de l'accord se réunira pour la première fois le 12 juin dans la capitale ivoirienne Yamoussoukro. Ce sera la première visite de Blaise Compaoré en Côte d'Ivoire depuis l'échec du coup d'Etat de septembre 2002 à l'origine de la crise. Outre les chefs d'Etat de Côte d'Ivoire et du Burkina Faso, Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré, et le Premier ministre ivoirien, Guillaume Soro, le CPC intègre les dirigeants de l'opposition Henri Konan Bédié pour le PDCI et Alassane Ouattara pour le RDR
Une mission technique d'évaluation du processus de sortie de crise, envoyée par l'ONU, est attendue à Abidjan le 18 juin, avant la discussion d'une nouvelle résolution du Conseil de sécurité endossant l'accord de Ouagadougou. Contrairement à ce qui a été avancé par certains médias, notamment Libération en France, la mission de certification de l'ONU n'a pas été remise en cause par le chef de l'Etat ivoirien. Cependant, M. Stoudman, chargé par l'ONU de superviser les élections, a été rappelé, sans doute définitivement, à New- York. Pour l'heure, c'est toujours le Tchadien Abou Moussa, l'adjoint de Pierre Schori, lui aussi relevé à la mi-février, qui représente le secrétaire général de l'ONU en Côte d'Ivoire. De source diplomatique, son successeur sera également chargé de la question des élections à travers une délégation.

2°) LE CONTEXTE ECONOMIQUE
Une mission conjointe FMI/Banque mondiale s'est rendue à Abidjan du 2 au 18 mai en vue de la conclusion d'un Programme d'assistance d'urgence post-conflit. L'issue de cette mission a été positive. Selon le directeur Afrique du FMI, présent à Abidjan le 28 mai, un programme d'un volume de 400 millions de dollars (195 milliards FCFA) pourrait être alloué à la Côte d'Ivoire, abondé par le FMI, la Banque mondiale et l'Union européenne. Ce programme doit permettre à la Côte d'Ivoire de recevoir des engagements financiers de la BM pour la reconstruction du pays et enclencher un processus de réduction de sa dette (PPTE). Le dossier Côte d'Ivoire est à l'ordre du jour du Conseil d'administration du FMI de la fin juillet. La BM avait suspendu ses décaissements depuis la mi-novembre 2004 en raison du non-paiement d'arriérés de dette. La dette extérieure de la Côte d'Ivoire reste énorme et son service annuel de 400 milliards FCFA grève lourdement un budget établi en 2007 à 1904 milliards (en baisse de 3 % par rapport à 2006). Malgré la crise politico-militaire engagée en septembre 2002, la Côte d'Ivoire a connu, selon les chiffres officiels, une croissance positive depuis 2005 (1,8 % et 1,2 % en 2006). Cela signifie cependant un accroissement de la pauvreté au regard de la croissance démographique. Le Premier ministre Guillaume Soro a conduit au début du mois de mai une mission en Tunisie auprès de la Banque Africaine de développement (BAD) pour initier les démarches nécessaires au retour de la BAD à son siège en Côte d'Ivoire dans les meilleurs délais. Elles ont été poursuivies par le ministre d'Etat Paul Antoine Bouabré à l'occasion des Assemblées annuelles des Conseils des gouverneurs du groupe de la BAD qui se sont tenues à Shangaï les 16 et 17 mai. Le retour de la BAD à Abidjan pourrait être une réalité dans le courant de l'année 2008 si le processus de sortie de crise connaît une issue positive. Les douanes ivoiriennes, totalement informatisées, ont été jugées performantes, surtout dans la dimension des opérations commerciales, par un attaché de l'Organisation mondiale des douanes, à l'issue d'une mission de quinze jours à la fin avril. Les recettes annuelles, aujourd'hui de l'ordre de 700 milliards FCFA, permettent de payer les salaires des fonctionnaires et des militaires. L'administration douanière doit porter ses efforts sur les services de surveillance à redéployer sur le territoire national et sur la correction de dysfonctionnements se traduisant par des ventes informelles de cacao au Ghana et au Burkina Faso.
je Le port autonome d'Abidjan,
qui réalise 85 % des recettes douanières nationales et représente 90 % des échanges extérieurs du pays, a vu son trafic légèrement augmenter en 2006 (+ 1 %). Après une baisse sensible en 2002/2003. Avec aujourd'hui 18,85 millions de tonnes de trafic annuel, Abidjan, avec 35 000 emplois dont 4 500 dockers, reste, après Durban, en Afrique du Sud, le deuxième port du continent africain. L'image du port a été écornée par l'affaire de trafic de déchets toxiques en août 2006. Un protocole d'accord a été signé, le 13 février 2007, entre l'Etat ivoirien et la compagnie Trafigura qui lui verse 100 milliards FCFA (indemnisation des victimes, dépollution, restitution de l'environnement) contre le renoncement à toute poursuite (ce renoncement concerne l'Etat et non les victimes). 95 des 100 milliards ont été versés. Les 5 milliards restants seront consacrés au traitement des ordures ménagères. Le ministre de la Ville de l'actuel gouvernement a pour première tâche la salubrité de la ville.
La filière café-cacao,
dont la libéralisation continue de poser bien des problèmes, fait toujours vivre, directement ou indirectement, 6 millions de personnes à travers 600 000 exploitations environ. La Côte d'Ivoire reste le premier producteur mondial de cacao. Les productions de café (estimée à 115 000 T en 2006/07) et de cacao (estimée à 1,3 millions de T.), dont la tendance des cours est à la hausse, n'ont pas véritablement souffert de la crise politico-militaire, à la différence du coton (autour de 250000 tonnes) exploité dans le nord du pays. Nouveauté dans le tableau économique de la Côte d'Ivoire, la production de pétrole (2 millions de T.), de gaz, et plus modestement la production d'or (1,6 T), marquent un certain dynamisme du secteur minier. Aucune statistique sur la production de diamant dans la région de Séguéla au nord du pays. La crise politico-militaire a surtout frappé les activités du secteur secondaire (industrie agroalimentaire, textile) en net retrait depuis la fin 2004, et plus encore le secteur tertiaire dont toutes les branches étaient en recul en 2005. On note une légère reprise même dans les secteurs qui ont été les plus atteints et le retour de petits entrepreneurs, français notamment, sont une réalité.

