lundi 11 juin 2007 par Le Matin d'Abidjan

Le président de l'ancien parti au pouvoir descend dans l'arène. A la suite de l'autre ténor du RHDP, il man?uvre activement pour le repositionnement de l'ONU dans le processus électoral. Il s'en est ouvert au Président burkinabé chez qui il était ce week-end.

Il a le sommeil troublé. L'élection présidentielle qui va couronner le processus de paix, donne le tournis au leader du PDCI. Konan Bédié milite donc de plus en plus ouvertement, pour le retour de Gerard Studman. A tout le moins, il man?uvre pour la nomination d'un nouveau haut représentant de l'ONU chargé des élections. Une option mise en veilleuse par les arrangements politiques signés il y a trois mois. Aussi, l'ancien chef d'Etat demande-t-il des comptes au facilitateur, sur la mise en ?uvre des conclusions du dialogue direct. " A l'issue de l'entretien, nous avons fait un tour d'horizon des problèmes pendants, au sujet de la mise en ?uvre du processus de paix. Précisément sur l'accord de paix, il y a encore des points sur lesquels des clarifications doivent être faites. Nous nous sommes entretenus sur cela, en attendant la réunion de Yamoussoukro ", a confié Bédié à sa sortie d'audience. En clair, il campe sur la position qui est la sienne depuis la signature du document. Rappel : Deux petits jours après la publication des résolutions, Bédié a rué dans les brancards, remettant en cause des dispositions contenues dans le texte. Conséquence, ses alliés du G7, co-signataires, ont décrié son hypocrisie, ayant donné sa caution à Soro. C'est donc ça : le PDCI manigance pour la mise à plat de l'accord de Ouaga. In fine, c'est le déroulement des élections qui hante le ''candidat naturel'' de l'ex parti unique. " Les conditions ne sont pas remplies pour des élections en Côte d'Ivoire ", a lâché Bédié hier. Donnant du coup du grain à moudre à ceux qui le suspectent d'?uvrer à la prééminence de l'ONU, sur l'organisation du scrutin présidentiel. In fine, c'est l'accord de Ouaga conclu le 4 mars dernier que le PDCI tente de diluer. Un combat qu'il mène de concert avec Alassane Ouattara. Le patron du RDR n'a non plus jamais digéré le départ du haut représentant de l'ONU. Et toutes les occasions sont bonnes pour lui de crier son amertume. ADO man?uvre depuis longtemps pour des élections dirigées de bout en bout par la communauté internationale. Depuis trois jours, Bédié est descendu à son tour dans l'arène. Un jour avant le départ du président du PDCI pour la capitale burkinabé, son collègue du RDR clamait son désarroi à Abou Moussa, l'actuel patron de l'ONUCI. Des confrères qui rapportent la teneur de la rencontre qui s'est déroulée au cabinet d'ADO aux II Plateaux (Cocody) relèvent que Ouattara a vertement manifesté son indignation. La récusation du haut représentant chargé des élections, soutient-il, est une violation de l'accord de Pretoria. L'absence de l'ONU à la tête des structures devant régenter la compétition à la magistrature suprême, selon ADO, augure de tripatouillages électoraux. Et " le RDR ne peut pas accepter qu'on permette l'organisation d'élections frauduleuses ", menace le ''brave-tchê''. Puis d'officialiser son aversion pour les arrangements politiques facilités par le président du Burkina Faso. Là-dessus, il exprime ses regrets que " l'ONU foule aux pieds ses propres résolutions. " Pour lui, l'organisation a pêché, en laissant le chef de l'Etat ivoirien trouver une alternative à la résolution 1721. Bédié et ADO passent donc à l'offensive à la veille de la première réunion du ''cadre permanent de concertation'', organe de veille de l'accord de Ouaga, en présence de Compaoré à Yamoussoukro. Ils mettent la pression, pour se faire entendre par le facilitateur du dialogue direct. Ceci dit, affirment des sources bien informées, les sorties et les man?uvres du PDCI et du RDR ne sont pas fortuites. Les deux ténors du RHDP soupçonnent fortement Guillaume Soro d'avoir partie liée avec Laurent Gbagbo. Le Premier ministre, croient savoir Bédié et Ouattara, est en ''deal'' avec le locataire du Palais d'Abidjan-Plateau. Ils y croient, et n'ont cure des démentis formels de Soro et ses hommes. Aussi estiment-ils, leur salut viendra de la prise en main des élections par la France sous le manteau de l'ONU. Les chefs de l'opposition sont d'autant méfiants que les conclusions du dialogue direct les marginalisent. Du moins,pensent-ils. Mais au-delà, décryptent des observateurs de la faune politique ivoirienne, le RHDP ne conçoit pas la mise à l'écart de la France dans le processus de sortie de crise. Ils sont nostalgiques du temps pas très reculé où le GTI, adoubé par les services africains de l'Elysée, faisait la pluie et le beau le temps. Mais à y voir de près, les chefs de file des houphouëtistes prêchent dans le désert. L'accord de Ouaga ne prévoyant aucun mécanisme qui inclut l'ONU dans le processus électoral. Tout au plus, apaise le représentant adjoint du SG de l'ONU en Côte d'Ivoire, il est prévu ''une mission de certification'' des joutes électorales à venir. Sans doute, à la demande du chef de l'Etat qui a récusé Stoudman, comme Pierre Schori avant lui. Lundi 21 mai dernier, Laurent Gbagbo s'est étendu sur les raisons de cette option. Il n'admet pas, s'est-il justifié, que ces fonctionnaires onusiens en arrivent à se comporter comme des chefs d'Etat bis. Gbagbo fustige leurs ingérences intempestives dans la conduite des affaires de l'Etat " alors que notre pays n'est pas en faillite, les institutions fonctionnent. " Et de mettre le pied dans le plat, face aux diplomates africains accrédités en Côte d'Ivoire, ses hôtes du jour : " L'époque des gouverneurs est passé. En Côte d'Ivoire, il n'y a pas de gouverneur, mais un chef d'Etat. Il n'y a pas non plus de vacance de pouvoir. C'est pourquoi j'ai écrit à l'ONU pour demander leur départ. Parce que j'ai eu l'impression que ces deux hommes étaient venus diriger la Côte d'Ivoire à ma place. " De là à prédire l'échec de l'activisme de Bédié et Ouattara, il y a un pas que nombre d'observateurs franchissent. Et ce, en dépit des appuis qu'ils attendent de la communauté françafricaine.

