vendredi 15 juin 2007 par Le Matin d'Abidjan

Grand planteur dans le département d'Aboisso et ami personnel du chef de l'Etat, SEM Laurent Gbagbo, M. Bléhoué Aka Georges est sorti récemment de sa réserve pour expliquer l'origine de la crise qui secoue depuis plusieurs mois le royaume du Sanwi. Entretien.

Vous êtes grand planteur et militant de première heure du FPI à Aboisso. Il y a une crise profonde qui secoue le royaume du Sanwi depuis plusieurs mois maintenant. Qu'est-ce qui a provoqué cette déchirure ?
Ce qui a provoqué la crise est simple. Un homme qui ne connaît pas les bienfaits de son prochain dans la vie provoque toujours contre lui la colère, le mécontentement des autres. Et cela entraîne souvent des conséquences fâcheuses. Pour l'intronisation du roi Nanan Amon N'Douffou V, je me suis beaucoup investi. Je suis même allé à la présidence de la République pour obtenir une audience pour lui avec le chef de l'Etat. Je pouvais mourir en cours de route par accident de circulation. Aujourd'hui, le roi ne reconnaît pas tous ces efforts et sacrifices. Tous ceux qui ne voulaient pas hier entendre parler de son intronisation sont ceux qui officient aujourd'hui autour de lui. Pourtant, c'est grâce à moi, qu'il a été fait roi du Sanwi. Après son intronisation, il a récupéré tous ceux qui ne voulaient pas de lui au départ. Et rejeté ceux qui l'ont porté sur le trône. C'est ce qui a provoqué cette crise. Je ne suis contre personne étant donné que ce sont aussi des fils du Sanwi. Mais ce que je n'apprécie pas, c'est que mon nom soit cité dans les journaux comme faisant partie des personnes bannies du royaume. C'est une ingratitude inqualifiable. C'est une folie que d'écrire de telles âneries sur mon compte dans les journaux.

Le document dont vous faites allusion a été rédigé par la notabilité et distribué à plusieurs journaux. Pourquoi le roi s'est-il retourné contre vous, son bienfaiteur d'hier puisque vous figurez sur la liste des 25 personnes bannies.
Lorsque le roi a été intronisé, il y a eu beaucoup de problèmes. C'est grâce à mon soutien moral et financier qu'il est aujourd'hui sur le trône. Il a vite oublié qu'un jour il est venu me voir pour me supplier de tout entreprendre pour qu'il soit roi. Avant lui, le vieux Koutoua et bien d'autres personnes ont fait la même démarche auprès de moi pour obtenir mon appui. Il est mon frère en quelque sorte puisque son père a épousé la s?ur de mon géniteur. Il était normal que je le soutienne. Je suis militant du FPI et donc adepte de la droiture. Je n'aime pas les magouilles. Je me suis impliqué pour lui apporter mon aide et mon appui à cause de mon ami et frère, le Président Laurent Gbagbo. Dieu merci, il a été intronisé. Quand il a appris par la suite que le Président de la République devait effectuer une visite d'Etat dans le Sanwi, il est venu me supplier de le conduire auprès du chef de l'Etat. Il est allé pour cela frapper à toutes les portes des cadres PDCI comme FPI en vain. Personne n'a répondu à ses sollicitations. C'est vers moi que le roi s'est encore tourné finalement afin de rencontrer le Président de la République. C'est encore moi qui ai permis au roi de le rencontrer. Pour le voyage sur Abidjan, il a avancé qu'il n'a pas de voiture, je lui ai passé ma 4x4. J'ai mobilisé les populations et loué 23 cars pour le déplacement. Les cadres se sont réunis et ont désigné un porte-parole. Au niveau du royaume, ils ont fait de même. C'est le député Bouadou N'Goran qui a parlé au nom des cadres. Quant au royaume, c'est le vieux Koutoua qui a pris la parole. Grâce à Dieu, tout s'est bien passé. Après tout cela, je reçois un courrier ainsi que le chef du village d'Adaou dans lequel le roi fait remarquer qu'il a été mal intronisé et demande en outre à être de nouveau intronisé. Nous n'avons pas compris une telle attitude. Je ne veux pas ici citer de noms, mais je sais quels sont ceux qui sont derrière tout ça. Ce sont ceux qui ne voulaient pas de lui au départ, ce sont ceux-là qui le poussent aujourd'hui au désordre dans le royaume. Fort de tout ce qui précède, comment voulez-vous que je m'intéresse à ses dérapages. Je me suis investi physiquement, financièrement, tout fait pour mobiliser les populations. Ensuite, j'ai présenté le roi au Président de la République. En retour, une fois installé, Nanan Amon N'Douffou V me paie en monnaie de singe en me lançant à la figure qu'il n'a pas aimé la manière dont il a été intronisé et qu'il faut une nouvelle cérémonie. Je déduis par là qu'il n'est pas gentil avec moi. Je me sens frustré, bafoué. C'est la raison pour laquelle je me suis retiré aujourd'hui de tout ce qui concerne le royaume. Je ne m'intéresse plus à ce roi.

