mercredi 13 juin 2007 par Le Nouveau Réveil

Ressources. Abidjan multiplie les déclarations contradictoires sur sa production d`or noir, donc sur ses royalties. A la demande de la Banque mondiale, un audit est en cours. En Côte-d`Ivoire, on a du pétrole, mais pas de comptabilité. A l`issue d`une mission à Abidjan, à la mi-mai, la Banque mondiale avait évoqué la reprise de ses programmes avec l`ancienne colonie française, suspendus depuis trois ans, à la condition expresse que le régime de Laurent Gbagbo ouvre ses livres de compte, notamment sur la rente pétrolière. Le 29 mai, le ministre de l`Economie, Charles Diby Koffi, a assuré qu`un audit était en train d`être mené. "Il permettra de répondre aux rumeurs d`opacité", a-t-il déclaré. Des rumeurs paradoxalement alimentées par le ministre lui-même. Car Charles Diby Koffi a ajouté que cet audit "[nous] permettra de nous situer et d`avoir le niveau réel de notre production." Premier producteur de cacao au monde, la Côte-d`Ivoire ­ on le sait moins ­ possède aussi du pétrole, exploité off-shore par plusieurs opérateurs étrangers modestes (le Canadien CNR et l`Irlandais Tullow, principalement). Rien à voir, certes, avec le Nigeria voisin qui, avec 2 millions de barils par jour, occupe le premier rang en Afrique et le sixième à l`échelle mondiale. Pourtant, l`exploitation du brut est en hausse constante en Côte-d`Ivoire. Flou artistique. Dans quelle proportion ? "Nul le sait vraiment", remarque un expert étranger. "Même dans des pays considérés comme particulièrement opaques, comme le Cameroun ou le Gabon, on a des chiffres de production. Mais pas en Côte-d`Ivoire", s`étonne un activiste qui milite pour la transparence de la gestion pétrolière. De fait, le gouvernement multiplie les déclarations contradictoires. Jusqu`à ces derniers jours, il évoquait "une augmentation de 50,7 % en 2006", soit une production moyenne de 60 000 barils par jour. Puis, fin mai, il a cité le chiffre de "40 000 à 50 000". "Les 80 000 barils/jour annoncés officiellement n`ont jamais été atteints", a juré le ministre de l`Economie, ajoutant à la confusion.
Ce flou artistique sur les chiffres ne doit rien au hasard. Même pompé en (relativement) modeste quantité, le pétrole rapporte gros. Exporté intégralement et en toute discrétion, il échappe en grande partie aux statistiques officielles. Le ministre de l`Economie l`a d`ailleurs lui-même reconnu à mots couverts : "La quantité produite n`est pas automatiquement reversée à l`Etat", a-t-il dit, évoquant un "contrat de partage" entre l`Etat et les opérateurs. Des contrats passés de gré à gré, sans publicité.
Variations. Le montant réel des revenus pétroliers affecté au budget est ainsi sujet à caution, ne serait-ce qu`en raison des variations des chiffres de production distillées par le gouvernement. En 2006, le budget de Côte-d`Ivoire se montait officiellement à 1 965 milliards de CFA (3 milliards d`euros), dont 187,6 milliards CFA (290 millions d`euros) de recettes pétrolières. Un chiffre qui, selon certains experts, ne correspond pas forcément aux royalties touchées par l`Etat ivoirien, mais aussi aux taxes prélevées sur les produits pétroliers. Pour un haut fonctionnaire étranger, bien au fait du dossier, "les recettes pétrolières sont probablement équivalentes à celles du cacao".
Par Thomas Hofnung

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