3°) LE CLIMAT POLITIQUE A L'INTÉRIEUR DU PAYS
La proposition de dialogue direct par le Président Gbagbo et la signature de l'accord de Ouagadougou ont été accueillies avec beaucoup de scepticisme, notamment dans les medias occidentaux. Trois mois après la signature de l'accord, force est de reconnaître qu'il existe une vraie volonté politique, tant au sein de la mouvance présidentielle que des Forces nouvelles, d'aboutir au terme d'un processus qui doit se conclure par des élections générales dans un pays réunifié et en paix. La rencontre, le 10 mai, entre la direction du Front populaire ivoirien (FPI), conduite par son Président Pascal Affi N'Guessan, ancien Premier ministre, et celle des Forces nouvelles conduite par Louis Dacoury- Tabley, ancien haut responsable du FPI passé à la rébellion, est le symbole d'une réelle décrispation. Tout comme l'engagement du mouvement patriotique, sous la houlette de Charles Blé Goudé, nommé avec le dirigeant des FN Sidiki Konaté, ambassadeurs de la paix après le développement pendant plusieurs semaines d'une caravane de la paix dans la zone gouvernementale. Dirigeant le COJEP (Congrès de la jeunesse panafricain), C. Blé Goudé, qui a fédéré toute la mouvance patriotique, à l'exception du groupe d'Eugène Djué, dépité de voir son cadet le supplanter par son charisme et un réel sens politique, se rend le 9 juin à Bouaké, ancienne capitale de la rébellion, puis à Korhogo le 10 juin. Autre symbole de la décrispation, le match Côte d'Ivoire/Madagascar, qualificatif pour la Coupe d'Afrique de football 2008, s'est joué, le 3 juin, à Bouaké. La seule réserve dans ce climat unitaire vient du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), animé par Hemi Konan Bédié (PDCI) et Alassane Ouattara (RDR). Bien qu'étant membres du Cadre permanent de concertation (CPC), ils se trouvent marginalisés dans l'actuel processus politique. Déjà en perte de vitesse, à l'image des sondages réalisés par l'ONUCI en 2006 qui leur donnaient respectivement 7 % et 9 % d'intentions de vote contre 39, 5 % au Président Gbagbo, ils connaissent des dissensions au sein de leur parti respectif. Le G7 qui fondait l'alliance de l'opposition au chef de l'Etat se réduit désormais au RHDP, les Forces nouvelles ne voulant plus siéger avec ces derniers. Par ailleurs, le sergent-chef, Ibrahim Coulibaly, dit IB, l'acteur principal des coups d'Etat depuis décembre 1999, se trouve au Bénin depuis bientôt deux ans. Devenu l'ennemi juré de Guillaume Soro, en rupture avec Blaise Compaoré, il s'était rapproché du Président Gbagbo en juillet 2005. Faute de franchir le pas à cette époque, il se trouve aujourd'hui marginalisé. Malgré la capacité de nuisance de certains acteurs, la tendance lourde à l'intérieur du pays est à la paix et à la réconciliation en vue de l'organisation des élections. Ce climat interne pèse de façon positive sur l'ambiance qui domine au sein de la communauté internationale.

