vendredi 15 juin 2007 par Nord-Sud

Militants, militantes et sympathisants du Rdr

Lorsque des citoyens d'un même pays se mettent ensemble pour créer une formation politique, c'est à la fois autant de convergences et de divergences qui se croisent et qu'ils consentent à mettre dans un même moule à un moment de l'histoire. Ce sont des destins parfois d'essences différentes qui volontairement, sans toutefois renier leur identité, rejettent leur solitude, pour se fondre dans la diversité qui enrichit.

Certains y voient la rampe de leur ascension sociale par le mérite ou non. Pour d'autres, c'est la voie royale de l'expression de leur différence par rapport à une forme de pensée et d`être. Il en existe qui l'appréhendent comme le lieu de la proclamation de leur liberté et de leur modèle social. Il y a aussi ceux qui y voient le moyen de faire changer un ordre établi. Les plus opportunistes y trouvent le sésame pour accéder à une puissance financière, quel qu'en soient le prix, la forme et les moyens.

Je veux relever là que nous sommes tous au parti, des particularités avec des fortunes diverses.





Le Rdr a-t-il pu échapper à sa naissance à cet environnement de dualité entre les intérêts de ses militants ? Je ne le crois pas.

Comme toutes les associations politiques du monde, la condition de notre existence dans ce parti est liée au bon dosage de ces sensibilités diverses, et la Direction du Rdr a été mandatée pour gérer ces différences dans les voies de l'équilibre, de la sagesse, de l'équité et de la justice. C'est en cela qu'à juste titre le philosophe français Jean Paul Sartre a dit que « quand beaucoup d'hommes sont ensemble, il faut les séparer par des rites, ou bien ils se massacrent ».

Cet impératif existentiel a commandé notre démarche dans la gestion du Rdr depuis ses débuts, et nous nous sommes efforcés de tempérer les excès naissant et d'établir les règles d'une bonne cohabitation à tous les échelons à l'intérieur du parti. Nous sommes partis du principe qu'il nous fallait sceller des liens forts entre nos différences, afin qu'il en jaillisse le rayonnement d'un parti qui soit le lieu de rencontre des peuples de toutes les origines du pays, dans l'espérance, la tolérance, la courtoisie et la fraternité.

La jeune histoire du Rdr a écrit ainsi ses premières pages à partir du 27 Septembre 1994, et les plus sublimes, sous la conduite de notre Secrétaire Général consensuel, feu Djéni Kobina.





Il a incarné l'autorité agissante, le bâtisseur de la symbiose de notre diversité, de l'harmonie de notre volonté d'être et d'exister. Sous son autorité, le Rdr a été marqué par cette marche aux pas de tambours, cadencée par des vagues d'adhésions et de sympathies d'hommes et de femmes dont seul, notre idéal politique a emballé le cour.

En ces moments, le pouvoir d'état n'était pas cette « lune à cueillir » qu'il nous paraît aujourd'hui, mais ce jardin que nous arrosions avec notre sueur, notre sang, nos tripes, et à l'extrême, avec l'audace de notre vie, afin qu'à terme, par les urnes, nous en cueillions les lauriers pour la gloire du peuple, pour la gloire et la fierté des militants du Rdr.

Aujourd'hui donc, y a-t-il vraiment des raisons d'espérer en ce grand rêve et en ce grand dessein qui ont entraîné tant de vies, tant de mutilés, tant d'exilés, tant de personnes mises au chômage et tant de frustrés sous le manteau des répressions successives ?





La direction du parti a-t-elle su capitaliser les acquis de ces années de lutte pour étancher la soif de démocratie, de justice et de liberté de ses militants et des ivoiriens pour qui le Rdr incarnait la résistance et l`espoir d'un ordre nouveau ?

Le constat de la situation actuelle est amer. A telle enseigne que le Rdr est devenu inapproprié aux valeurs politiques que je défends et au principe de vie que je veux incarner pour les générations futures.

Des cadres, des femmes, des hommes et des jeunes, des instances du Rdr ou des structures informelles, m'ont fait l'honneur de croire que de par mes fonctions et responsabilités au sein du parti, je pouvais influer sur le cours des choses, afin que la diversité s'exprime et que notre parti soit le confluent des élites de ce pays.

Mais j'ai fini par vite réaliser qu'à force d'apprendre à nager dans le petit bain, la direction du Rdr a beaucoup de mal à sauter dans le grand.

Les 4 et 5 mars 2006 a eu lieu l'une des plus importantes cessions du Bureau Politique. Elle a été marquée, chose inédite, par une grande innovation, celle de la pratique de la démocratie interne telle que rêvée dans toute formation politique. La base s'est exprimée durant deux jours à travers un diagnostic objectif, sans complaisance, de la situation du parti.

Eclairé et édifié sur les dangers qui menacent le parti d'une sclérose totale si les mesures urgentes n'étaient prises, le Bureau Politique a donné les pleins pouvoirs au Président du Parti et arrêté solennellement les grandes décisions suivantes (référer le quotidien Nord Sud du 6 mars 2006)





I. La restructuration du parti, qui devrait se traduire par la mise en place d'un secrétariat général rénové, avec la création d'un poste de Secrétaire Général Délégué. Dans cet élan, le Bureau Politique a décidé qu'il n'y ait pas de cumul entre les fonctions de membre du gouvernement et celles d'animateur au quotidien du Parti.

2. La primauté aux structures de base, en vue de favoriser un meilleur encadrement des militants. Cela devait se faire. Dans une politique d'amélioration de l'implantation des comités de base et des sections. Le Bureau Politique a décidé que les secrétaires de section aient désormais une vraie légitimité et bénéficient d'une formation permanente.





