lundi 18 juin 2007 par Le Front

Les véhicules de vidange, on les connaît. Que nous soyions à Abidjan ou dans les villes de l'intérieur, il nous a déjà été donné de voir à l'?uvre, ces camions qui laissent derrière eux, une odeur pas très agréable à respirer. Mais, si hier, ce métier a permis à ses pratiquants de se faire une place au soleil. Aujourd'hui, cette activité ne nourrit plus son homme Enquête. Monsieur vous cherchez un camion pour transporter les bagages ? Madame, un véhicule pour votre marchandise ? . De ce lot d'interpellations devenues très vite un brouhaha, parce que répétées par plusieurs personnes à la fois, l'on entend également ce mot bref et précis : ?'vidange ?''. Nous sommes à Abobo-gare, au rond-point de la mairie. L'un des espaces qui enregistrent encore la présence des camions de vidange. Avec les communes de Koumassi et Marcory au quartier Biafra. De même que Yopougon au ?'sable'' et Adjamé dans les environs du marché gouro.
Abobo-gare, Youssouf nous donne quelques informations sur le travail de vidangeur. Il nous dit, entre autres, qu'ils font la vidange des puits perdus et des WC. Après plus de dix ans passés dans le métier, Youssouf exerce une autre profession. ?'Lorsque les gens veulent faire des réparations dans leur piscine alors qu'elle contient de l'eau, ils font appel à mes services. Je la vide à l'aide d'un moteur à pompe , a-t-il expliqué concernant son nouveau travail. Dans le souci donc de nous permettre de bénéficier d'informations récentes et fiables, Youssouf nous conduit chez Bakary, qu'il appelle affectueusement ?'le vieux Bakary''. La panne d'une pièce est un sérieux souci. ?'Vieux Bakary'' est en congé technique depuis six mois, pour panne de véhicule. Toutefois, il vient à la gare chaque jour comme au temps où il travaillait. C'est son monde. C'est là qu'il se sent le mieux. A échanger avec ses amis, ceux qui ont les mêmes préoccupations que lui. ?'C'est mon bureau ici. Je viens à la gare chaque matin. Tout comme le fonctionnaire se rend à son bureau'', a-t-il indiqué pour justifier sa présence. ?'Vieux Bakary'', l'un des doyens du milieu à Abobo-gare se souvient que les choses ont énormément changé. Il y a cinq ans , à la seule gare d'Abobo, il y avait dix véhicules de vidange. Aujourd'hui, il n'en reste que deux. Il nous affirme que le troisième que nous apercevons, est hors de service. Pour cause de panne. Pour tout Abobo, il y a au total cinq camions. Deux stationnent à la gare, et les trois autres sont à côté de la station mobile (ndlr, au quartier Banco, sur l'autoroute). Ce n'est plus comme avant. Il y avait de l'ambiance. Ceux qui faisaient la vidange avaient leur mot à dire. Tous les camions tombent en panne les uns après les autres , a-t-il confié. D'un ton qui laisse clairement transparaître sa nostalgie de ce temps de bonnes recettes. Pour nous aider à comprendre les difficultés qu'ils éprouvent à mettre sur les roues les véhicules en panne, ?'vieux Bakary'' décide de nous en présenter les principales pièces. Celles qui permettent la vidange. Il nous emmène vers l'engin conduit par le frère cadet de Youssouf. Notre précédent interlocuteur, sur ce véhicule, l'on peut lire sur la portière, du côté du chauffeur, l'inscription ?'Dieu merci''. L'immatriculation faite à la main ne passe pas inaperçue. ?'Vieux Bakary'' nous montre la pompe qui coûte entre deux ?cents et trois cent mille francs cfa. Le petit moteur, lui, coûte cinq cent mille francs. Des pièces reliées les unes aux autres. Et toutes les pièces sont étroitement liées dans leur fonctionnement. Le petit moteur actionne la pompe qui remplit le fût du camion, d'air. Au cours de l'opération de vidange, c'est en faisant le processus inverse, c'est-à-dire en voulant évacuer cet air, que l'eau usée entre dans le fût. En prenant la place de l'air, une panne de l'un de ces appareils est d'autant plus préoccupante, selon ?'vieux Bakary'', que ces pièces sont rares. ?'La pompe est une pièce tirée des bateaux. C'est très difficile d'en trouver. Vous comprenez qu'il n'est pas aisé de mettre en marche les véhicules en panne. Surtout que la pompe et le petit moteur n'ont rien à voir avec les pannes techniques du véhicule même . Nous comprenons mieux le sens de l'inscription ?'Dieu merci'' sur le camion. C'est une véritable grâce d'avoir son véhicule en bon état dans ces circonstances. Les beaux jours sont loin derrière. La crise a le dos large. Aucun secteur d'activité n'a été épargné par ses conséquences. Encore moins celui de la vidange. Pendant les beaux jours de la profession, les travailleurs s'étaient accordés sur les prix. A partir de la gare, toute opération à Anyama et environ coûtait 25.000 francs cfa. Au quartier BC, 15.000 francs cfa. Les secteurs proches de la gare 13.000 Fcfa. Alors qu'aux II Plateaux, il fallait payer 30 à 40 000 francs. Bien qu'Anyama soit plus éloigné que les II-Plateaux de la gare. ?'Vieux Bakary'' explique que c'est parce que les opérations dans ce quartier prennent plus de temps qu'ailleurs. ?'Un boulot aux II-Plateaux peut vous prendre toute la journée''. Cependant, aujourd'hui, les professionnels de la vidange vivent au jour le jour. Les prix ne sont plus fixes. Ils sont le résultat du marchandage entre le client et le travailleur. Notre interlocuteur nous confie qu'il y a des jours où le véhicule ne quitte pas la gare. C'est dire qu'il n'y a pas eu de client. Les recettes sont imprévisibles. Les hommes en treillis sont encore là
Toutefois, les rares sorties ne sont pas sans tracasseries. A chaque barrage de police, le chauffeur doit débourser la somme de 500 francs cfa. Lorsqu'il s'agit d'un barrage de gendarmerie, ce qu'il doit payer varie selon la qualité des papiers du véhicule. Si les pièces sont au complet, c'est entre 2000 et 3000 francs. ?'Vieux Bakary'' confie qu'il préfère les gendarmes. ?'Quand vous payez à un barrage de gendarmes, c'est pour toute la journée. Même quand l'équipe change. Tandis qu'avec les policiers, vous payez chaque fois qu'ils se relaient. Au lieu de déversement aussi, il faut payer. Pour chaque déversement, la somme de 1000 francs cfa. Au dépotoir d'Abobo, sur l'axe Adjamé ? Dokui, deux hommes dépêchés, selon les travailleurs, par le district d'Abidjan veillent au grain. Ce sont eux qui encaissent les ?'taxes de déversement''. Mais, les professionnels de la vidange ne disposent d'aucun recours syndical pour les défendre. Le syndicat qui existait quand les choses allaient bien, n'est plus que l'ombre de lui-même. A un niveau restreint, les chauffeurs font des cotisations régulières pour résoudre les problèmes corporatistes spontanés. Solidarité oblige. A chaque métier ses réalités. Plaisir, passion, difficultés, utilité et gain. Le métier de vidangeur n'échappe pas à la règle. ?'Vieux Bakary'' et les autres, malgré les difficultés de l'heure, continuent d'exercer ce métier qui les passionne tant. Une profession d'une utilité évidente pour la population.




Cheick Khane Karaf (Stagiaire)

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