lundi 18 juin 2007 par Le Matin d'Abidjan

En France dans le cadre de la toute première grande réunion du conseil d'administration de la Nouvelle Air ivoire, tenue le 8 juin dernier à l'Hôtel Hilton, Aéroport, paris Orly, M. Charles Diby Koffi, ministre de l'Economie et des Finances, jusque-là PCA d'Air Ivoire a accepté de sa prêter aux questions de notre correspondant Europe avant son départ de la France. Il dévoile dans cet entretien la nouvelle configuration du Conseil d'administration de la compagnie, les raisons de son départ mais également fait pour nous toute la lumière sur le récent scandale à la BNI.

Vous venez de participer à la réunion du conseil d'administration de la compagnie aérienne ivoirienne Air Ivoire à Paris. Peut-on savoir la teneur des discussions ?
Je suis venu faire mes adieux au conseil d'administration d'Air Ivoire. Non pas parce que j'ai à c?ur de laisser tomber la compagnie, mais quand vous arrivez à un niveau de responsabilité, il faut savoir passer la main. C'est moi-même qui suis allé voir le président de la République pour lui dire que je souhaitais être déchargé des fonctions d' Air Ivoire, au vu de mes nouvelles contraintes en tant que ministre de l'Economie et des Finances. Ce qu'il a accepté. Je suis donc venu faire mon dernier conseil.

Comment vos pairs du conseil ont-ils accueilli cette décision ?
Le conseil s'est très bien passé. Evidemment, c'est avec beaucoup d'amertume que les autres membres du conseil ont accepté ma démission et la cooptation du nouveau président qui est une dame.

Et qui vous succède ?
C'est l'ex-ministre, madame Lagou Henriette qui a été cooptée par le président de la République et qui a été acceptée par le conseil.

Quelles sont les perspectives pour Air ivoire ?
En terme de bilan, au moment où j'acceptais le poste de président du conseil d'administration, Air Ivoire était une compagnie où l'Etat ivoirien ne détenait que 23% de parts. Elle a été conçue juste comme une compagnie sous-régionale. Il a fallu du temps pour qu'on fasse d'elle une compagnie à desserte internationale et inter-continentale. Bon a mal an les opérations se sont exécutées pendant près de cinq ans. Il faut dire aussi que la compagnie a traversé beaucoup de zones de turbulence en fonction de la crise que le pays a connue. Mais les actionnaires ont été toujours solidaires et chacun a soutenu Air Ivoire de son poids. Lorsque l'Etat de Côte d'Ivoire est devenu actionnaire majoritaire, après avoir racheté les parts de AIG, sur instruction du président de la République, nous sommes montés à 51%. Aujourd'hui, nous sommes en train de voir dans quelle mesure nous pouvons donner une nouvelle dimension à Air Ivoire. Laquelle dimension nécessite un renouvellement de la flotte. Nous allons nous débarrasser des fokker-28. Au niveau du conseil, nous avons opté pour deux types d'avion : un Airbus 320 et un Boeing 757. Nous avons déjà testé le Boeing, il se porte bien. D'ici la fin de l'année, ces deux flottes seront acquises. Ce qui permettra à Air Ivoire d'accroître son niveau de desserte.

Quel bilan laissez-vous derrière ?
Au moment où je quitte la présidence du conseil d'administration, Air Ivoire s'en sort avec un bilan positif de 52 millions. C'est petit, c'est vrai, mais ce n'est pas mal par rapport aux nombreuses pertes dues à la crise. Voilà pourquoi il est important qu'Air Ivoire prenne une autre dimension et qu'elle devienne véritablement la bonne compagnie que nous souhaitons. L'étique est bonne. Il s'agit maintenant de donner les moyens pour que la compagnie soit un label. Bien entendu, l'Etat ne continuera pas de financer Air Ivoire. En faisant un bon toilettage de son bilan, la compagnie pourra aller vers les marchés, les banques, afin qu'elle se prenne totalement en charge. Ce qui n'a jamais été le cas jusqu'à présent.

Vu que la fonction ministérielle reste éphémère, pourquoi prenez-vous le risque d'abandonner un tel poste?
Je vais vous dire une chose. Pendant près de trois ans, je n'ai pas perçu le moindre perdiem à Air Ivoire. J'ai refusé les billets gratuits. J'ai toujours payé mon billet chaque fois que je voyage sur Air Ivoire. Je n'avais pas de bureau à Air Ivoire. Je n'avais aucun avantage matériel à Air Ivoire. C'est à partir de la quatrième année d'existence de Air Ivoire que le Conseil a estimé que je risquais de créer un précédent. Il fallait qu'on me donne un minimum. Malgré cela, je suis le Pca le moins payé en Côte d'Ivoire.

Peut-on savoir votre salaire ?
En tant que PCA de Air Ivoire, je n'avais que 1,5 million de fcfa/mois. Sans voiture, ni bureau, ni carburant. Il a fallu l'année passée, pour qu'on m'octroie un bureau qu'on m'a seulement livré cette année. Le véhicule du PCA est en commande et je m'en vais. Le président m'avait confié cette mission sans contrepartie financière. Ce que j'avais accepté. C'était une responsabilité morale que le chef de l'Etat et le ministre d'Etat Bohoun Bouabré m'avaient confiée. Et je pense avoir fait ce que je pouvais.

