mercredi 20 juin 2007 par Notre Voie

Le président du PDCI-RDA et ancien chef d'Etat, Henri Konan Bédié, a accordé une interview à l'hebdomadaire panafricain Jeune Afrique dans laquelle il affirme être certain de gagner la prochaine présidentielle. Il dit fonder sa conviction sur son assise sociologique. Une analyse en net déphasage avec la réalité politique ivoirienne d'aujourd'hui.

Tout le monde sait que le FPI est un parti minoritaire en Côte d'Ivoire. Le PDCI, lui, est le plus grand parti de Côte d'Ivoire, de par ses résultats aux dernières élections. Après ce qui s'est passé, les gens veulent sortir le pays de la guerre et de la misère. Et surtout des violations continuelles des Droits de l'Homme. L'élection, c'est une question de crédibilité et d'expérience. Et puis, c'est une question sociologique?.
Telle est la réponse que le président du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié, a donnée au journaliste de Jeune Afrique qui lui demandait si le vieux parti avait des chances à la prochaine présidentielle face au président Laurent Gbagbo et à sa machine, le Front populaire ivoirien (FPI). En clair, pour le patron du vieux parti, non seulement le PDCI a montré, au terme des dernières élections, qu'il est le parti majoritaire en Côte d'Ivoire. Et qu'en plus, lui Bédié est sociologiquement majoritaire. Parce que les Akan, le grand groupe ethnique auquel il appartient, sont majoritaires. Cette façon de voir du président du PDCI est simplement décevante. D'abord parce qu'elle est la preuve qu'il ne voit la politique que par rapport aux ethnies et à l'origine sociologique des leaders des partis politiques. Mais, ensuite, parce que les propos du président du PDCI ne reflètent pas la réalité politique ivoirienne.
En effet, si on s'en tient à la dernière élection à laquelle tous les partis politiques ivoiriens les plus significatifs ont pris part, c'est-à-dire l'élection des conseils généraux, les résultats publiés par le ministère de l'Intérieur, hormis les résultats des listes d'union, donnent le FPI en tête avec 39,40% des voix contre 31,97% pour le PDCI et 21,77% pour le RDR et 4,16% pour l'UDPCI. C'est cela la vérité sortie des urnes. Sans compter que dans des départements comme Tabou et Toulepleu, ce sont des cadres du FPI allés en indépendants qui l'ont emporté. Et que des départements comme Duékoué et Sassandra où l'on sait le FPI majoritaire ont vu leurs résultats invalidés. Mais là n'est peut-être pas le débat.
Suivons donc et analysons le vote akan.
Quand on prend les Akan dans leur généralité, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a longtemps que les Attié et les Abbey ont tourné le dos au PDCI et à son chef. Dans le pays lagunaire, de façon générale, est plutôt en ballottage favorable. Reste donc véritablement le pays agni et le pays baoulé pour voir si les propos de Bédié sont fondés. En effet, dans son interview, M. Bédié affirme clairement que les gens du FPI font beaucoup d'efforts pour courtiser l'électorat akan, mais, à chaque passage, le chemin se referme sur eux?.
Les chiffres issus des urnes en 2002 ne peuvent pourtant pas justifier une telle analyse.
Pour ce qui est du pays agni, en 2002, le FPI faisait quasiment jeu égal avec le PDCI, malgré un léger avantage au parti de l'éléphant. C'est notamment le cas à Abengourou avec 41% pour le FPI contre 43% au PDCI ; Aboisso avec 44,52% au FPI contre 48% au PDCI ; Agnibilékrou, 30% pour le FPI contre 50,7% au PDCI. Dans des départements comme Tanda, le FPI a obtenu 29,48% contre 41% au PDCI. A Tiassalé, le FPI a eu 41,74% des voix contre 44,05% au PDCI.
Bédié a donc tort de dire que le chemin se referme sur les gens du FPI. En tout cas, pour ce qui est du pays agni, qui fait partie du pays akan.
Qu'en est-il alors du pays baoulé, si tant est que le président du PDCI parle des Baoulé. En 2002, à Dimbokro, le FPI a obtenu 21,52% des voix, 20,56% à Bocanda, 30,49% à M'Bahiakro, 16,58% à Sakassou, 19,74% à Toumodi et 14,35% à Yamoussokro. Depuis 2002, il est clair que beaucoup a coulé sous les ponts. Avec le début effectif du transfert de la capitale à Yamoussokro, l'électrification de nombreuses localités du Centre et la guerre dont les populations ont beaucoup souffert, on voit tous les jours les populations baoulé reconnaître les efforts du président Gbagbo. En témoignent les nombreux Paquinou? du chef de l'Etat en pays Baoulé qui drainent du monde. Peut-on, malgré cette réalité, affirmer que les chemins se referment sur le FPI en pays akan ? La réponse, au regard des chiffres de 2002, est bien évidemment négative. La vérité, c'est que le FPI, après le travail remarquable de sensibilisation et de mobilisation fait auprès des populations pendant la crise, peut valablement espérer une marge de progression de 10 à 15 points en pays akan.
Coupé des réalités du terrain, Bédié ne le sait pas. Il l'apprendra à ses dépens dans les urnes.

Guillaume T. Gbato

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