Guillaume N'Guettia

Le retour des déstabilisateurs
Après Bongo et Kuffuor et Ellen Sirleaf, sauf changement de dernière minute, le président sénégalais Abdoulaye Wade sera le quatrième Chef d'Etat africain à être reçu à l'Elysée par Nicolas Sarkozy, depuis son accession à la magistrature suprême de son pays. La rencontre entre Wade et son hôte français est prévue pour cet après midi. Au menu des échanges, on note le Darfour et la Côte d'Ivoire. Si l'on peut concéder aux deux hommes de s'entretenir sur le Darfour du fait du drame humanitaire qui s'y déroule en ce moment, le cas de la Côte d'Ivoire intrigue. Surtout quant on sait que depuis la signature le 4 mars dernier de l'Accord de Ouaga sous les auspices de Blaise Compaoré, la Côte d'Ivoire est dans un processus de paix qui pour le moment marche. Et si le président ghanéen John Kuffuor s'est entretenu de la Côte d'Ivoire avec son homologue français, c'est au nom de l'UA dont il préside aux destinées en ce moment. L'on se demande alors à quel titre Wade et Bongo, deux éléments assez actifs de la Françafrique, discutent à huis clos, avec Sarkozy du cas ivoirien. La démarche est plus que suspecte et conforte la thèse selon laquelle ils sont en mission commandée. Avec pour objectif de convaincre le successeur de Chirac de reprendre en main la gestion du dossier ivoirien; et de facto, de remettre en selle Ado et Bédié en retrait depuis la signature de l'accord de Ouaga. L'on se souvient d'ailleurs que c'est l'appel que Ado avait lancé il y a peu à son ''ami'' Sarkozy. En sus, les deux chefs de file du Rhdp avaient, dans un courrier adressé au SG de l'Onu, souhaité que le poste de Haut représentant des Nations Unies pour les élections tenu en son temps par Stoudmann soit maintenu contrairement à l'accord de Ouaga. Certainement que Wade et Bongo ont décidé de s'impliquer dans le combat de leurs deux amis ivoiriens. Et à l'analyse, cette thèse est la plus plausible. Et conforte l'idée selon laquelle les déstabilisateurs sont de retour. Autrement, la logique aurait voulu que pour parler de la situation en Côte d'Ivoire, à défaut des autorités ivoiriennes, l'interlocuteur le plus indiqué pour la communauté internationale soit Blaise Compaoré, président en exercice de la Cedeao, facilitateur du dialogue direct et garant moral de l'accord de Ouaga.

Mireille Abié

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023