vendredi 15 juin 2007 par Nord-Sud

Après des heures d'audition hier, à la Cour d'appel de la Commune III de Bamako, le confrère Seydina Oumar Diarra du Quotidien Info-Matin a été placé sous mandat de dépôt par le procureur.

Ambiance particulière à la Cour d'appel de la Commune III de Bamako en ce jeudi 12 juin 2007. Au premier étage, les couloirs qui mènent aux bureaux du Procureur grouillent de monde. Journalistes, patrons de presse et autres responsables d'associations de presse, attendent impatiemment l'épilogue de l'interpellation d'un des leur : Seydina Oumar Diarra, journaliste au Quotidien Info-Matin.

A l'origine? Son article intitulé :la maîtresse du président de la République, paru dans Info-Matin N°2182 du 1er juin. L'article en question fait allusion à un sujet de contraction de texte d'un professeur de Lettre du Lycée Nanaïssa Santara soumis aux élèves lors des compositions de fin d'année. En substance il est écrit : Une étudiante (Dily), prostituée économique, se retrouve dans une de ses escapades charnelles entre les griffes du président de la République jusqu'à ce que grossesse s'en suive. Ce dernier craignant pour son honorabilité n'arrive pas à convaincre sa nouvelle conquête d'avorter même au prix d'une menace d'assassinat. Dily finit donc par accoucher, et préfère dans un premier temps se battre pour la reconnaissance de l'enfant par M. le président que pour des fiançailles d'infortune. Malmenée par le géniteur présumé de son enfant, Dily interrompt une réunion du conseil des ministres pour exposer la situation et plaider sa cause en présence de tous les membres du gouvernement. Elle trouve un écho favorable auprès du Premier ministre qui convainc son patron de reconnaître l'enfant. La question insolite et impromptue est vite évacuée et le président de la République n'a d'autres choix que de céder en promettant de demander la main de sa maîtresse .

Dans son analyse, l'auteur de l'article estime que ce sujet peut ?'susciter chez parents d'élèves dédain, arrogance et mépris. Car, nonobstant son caractère insolant, blessant et immoral, l'orientation sexuelle du fond du sujet est établie sans aucune ambiguïté''.

C'est le caractère moral même du sujet que notre confrère met en cause d'autant plus que le texte s'adresse à un public très jeune dans un espace qui passe par excellence pour un lieu d'éducation et de formation. C'est une allusion grotesque et maladroite à la dépravation et à la perversion moral jusqu'au sommet de l'Etat. Surtout que cette affaire de bermuda est discutée et résolue en plein Conseil de ministres en présence de la prostituée maîtresse du président de la République et bientôt future première dame de la République , relève notre confrère. Avant d'ajouter : l'allusion est franche entre les vices dévoilés du sommet de l'Etat et la permissivité que cela crée à la base. Autant dire pourquoi les citoyens se priveraient de faire comme leurs responsables, de les imiter dans l'enfer moral et le dégoûtant modèle. Une incitation tacite au délit d'offense au chef de l'Etat est implicite.

Et de conclure la vérité, c'est que c'est une fiction presque romanesque dont les personnages sont imaginaires même si, quelque part, cela heurte la morale en ce sens que ça peut être comme une incitation implicite à la débauche des jeunes filles qui doivent craquer pour les mecs les plus ?'pimpants''.

Notons qu'au moment où l'auteur de l'article subissait sa longue audition, celui du sujet était soumis à des tortures morales au niveau de la Sécurité d'Etat. Par ailleurs, l'émotion se lisait sur tous les visages des hommes de médias qui se sont rendus dans les lieux moins pour ?'chasser l'information'' que pour marquer leur solidarité vis-à-vis de leur confrère.

Interrogé par Nord-Sud Quotidien, le Directeur de publication de Info-Matin, Sambi Touré a laissé entendre que c'est plutôt lui-même qui est visé. Ce n'est pas par de telles méthodes que le pouvoir arrivera à m'intimider, lance-t-il.

Pour le président de la Maison de la presse, Makan Konaté, cette interpellation aussi bien dans sa forme que dans son fonds est en porte-à-faux avec les textes en vigueur sur les délits de presse au Mali.





De notre correspondant permanent à Bamako, Abdoulaye

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