3. L'organisation du congrès du Rfr au mais d'avril 2006 pour donner un nouvel élan à la mobilisation et à la cohésion des femmes du Rdr.

4. La nomination des délégués généraux à l'étranger en vu de réorganiser les structures et de suivre tout le processus électoral jusqu'aux élections présidentielles d'octobre 2006.

5. La création d'un ordre républicain pour récompenser et rendre hommage aux militants qui s'illustrent admirablement au service du parti.

6. La définition d'une feuille de route du parti d'ici les prochaines élections. 7. Le renforcement de l'alliance dans le Rhdp.

8. Le soutien au Gouvernement

9. Le soutien à la communauté internationale

10. Le témoignage de sympathie pour les déplacés et victimes de guerre.

L'enjeu pour moi reste de savoir quels moyens la parti s'offrait pour son positionnement en tant que force politique alternative, à un moment où les attentes des populations en général et celles de nos militants en particulier militaient pour une rupture totale avec l'ordre existant. Les militants du Rdr l'ont exprimé avec force argument et la Bureau Politique devait en donner droit. Les ivoiriens attendaient des signes de notre renouveau d'action, mais le sursaut n'a pas été possible. Les grands changements promis n'ont pu voir le jour à cause de la résistance des vieux réflexes.





Aujourd'hui, pour ce qui me concerne personnellement, lorsque je jette un regard sur le chemin parcouru, je dois à la vérité de constater que la flamme de la confiance semble éteinte. Ce sentiment intime qui justifie les liens d'attachement entre des hommes et des femmes, et conditionne les choix pour une cause, souvent au détriment de ses propres intérêts. J'ai résisté à cette corrosion de nos rapports militants et fraternels. Mais la virulence des allusions tendancieuses, qui ont souvent pris l'allure d'une croisade contre mon intégrité morale et intellectuelle, voir même contre mon honneur et ma dignité, durant des années et par les voies les plus viles de la rumeur planifiée et de la presse aux ordres, ont fini par avoir raison de cette valeur si précieuse. Hélas !

Sans la confiance, aucune action concertée n'est possible.





Aussi pour éviter de tomber dans les polémiques et les débats sans effet, je prends la respectueuse liberté de la rupture fraternelle. J'ai décidé de marquer un arrêt. Il s'agit moins de défection à l'idéal commun que d'une volonté manifeste de s'assumer autrement. Il faut savoir se quitter pour mieux se retrouver dit-on.

Je me dois donc, autant par éducation que par convenance, d'annoncer ma décision de quitter le parti, notre parti.

Ce parti auquel j'ai donné plus d'une décennie de ma modeste existence. Je quitte le Rdr, mais je n'abandonne pas le combat, et mieux, je ne quitte pas la ligne de front où je m'engage à investir toute mon énergie.





En tout cas, je ne nourris aucun ressentiment contre qui que ce soit, croyez-moi, j'en suis incapable. En revanche, je voudrais assurer les militants et les sympathisants du Rdr de mon amitié, de ma fraternité et de ma profonde considération, à quel que échelon du parti où ils se trouvent. De 1994 à 2007, j'ai vécu cette aventure parfois exigeante, souvent difficile, mais toujours exaltante. Je ne regrette rien. Bien au contraire. Je suis fier d'avoir servi une cause dont la grandeur et la noblesse sont incontestables. Je suis aussi fier d'avoir servi une personnalité d'envergure internationale. II s'agit du Docteur Alassane Dramane Ouattara, un homme de grande qualité intellectuelle, morale et professionnelle.

Nous avons mené ensemble le combat de la justice et de la dignité humaine.

Comme de nombreux militants, moi aussi j'ai eu mon lot de souffrances, moi aussi, j'ai eu ma part d'humiliations.

C'était du temps de l'adversité féroce, le temps des années de braise. Dieu merci, le désert a pu être traversé et, même si la terre promise n'a pas encore été atteinte, on peut affirmer que les cieux eux, sont devenus plus cléments.





En tout état de cause, je ne faillirai jamais à l'idéal commun, celui du combat pour la justice, l'égalité, les droits de l'homme et la démocratie en Côte d'Ivoire. La lutte continue et elle ne faiblira pas. Je quitte le Rdr, mais je ne quitte pas le combat. Je reste avec vous au front.





Ce qui est en jeu, ce ne sont point les raisons ni les motivations du combat dont la noblesse nous a valu cet engagement au service du Peuple de Côte d`Ivoire.

Ce qui est en jeu, c'est mon avenir, c'est l'avenir de ces millions d'ivoiriens qui ont cru de bonne foi en une espérance.

C'est l'avenir de tous ceux qui se sont engagés avec nous dans ce combat.





Merci pour ces années de ferveur militante et républicaine.

Merci pour cette fraternité partagée avec tant d'entrain.

Merci de nous retrouver dans une humanité encore plus forte.

Merci à toutes mes soeurs et à tous mes frères qui me font l'honneur de m'honorer de leur sympathie et de leur soutien.

Tant que la Cote d'Ivoire n'a pas renoué avec la paix et la stabilité,

Tant que les ivoiriens du nord et du sud ne seront pas à nouveau rassemblés et unis,

Tant que la situation sociale et économique des populations interpellera notre conscience de citoyen, je resterai dans l'élan de la lutte et de l'espérance.

Je vous remercie.





Fait à Abidjan le 14 Juin 2907





Zémogo Fofana

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