Le 19 mai dernier, le roi avait convoqué une réunion de pardon et de réconciliation à Krindjabo. Vous n'y étiez pas, les cadres et élus non plus. Ne mettez-vous pas mal à l'aise ainsi, votre ami, Laurent Gbagbo ?
Je ne peux pas me renier. J'ai bien reçu la convocation mais c'était inutile d'y aller puisque j'ai été banni par ce même roi. Ce n'était pas nécessaire d'effectuer le déplacement.

C'est le temps de la réconciliation et donc de la paix. Pourquoi voulez-vous rester en retrait de la vie du royaume ?
Le Président de la République est mon ami. C'est pourquoi, je n'ai pas cessé de consentir des sacrifices pour le développement de tout le département. Je n'ai jamais refusé de me présenter quand il le faut et là où le besoin se fait sentir. Mais si j'ai opté pour une telle attitude, c'est parce que ce roi est ingrat. Et celui qui est ingrat est un criminel. C'est comme ça que j'interprète la conduite du roi du Sanwi.

Des personnes racontent que vous auriez ''acheté'' le préfet de région, N'Guessan Obouo Jacques. Vous lui auriez offert des plantations d'hévéas et permis à l'un de ses enfants d'aller étudier aux Etats-Unis. Est-ce vous qui lui dictez sa conduite dans le règlement du conflit dans le Sanwi ?
Non, c'est une méprise, une injure contre ce grand commis de l'Etat que je ne permettrai pas. Ceux-ci racontent des histoires. Le préfet N'Guessan Obouo Jacques est un fils pour moi. C'est le représentant du chef de l'Etat. Ces personnes sont contre lui parce qu'il dit la vérité, il ne contourne pas ce qui est et doit être. Il dit la vérité pour la paix dans le département, c'est pour cela que le roi et ses notables ne veulent pas de lui. Ils veulent qu'il soit de leur côté, du côté du mensonge, ce qu'il n'admet pas du tout. C'est un homme droit et juste. Il est un homme de droiture. C'est cette qualité qui fait que je le fréquente. Tenez, lorsque le roi a été reçu par le chef de l'Etat, le président a offert à ce dernier la somme de 20 millions de F Cfa plus 5 millions F CFA pour le transport des populations. Or, avant d'effectuer le déplacement, c'est moi seul qui ai tout payé. J'ai déboursé 3,7 millions pour 23 cars. J'ai donc soustrait ce qui me revient des 5 millions. Pour le reste de l'argent, (1,3 million) je suis allé consulter le préfet et présenté les dons du chef de l'Etat. Il m'a suggéré que je pouvais garder cette somme ou la remettre au roi. Sur ses conseils, je suis allé tester le roi en lui présentant le reste de (1,3 million). Il a sauté dessus et a gardé cette somme par devers lui. Je me suis fait une idée de lui depuis ce jour. Tout ceci pour vous dire que le préfet est un homme juste et droit, qui ne mange pas de ce pain-là.

