samedi 16 juin 2007 par Le Nouveau Réveil

Nous apprenons sur RFI que Laurent GBGABO, en accordant la route à Blaise Compaoré le mercredi 13 Juin après la réunion du CPC, a laissé entendre qu'il lui accordait toute la route et non "une moitié de la route". Sûr de son fait, le chef de l'Etat ivoirien a même renchéri pour dire que "ceux qui donnent la moitié de la route sont des avares". Ainsi donc, après avoir refondé la Côte d'Ivoire pendant 7 ans, le fils de Koudou Zêpê Paul jette son dévolu sur la culture Akan, la langue Baoulé en particulier dont il entreprend de corriger les imperfections. N'allez surtout pas me dire qu'il ne s'agit pas des Baoulé. Tout le monde sait en Côte d'Ivoire dans quelle langue on trouve l'expression "donner la moitié de la route", expression qui aujourd'hui tend à être utilisée par toutes les populations ivoiriennes. En ma qualité de pratiquant de la langue Baoulé depuis l'enfance, je m'autorise à apporter à Monsieur Laurent GBAGBO, l'éclairage nécessaire pour lui permettre de comprendre et d'apprécier les subtilités d'une langue qu'il ne maîtrise pas mais qu'il veut pourtant tourner en dérision.
L'expression "donner la moitié de la route" communément utilisée en dehors de son contexte culturel Akan ou Baoulé est galvaudée par un usage abusif. Situons-la dans son contexte.
Si vous prenez congé d'un Baoulé en lui "demandant la route", sa réponse sera la suivante : "Je te donne la moitié de la route, afin que tu puisses utiliser l'autre moitié pour revenir me voir" ; ou encore : "Je te donne la moitié de la route car si je te la donne toute, tu ne pourras plus revenir me voir". La moitié de la route dont il s'agit ici n'est donc pas une moitié dans le sens de la largeur de la route, c'est-à-dire 10 kilomètres sur une route de 20 Kilomètres, mais bien 20 kilomètres sur 20. Sur toutes les routes intercommunales, interdépartementales ou internationales francophones est tracé une ligne blanche divisant la chaussée en deux couloirs, l'un à gauche et l'autre à droite. Cette ligne blanche qui se trouve à gauche de chaque usager est continue ou discontinue selon qu'on peut effectuer des dépassements ou pas. La ligne est donc tracée dans le sens de la longueur de la route. La moitié de la route dont parle le Baoulé, c'est quelque chose de similaire mais légalement imaginaire car nos sentiers ne comportent pas de ligne blanche. La moitié de la route représente la partie droite de la route par rapport à celui qui s'en va et est longue de 20 Kilomètres sur une route de 20 kilomètres.
Au demeurant, si vous rendez visite à un Baoulé censé posséder des pouvoirs occultes et qu'en le quittant il vous " donne toute la route ", cela est synonyme de : " Je ne veux plus te voir revenir chez moi ", ce qui signifie encore de manière plus subtile : " Tu ne reviendras plus jamais parce que tu pars pour mourir."
Ainsi, tout Akan ayant un pouvoir de sorcellerie qui vous "donne toute la route" vous aura jeté un sort. Sur un plan symbolique, la route représente le trait d'union entre le visiteur et son hôte. La donner à l'un ou à l'autre d'entre eux, c'est supprimer ce trait d'union ; c'est exactement ce que l'on fait lorsqu'on rompt tout lien avec un individu. On dit qu'on coupe les ponts. La route est symboliquement un pont ; on ne la donne jamais entièrement ; on vous permet d'utiliser la moitié à votre droite pour partir et l'autre moitié pour revenir. C'est signe d'hospitalité que d'accorder à son hôte la partie droite de la route en lui demandant de revenir en empruntant la partie gauche qui demeure comme un trait d'union entre le visiteur et le visité. En "accordant la moitié de la route", le baoulé ne fait pas preuve d'avarice, bien au contraire. Il veut plutôt dire à son hôte : "Je ne veux pas que tu t'en ailles, je veux que tu restes plus longtemps avec moi. Cependant, si tu tiens absolument à partir parce que tu as d'autres intérêts en jeu, je t'accorde la partie de la route qui se trouve à ta droite en t'indiquant qu'il te reste le côté qui est à ta gauche pour revenir" Ce sont là les quelques précisons que je voudrais apporter à Monsieur GBAGBO en lui conseillant d'être plus prudent quand il veut se moquer de la culture des autres, surtout ceux qu'il ne comprend pas. En effet, là où Monsieur GBAGBO a mené la Côte d'Ivoire avec sa conception du mode d'acquisition du pouvoir, de son exercice et surtout du mode de règlement des conflits sociaux devrait lui inspirer un peu d'humilité. Son bilan à la tête de l'Etat devait lui faire comprendre notamment que la culture dont il est issu et qui inspire toute son action politique mérite peut-être plus d'être refondée que celle des autres à laquelle il ne comprend rien.
Tout chef d'Etat ivoirien doit s'accommoder de la mosaïque d'ethnies qui peuplent la Côte d'Ivoire et non pas regarder les autres cultures à travers le prisme déformant de sa propre tribu. Traiter les autres d'avares à partir d'une expression mal comprise, cela s'appelle du tribalisme primaire.
TE-N'DREKOU

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