mardi 19 juin 2007 par Le Nouveau Réveil

Le Président Henri Konan Bédié, hier, dans JA l'Intelligent : Je n'ai pas peur de Gbagbo? La présidentielle n'aura pas lieu avant l'année prochaine, mais l'ancien chef de l'Etat est déjà candidat. Et sort de sa réserve pour dire ses vérités. Sur la sortie de crise, le tandem au pouvoir, les amis et les ennemis. Rien ni personne n'est oublié. Par tempérament ou calcul, Henri Konan Bédié parle rarement, et pas toujours comme un politicien roué. Mais comme un homme dont la vie de chef d'État a basculé avec le putsch du 24 décembre 1999. Depuis ce jour, plus rien n'a été comme avant. Tout a changé ; il a perdu le pouvoir, quitté son pays dans des conditions humiliantes, vécu vingt-deux longs mois d'exil à Paris, connu une remise en question de son action, à la fois au sommet de l'Etat et à la tête de sa propre formation, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), et essuyé le reproche d'avoir "dilapidé l'héritage de Félix Houphouët-Boigny". Aujourd'hui, il ne rêve que de reprendre son programme là où la parenthèse du coup d'Etat de Noël l'a interrompu et récupérer les rênes des mains de Laurent Gbagbo. Pour lui, le prochain scrutin présidentiel, prévu au cours du premier trimestre 2008 sans autre précision, sera la bataille électorale de sa vie - peut-être, à 74 ans alors, la dernière. Il n'en a pas connu d'autres aussi importantes- Le 7 décembre 1993, il accède au pouvoir au lendemain de la disparition du "Vieux", et pas par la grâce des urnes, mais par celle de l'article 11 de la Constitution qui fait de lui le successeur désigné. Et se fera élire en 1995 face à un seul et unique adversaire crédible, certes, mais sans réelle audience populaire : Francis Wodié, du Parti ivoirien des travailleurs (PIT). Devant ce qu'ils considéraient comme un "simulacre d'élection", les autres chefs de l'opposition avaient choisi de s'inscrire aux abonnés absents. A commencer par Laurent Gbagbo, l'actuel locataire du palais. La reconquête du pouvoir paraît aujourd'hui autrement plus rude. Mais Bédié part à la bataille apparemment ragaillardi. Ceux de ses camarades, comme les anciens ministres Laurent Dona Fologo, Lamine Fadika ou Emile Constant Bombet, qui ont tenté en 2002 de lui prendre la tête du PDCI, n'y sont pas parvenus. D'ailleurs, pour la présidentielle d'octobre 2005 -jusqu'ici objet de reports -, aucun ne s'est risqué à lui disputer l'investiture du parti. Et Charles Konan Banny, alors gouverneur de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), auquel on prêtait des velléités de candidature, avait laissé planer le doute, avant de renoncer. Aujourd'hui, Bédié semble tenir la barre et entend demeurer le champion de son camp. Dans cette reprise en main du PDCI, beaucoup ont vu tout le savoir-faire de Bédié. Le personnage un peu assoupi, à l'allure de patricien passablement emprunté, s'est révélé un redoutable man?uvrier. À chaque fois qu'on l'a dit mal en point, comme pendant son exil parisien quand le découragement le visitait, il a su rebondir. La façon dont il a résisté aux différentes tentatives de déstabilisation montre qu'il ne manque pas de ressources, qu'il est du sérail et qu'il peut se prévaloir d'une solide expérience politique. Son parcours, ponctué d'éclipses (aux allures d'enterrement de première classe) suivies de résurrections spectaculaires, l'atteste.
À 27 ans, il est le premier ambassadeur de la Côte d'Ivoire indépendante aux Etats-Unis. Par la suite, il sera successivement ministre de l'Économie et des Finances, conseiller spécial chargé de l'Afrique à la Banque mondiale, à Washington, député puis, à partir de 1981, président de l'Assemblée nationale. Et président de la République- Bien sûr, il n'a pas ce sens contagieux du contact qu'affiche Laurent Gbagbo. Encore moins la spontanéité de celui-ci, qu'il brûle d'affronter dans les urnes. Mais il peut se montrer tout aussi combatif. Tout aussi rusé également. La preuve : son rapprochement tactique depuis trois ans avec Alassane Ouattara, l'homme qu'il avait essayé d'éliminer de la scène politique au milieu des années 1990- Exclu du scrutin présidentiel d'octobre 2000, l'enfant de Daoukro, dans l'ancienne boucle du cacao, peut-il reprendre la tête du pays ? Saura-t-il toujours se prémunir des snipers de son propre camp qui rêvent de le faire trébucher et dont certains sont cornaqués par ses adversaires? Son combat relève-t-il de l'ambition légitime de réparer des erreurs, terreaux depuis une vingtaine d'années du mal-être de la Côte d'Ivoire et dont il est en partie responsable ? Arrivera-t-il à ses fins face à l'axe Laurent Gbagbo-Guillaume Soro qu'il soupçonne de se dessiner depuis la signature, le 4 mars, de l'accord de Ouagadougou? L'attelage qu'il forme avec Alassane Ouattara, son ennemi d'hier, son ami d'aujourd'hui, résistera-t-il jusqu'au bout à la compétition présidentielle. Et survivra-t-il à la (re)prise du palais d'Houphouët? Si, bien sûr, reprise il y a.
Elimane Fall
In "JA" N° 2423 - DU 17 AU 33 JUIN 2007

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