Quelles sont les prochaines destinations d'Air Ivoire ? S'attendre à ce qu'elle desserve bientôt Roissy ?
Pour l'instant le projet de Roissy n'est pas à l'ordre du jour. Roissy est un aéroport de correspondance. Au départ, nous avons opté pour un aéroport de destination. C'est pour cela que nous sommes à Orly. Là-bas, les taxes sont moins chères. A Orly, le passager qui descend gagne près de 45 minutes par rapport à Roissy. C'est un élément de compétitivité pour nous. Pour ce qui est de l'agence à Paris, elle s'ouvre bientôt. Aussi, lorsqu'on va acquérir les nouvelles flottes, il est question de faire beaucoup plus de développement vers l'Afrique. Mais aussi d'accroître la desserte sur Paris. Tout ceci a été arrêté au niveau du conseil
.
Où en est aujourd'hui le projet de taxation des billets d'avion si cher à Chirac ?
La Côte d'Ivoire n'a pas pris des engagements éphémères. Cela n'a pas été un effet d'annonce pour nous. Nous respectons toujours nos engagements. Depuis l'année passée, la collecte a commencé à se faire. Les fonds sont disponibles. L'orientation de ces fonds va se définir, puisque c'était en direction des grandes endémies. La lutte contre le sida etc. Nous allons jouer notre partition
.
Il y a peu de temps, des ex-agents de Air Afrique ont manifesté devant l'ambassade de Côte d'Ivoire à Paris, réclamant des arriérés de salaires de l'Etat de Côte d'Ivoire. Où en est le dossier ?
Ne confondons pas les choses, parce qu'en fait, ce n'est pas une dette directe de l'Etat. Le ministre de l'Economie et des Finances de l'époque avait pris un engagement, notamment l'immeuble de la compagnie et qui avait été estimé à 6 milliards de Fcfa. Nous avons fait un effort en payant déjà 4 milliards. Il nous reste une dette de 2 milliards que nous allons régler comme convenu.

Eux, ils parlent de leur solde de tout compte après liquidation. Selon eux, les autres pays membres s'en sont acquittés, sauf la Côte d'Ivoire qui n'a satisfait que ses concitoyens mais non les agents étrangers.
Je crois qu'il va falloir demander au liquidateur de faire le point de la situation. Ce que je sais, c'est qu'en payant 4 milliards, c'était la manière pour l'Etat de Côte d'Ivoire de s'acquitter de ses engagements vis-à-vis du patrimoine sur lequel il a pris une option. Lequel argent devrait aussi permettre d'indemniser les agents.


Le dossier suit le parcours normal. Il sera transmis au conseil d'administration de ces Institutions bientôt. Et s'il est accepté, on ira vers un programme post-conflit bien défini, assorti de financements. L'important pour nous, c'est de pouvoir renouer avec la communauté internationale. C'est ce que nous sommes en train de faire et tout se passe bien. Je viens de rencontrer l'Agence française de développement (AFD) qui est un de nos gros partenaires. Les discussions ont été très bonnes. Je leur ai demandé d'activer le portefeuille existant en attendant que d'autres accords soient.

Financer le programme post-crise c'est aussi donner des priorités au budget annuel de l'Etat.
Le budget 2007 a été adopté en conseil des ministres. Le président a déjà signé l'ordonnance d'exécution. Il se chiffre à 1961 milliards dans lesquels il y a toutes les priorités de sortie de crise. Il y a également toutes les priorités de réhabilitation des infrastructures, le sauvetage de certaines filières telles que le coton. Il est assez modeste, mais prend en compte toutes les priorités de l'Etat.

Y compris l'indemnisation des expatriés français ?
Il ne s'agit pas d'indemniser exclusivement les Français. C'est l'ensemble des entreprises. Il s'agit de mettre en place un fonds pour aider les entreprises qui ont subi beaucoup de dégâts. Le fonds a été estimé à 6 milliards. Il est disponible. Ce n'est pas l'Etat qui va gérer. C'est aux entreprises elles-mêmes de mettre un comité de gestion en place et de choisir entre elles lesquelles méritent d'être indemnisées.

Parlons maintenant du récent scandale à la BNI. Que s'est-il réellement passé ?
Je voudrais rappeler que la BNI est une banque. Quoi qu'elle ait un actionnariat principalement étatique, c'est une banque. En tant que telle, elle a des règles de gestion. Ce qui vient de s'y passer n'est pas un fait exclusif de la BNI. L'ensemble des banques aujourd'hui font l'objet d'attaques de ce genre. En tant que tutelle toutefois, quel est mon rôle ? J'attends de la BNI qu'elle soit rentable, solvable, solide et pérenne. A charge pour le management de la BNI ainsi que le Conseil d'administration de prendre les bonnes décisions qui permettent d'atteindre ces résultats. Je leur fait confiance. C'est un dossier qui se gère exclusivement par le conseil d'administration, le management de la BNI et la justice. J'attends que les bonnes décisions soient prises.

Ces actes ne sont-ils pas de nature à ternir l'image du pays ?
C'est dommage. C'est choquant et regrettable. Car le scandale, comme vous le qualifiez, s'est produit sur un fonds qui n'appartenait pas à l'Etat de Côte d'Ivoire. Pour ma part, j'ai déjà donné des instructions afin que le problème soit réglé avec les Belges. A charge pour nous de régler le nôtre en interne. Cela fut ma seule intrusion dans le dossier. Pour le reste, je fais confiance aux responsables et aux agents de la banque. Et j'attends de bonnes décisions.

Peut-on sanctionner dans ce genre de dossier un DG ?
Ecoutez, il y a un conseil d'administration, il y a la justice qui sont saisis. En tant que tutelle, j'attends leur verdict. Sinon pour respecter les principes de la bonne gouvernance, le ministre, fut-il la tutelle, n'a pas le droit de s'immiscer dans la gestion quotidienne de la banque. Gardons beaucoup d'espoir pour la Côte d'Ivoire car aujourd'hui, tout est réuni pour que nous allions à la paix. Tout est réuni pour qu'il y ait la relance économique.

Philippe Kouhon
(correspondant Europe)
Philippe.kouhon@gmail.com.

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