mercredi 13 juin 2007 par Nord-Sud

L'affolement gagne le secteur de la pêche industrielle. Leur activité est mise à mal par les pluies diluviennes qui tombent actuellement sur la plateforme portuaire.

La pêche industrielle tangue. L'ancre est jeté à l'eau. La brume de mer et le vent glacial que provoquent les pluies diluviennes qui tombent quasiment chaque jour à Abidjan, semblent avoir raison des armateurs à la pêche. Plus d'une vingtaine de bateaux (12 sardiniers et 10 chalutiers) sont en accostage au port de pêche. Des filets sont superposés en plusieurs tas sous les hangars où sont débarqués habituellement d'importantes cargaisons de poissons. D'autres sur lesquels certains pêcheurs s'adonnent au nouage des mailles, sont simplement étalés sur le sol. Mais ce lundi, ce haut lieu d'échanges qui réunissait les armateurs et les mareyeurs est presque désert. Les hommes de mer ne boudent pas cette atmosphère morose. Puisqu'ils en profitent pour prendre des moments de repos sur leurs filets.

Les captures de poissons en baisse considérable





Des petits groupes de pêcheurs devisent le long des quais. Une image qui en dit long sur le fléchissement des activités au port de pêche. Les armateurs sont désorientés par les mauvaises conditions atmosphériques. Cette année, du fait du décalage climatique, les pluies ont pris du retard. Ce n'est que dans ce mois de juin que les grosses intempéries commencent à tomber véritablement. Dans ce contexte, nous n'arrivons plus à pêcher correctement parce que le poisson émigre.

Soit il va en profondeur, soit il reste en surface, mais dans le courant. D'une manière naturelle, le poisson est pêché dans le courant contraire parce c'est dans cette direction qu'il vient chercher sa nourriture. Le secteur le plus touché est la pêche sardinière, déplore le président du groupement des armateurs.

Selon Maguiraga Salim, avec les pluies diluviennes, il y a un déversement en grande quantité des fleuves dans la mer. Suivi d'un phénomène naturel de refroidissement de cette eau, qui précédemment était à une température élevée. Le fait de recevoir de l'eau à une température plus basse crée un courant qui ne leur facilite pas la tâche. L'année dernière, se rappelle-t-il, les précipitations sont arrivées un peu plus tôt. C'est-à-dire vers la mi-mars. Donc jusqu'au mois de juin, leur intensité avait connu une baisse considérable, créant du coup de bonnes conditions de pêche. Mais malheureusement, le secteur a été durement frappé par un drame dû au déversement d'hydrocarbures aux larges des côtes de Jacqueville dans la nuit du 27 au 28 mars 2006. Un tableau noir qui hante encore l'esprit des opérateurs. D'autant que les trois premiers mois après cette catastrophe, les captures avaient chuté de 90%, entraînant ainsi le secteur vers un profond coma. Lors de la saison des pluies tel que c'est le cas maintenant, ce sont les petits filets qui sont plus adaptés. Or nous ne disposons que de filets de 750 à 1200 mètres de long et 65 à 90 mètres de large, donc très longs et qui, une fois immergés, ne nous offrent pas assez de possibilité. Parce qu'on n'a pas assez de force pour les remonter compte tenu de l'effet du courant, argumente l'armateur. Les opérateurs se trouvent dans une situation dramatique. Leurs prises ont considérablement baissé. Sur 18 bateaux, seulement 2 sont sortis dimanche sans mettre le filet à l'eau. Deux autres sont rentrés ce lundi avec respectivement 23 et 40 caisses de poissons. Or habituellement pendant le mois de juin qui est un moment reconnu pour l'abondance de la pêche, les prises tournent en moyenne entre 100 et 150 caisses par bateau. Conséquence immédiate, notre chiffre d'affaires connaît une chute drastique qui est comprise entre 85 et 90%. Cela veut dire qu'on ne travaille pratiquement plus. Si ces intempéries continuent sans cesse, nous craignons qu'une pénurie de poissons frais ne survienne à l'horizon, prévient M. Maguiraga. Il précise que plusieurs bâtiments peuvent rester à quai pendant plus d'un mois dans ces conditions. Jusqu'à ce que la situation se stabilise un tout petit peu. Certains opérateurs profitent du ralentissement des activités pour faire la révision de leurs filets et mettre les bateaux en cale sèche pour l'entretien. En cas de période d'étale (quand la mer ne s'agite pas), certains bâtiments qui se trouvent déjà en mer tentent de reprendre l'activité. Mais les conséquences peuvent être incalculables pour les armateurs. Le risque est grand dans la mesure où on peut endommager fortement notre matériel de travail, précisent les hommes de mer. Pour les marins pêcheurs, la brume et le vent sont également de véritables obstacles pendant les moments de pluies. Le danger est permanent à partir du moment où la mer est devenue la sépulture de plusieurs pêcheurs. Les fortes pluies réduisent sensiblement la visibilité en mer.





Les extractions de sable menacent les espèces





Les chalutiers tanguent beaucoup à cause des vents violents. A telle enseigne que certains marins pêcheurs passent souvent par dessus bord. L'année dernière, nous avons perdu certains de nos camarades dont on n'a jamais retrouvé les corps. C'est une période très délicate pour nous. Que pouvons-nous faire d'autre puisque c'est cela notre métier?, s'interroge Kouassi Yao Barthélemy, secrétaire général du Syndicat des marins pêcheurs de Côte d'Ivoire (Symapeci).

Pour les équipages, les actions de l'homme sur l'environnement influencent négativement la flore aquatique. Les extractions sauvages de sable sur le littoral entravent gravement notre activité. Le poisson comme tout être vivant, a un habitat qui est la vase, le sable. Quand il est menacé, il s'enfuit vers d'autres zones moins risquées. Cette agression de l'homme favorise malheureusement la rareté de plusieurs espèces. Nous estimons que ces choses doivent être régulées, fait remarquer un opérateur du secteur. Le phénomène mondial de réchauffement climatique inquiète aussi les armateurs. Il y a 15 ans, on n'avait pas de problème d'amplitude. C'est-à-dire qu'on n'assistait pas trop aux écarts de marées. Ce qui est différent aujourd'hui. De sorte que vous pouvez observer un écart d'un mètre voire même plus entre la marée basse et la marée haute. Il y a 15 ans, cet écart tournait autour de 45 centimètres. Tous ces facteurs signifient simplement que nous sommes en train de nous autodétruire, s'alarment les exploitants maritimes. Ces opérateurs sont obligés quelques fois de compresser leur personnel pour faire face aux nombreuses charges. C'est une période pendant laquelle, on met souvent notre personnel au chômage technique, revèlent-ils. C'est dans ce contexte extrêmement difficile, que les armateurs fustigent la dernière hausse de certaines charges au port de pêche. Les frais de loyer ont triplement augmenté. Sans énumérer les nombreuses taxes. Notre loyer qui revenait annuellement à 672.000 Fcfa en 2006 a été fixé cette année à 2.400.000 Fcfa par la direction du port de pêche. Nous ne comprenons pas l'opportunité d'une telle décision, pestent-ils. Par ailleurs, devant cette situation, ils redoutent un renchérissement du prix du poisson et une arnaque sur le marché de détail. Nous craignons que certains importateurs n'en profitent pour faire passer leurs poissons congelés comme du poisson frais et les revendre plus cher aux consommateurs. Ce serait vraiment dommage, préviennent-ils.





Cissé Cheick Ely

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