A Krindjabo, on soutient que les palabres dans le Sanwi ont des relents politiques, c'est-à-dire c'est le PDCI contre le FPI. Vous qui êtes militant du parti au pouvoir, comment vous êtes-vous retrouvé au milieu des cadres du PDCI qui combattent, dit-on, aujourd'hui ce roi ?
Je ne crois pas à cela. Je suis militant du FPI. Ce sont des mensonges, des contre-vérités. Si c'était un problème politique, je n'allais jamais m'y mêler. Mais c'est parce que c'est un problème de royaume qui n'a rien à voir avec les rivalités FPI-PDCI que je m'y intéresse pour sa résolution. Les gens ne sont pas reconnaissants, c'est tout.

Il se raconte aussi que c'est parce que le roi a reçu le président Gbagbo en grande pompe à Krindjabo, son épouse Simone Ehivet Gbagbo peu de temps après, que les cadres et élus PDCI le taxent d'être un roi, FPI. C'est pourquoi, il est combattu. Est-ce la vérité ?
Sincèrement, les gens sont ingrats et ne disent pas la vérité. Tout ceci est faux, archifaux. Un roi est toujours au-dessus de tous les partis politiques. Comme le président de la République qui est le chef de tous les Ivoiriens. Il n'y a personne ici qui connaît les problèmes d'Aboisso mieux que moi. Même si je ne suis pas un intellectuel, je suis tout de même intelligent. Avant le multipartisme, quand mon ami Laurent Gbagbo venait ici à Aboisso, il était refoulé. A plusieurs reprises. C'est parce qu'aujourd'hui, il a accédé au pouvoir d'Etat que tout le monde veut montrer patte blanche. Je sais comment les gens l'ont traité ici dans le royaume. Aujourd'hui, tout le monde veut le rencontrer. C'est tard dans la nuit que je suis allé à Abidjan solliciter l'audience avec le chef de l'Etat pour le roi. J'ai pris d'énormes risques. Aujourd'hui ce roi se joue de moi comme si j'étais son enfant. C'est dans mon véhicule qu'il s'est rendu au palais (une 4x4) à Abidjan et moi dans une KIA. J'ai fait tout ça pour le royaume. Tous ceux qui le poussent aujourd'hui à bannir d'autres fils de la région, où étaient-ils hier ? Personne n'a donné un centime. On vous trompe. Ce n'est pas une affaire de politique. Mais, il a tout simplement rejeté tous ceux qui ont ?uvré pour son intronisation.

Si demain, la région s'embrase, votre ami Laurent Gbagbo ne va-t-il pas vous reprocher de n'avoir rien fait pour éteindre le feu ?
Je suis conscient des risques d'embrasement dans le royaume. Mais je ne réagis pas parce qu'il faut privilégier l'intérêt avant tout du département, et l'image du chef de l'Etat contrairement au roi et ses notables.

En tant que planteur et grand agent de développement, qu'est-ce qui vous fait courir ? Avez-vous des ambitions politiques ?
Je fais tous ces dons (écoles, centres de santé etc) à cause de mon ami Laurent Gbagbo pour qu'il soit réélu. Je lui suis très reconnaissant. Il est personnellement venu assister aux obsèques de ma mère à Aboisso. Tous les élus et cadres de tous les partis politiques sans distinction étaient présents. Si je fais du bien, ce n'est pas parce que j'ai beaucoup d'argent, mais je le fais en signe de reconnaissance à tous. J'ai toujours été proche des populations, il n'y a pas un seul village dans le département qui n'a pas bénéficié de mes largesses. Vous pouvez le vérifier.

Quel appel pouvez-vous lancer à vos frères, les cadres, les élus, le roi, les chefs de village pour que la paix revienne ?
Quand un homme est frustré, il arrive qu'il ait honte un moment donné. Avec tout ce que j'ai fait pour le roi, il ne devrait pas me jeter la pierre. J'ai déjà résolu de nombreux problèmes dans le royaume. Je me suis investi pour ramener le calme mais on me vilipende partout, on me bannit. Je préfère rester dans mon coin. C'est grâce à moi que les personnes bannies ne se sont pas encore révoltées. La situation serait pire dans le royaume, si je n'avais pas pesé de tout mon poids. Je vais toujours essayer de veiller à ce qu'il n'y ait pas de palabres.

Entretien réalisé par :
Maxime Wangué
à Adaou (Aboisso)



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