4°) L'ÉVOLUTION DES RAPPORTS DIPLOMATIQUES
L'accord de Ouagadougou a été officiellement salué par la CEDEAO, dont le Président en exercice a été le parrain, et par le Conseil de Paix et de sécurité de l'Union africaine qui a transmis son appréciation positive au Conseil de sécurité de l'ONU. Le Conseil, qui a estimé que l'accord était une bonne base de départ pour sortir de la crise, va élaborer une nouvelle résolution avant le 30 juin, la 1721 était caduque de fait, même si les signataires de Ouagadougou ont bien voulu considérer que leur accord ne la remettait pas en cause. La nomination de Guillaume Soro au poste de Premier ministre par le chef d'Etat ivoirien, en lieu et place de Charles Konan Banny confirmé dans cette fonction par la résolution 1721, la mise en sommeil du Groupe de travail international qui s'est réuni pour la quatorzième fois le 13 avril sans fixer la date de sa prochaine réunion en sont les signes évidents. L'issue favorable de la mission à Abidjan des institutions financières internationales, FMI et Banque mondiale, en mai, et le traitement du cas ivoirien au conseil d'administration du FMI de la fin juillet prochain ouvrent la voie à une reprise de relations normales avec les bailleurs de fonds. Depuis plusieurs années, l'Etat ivoirien a pu fonctionner sur les seules ressources du pays malgré la crise ouverte politico-militaire. Les démarches positives sur la question du retour de la BAD à son siège d'Abidjan sont le reflet d'un climat apaisé.
La France, " puissance intéressée "
, qui a réduit sa Force militaire Licorne à 3000 hommes dès mars, a salué cet accord, faisant visiblement contre mauvaise fortune bon c?ur. Madame Girardin qui ne manquait pas une réunion du GTI, évitant jusqu'à janvier 2007 toute rencontre avec le chef d'Etat ivoirien malgré une douzaine de visites à Abidjan, n'a pas jugé utile de se rendre à sa dernière réunion d'avril. Le départ, au terme de son second mandat, du Président Jacques Chirac dont les rapports étaient exécrables avec son homologue ivoirien (dernier contact téléphonique le 3 novembre 2004), participe à l'ambiance de décrispation. Avant l'investiture de Nicolas Sarkozy, Philippe Etienne, alors directeur de la DGCID et aujourd'hui directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, s'est rendu en mai à Abidjan. Il y avait envisagé la reprise de la coopération bilatérale et la reconstruction des écoles et lycée français détruits en novembre 2004. Sur place, la représentation française a pris des mesures qui témoignent de sa confiance dans la bonne marche du processus engagé. Certains observateurs mettent en avant les relations d'amitié entre le nouveau chef de l'Etat français Nicolas Sarkozy et l'opposant Alassane Ouattara, amitié partagée avec Martin Bouygues et Vincent Bolloré. En réalité, depuis l'élection du Président Gbagbo en octobre 2000, le groupe Bouygues a renégocié de façon équitable sa concession sur l'électricité en 2005 et Bolloré a renforcé ses positions au port d'Abidjan. La suspension du projet de troisième pont d'Abidjan dont la construction devait échoir au groupe Bouygues n'est pas le résultat d'une volonté politique ivoirienne, mais celui du retrait de la BAD de la table des bailleurs. Les autorités françaises n'ont aucun intérêt, ni politique, ni économique, à nuire à la bonne marche vers une sortie de crise en Côte d'Ivoire. En conclusion, on peut souligner l'affirmation de plus en plus claire d'une volonté politique de retour à la paix de la part des anciens belligérants. Les objectifs politiques de l'ancien Président Bédié et de l'ancien Premier ministre Ouattara demeurent, mais les citoyens vivant en Côte d'Ivoire aspirent si fort à la paix que toute initiative perturbant le processus en cours a peu de chance de trouver un écho populaire.
Il n'existe pas de blocage
dans l'application de l'accord de Ouagadougou. Les retards parfois constatés par rapport au chrono gramme établi (redéploiement de l'administration et reprise des audiences foraines) sont en train d'être dépassés. Les mois de juin et de juillet sont une étape importante tant au plan intérieur qu'international. C'est dans cette période que, d'une part, va se concrétiser la réunification d'un pays coupé en deux depuis septembre 2002 et que, d'autre part, l'ONU, doit adopter une résolution intégrant cette nouvelle réalité et la volonté partagée par l'ensemble des acteurs ivoiriens d'aller à des élections générales.

Guy LABERTIT
Paris, 7 juin 2007

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