mercredi 20 juin 2007 par Nord-Sud

Depuis la guerre et la paupérisation générale et les remises en question qui s'en sont suivies, le dieu argent n'a jamais été autant adulé en Côte d'Ivoire.



Les temps sont mauvais au Rdr. Tous les jours depuis la démission en fanfare de M. Fofana Zemogo, des cadres de haut niveau annoncent leur départ ou n'hésitent pas à afficher leur rupture d'avec la direction de leur parti. Comme si Zemogo était le déclic que tous attendaient. Ceux qu'on appelle les dissidents, s'évertuent à brûler en public leurs dieux et leurs convictions d'antan. C'est le temps des remises en cause, prélude espérons-le, aux remises en question. Car, si l'on en croit les dernières confidences de la presse, l'on fuit la case verte de la rue Lepic comme si une épidémie de peste y sévissait. Zemogo Fofana, Aly Kéita, Jean-Jacques Bechio, Georges Coffi, Kouamé Oi Kouamé, Amidou Sylla, Bernard Behi, Elisabeth Jouhair Mobio, Odjé Tiakoré Joseph, Dembelé Adamasont annoncés comme partis ou partants. Si certains s'en vont avec retenue et courtoisie, d'autres par contre soulignent le divorce avec hargne et ranc?ur. Le Rdr n'est pas le seul parti dont l'embarcation tangue au milieu du gué. On apprend ainsi que depuis le 12 juin, M. Beugré Népri, président du conseil général de Jacqueville et membre du bureau politique du Pdci-Rda a rompu les amarres et a appareillé pour le port du Front populaire ivoirien. Avant lui d'autres personnalités illustres, comme Laurent Dona-Fologo, Timothée Ahoua N'Guetta, Emile Constant Bombet, Lamine Fadika se sont rapprochés de Laurent Gbagbo et du Fpi. A l'Udpci, le bureau politique soupçonne Noutoua Youdé Célestin, député de Bin Houyé, président du Conseil général de Danané, président du groupe parlementaire Udpci de vouloir le tromper avec le Fpi de Laurent Gbagbo. Il vient d'être placé sous le coup d'une procédure disciplinaire. Avant lui, Mmes Danièle Boni-Claverie, Tia Monné Bertine, MM. Oulé Tia et Eric Kaé Kplohourou ont déserté le parti aux couleurs de l'arc-en-ciel pour s'engager dans la voie de leur auto-affirmation. Ils se sont tous retrouvés à la tête de partis proches du Fpi ou de Laurent Gbagbo. Pourquoi le Fpi dont naguère l'on se moquait à cause du misérabilisme apparent de ses leaders fait-il autant envie aujourd'hui ? La réponse, c'est un membre du Cnrd qui nous la donne. Il s'appelle M'Bra N'Goran et dirige un conglomérat de 12 petits partis politiques regroupés au sein de ce qu'il appelle le Collectif des partis politiques pour la Mouvance présidentielle (Cpmp). En tant que membre du Cnrd il affirme ceci : Plusieurs fois l'on nous appelle pour nous dire que Gbagbo nous a envoyé de l'argent. Et à chaque fois c'est le groupe restreint (bâti atour de Simone Gbagbo, Ndlr) qui en bénéficie. Nous nous sentons lésés. L'anarchie règne au sein du Cnrd car il y a des personnes fictives qui émargent. J'assume ce que je dis. Les millions du Président n'arrivent pas dans les poches de tous les membres. Je suis totalement indigné dixit M. M'Bra dans les colonnes de Le Jour Plus? n°1128 du mardi 19 juin. L'argent serait donc à la base du désordre auquel l'on assiste au sein des formations politiques actuellement. Hier, un dirigeant du Front populaire ivoirien nous confiait sur le mode de la confidence - peut-être du dénigrement aussi- que tout le temps qu'a duré son exil dakarois, Jean Jacques Béchio a bénéficié d'une aide mensuelle de la présidence ivoirienne de trois millions de f CFA. Effarant quand on sait que l'exil a duré de 2002 à 2007. Si le Fpi utilise les fonds publics pour déstabiliser les formations politiques de l'opposition, ce serait une atteinte immense à l'idéal démocratique dont il s'était fait porteur à sa création. Imaginons un pays où le pouvoir achète à coups de millions de francs ses opposants pour les réduire au silence. Un pays où existe un billet de banque qui s'appelle le tais-toi à cause de sa capacité à museler les bouches les plus rétives. Depuis la guerre et la paupérisation générale et les remises en question qui s'en sont suivies, le dieu argent n'a jamais été autant adulé. Gbagbo a appris à en user avec dextérité. Si je savais qu'il était aussi facile d'acheter les hommes, je n'aurais jamais acheté autant d'armes disait-il avec ravissement. Aujourd'hui l'argent public nous ramène insidieusement à l'état de pays où, grâce à son matelas financier, le Chef peut dicter sa volonté toute-puissante à tout le monde, en étant sûr qu'il ne se trouvera personne pour le contredire. Cela s'appelle le parti unique. Cela s'appelle également la dictature. Gbagbo veut-il nous ramener au stade de parti unique pour étendre son hégémonie sur tout le pays, sans qu'il n'y ait personne à redire ? Les élites politiques, à qui nous avons confié la formulation de nos quêtes et de nos désirs, sont-elles si faibles et si vénales ? Est-ce vraiment l'argent (le ministre Cissé Bacongo avance le chiffre de 50 millions par dissident) qui provoque ce grand désordre au sein des partis ? Si avec son argent Gbagbo réussit à fracturer les partis politiques, il faut prédire à la Côte d'Ivoire un destin pire que ce qu'elle a connu ces dernières années. Personne en effet ne pourrait alors demander des comptes au clan au pouvoir. Qui pourrait alors se livrer à la pire forme de pillage de nos ressources, accentuant par le fait même les inégalités sociales. En comme chacun sait, les inégalités, en Afrique, font très souvent le lit des rebellions.





Touré Moussa

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