vendredi 8 juin 2007 par AFP

ABIDJAN - Le commerce du cacao ivoirien a en partie servi à financer le conflit armé de ces dernières années, indique un rapport d`une ONG internationale à paraître vendredi, qui appelle les consommateurs à faire pression sur les multinationales du secteur pour mettre fin aux détournements.

"Plus de 118 millions de dollars issus du commerce du cacao ont financé
l`effort de guerre des deux parties dans le récent conflit armé en Côte
d`Ivoire", estime l`ONG Global Witness dans ce rapport intitulé "Chocolat
chaud: comment le cacao a alimenté le conflit en Côte d`Ivoire".

"La Côte d`Ivoire est le plus gros producteur mondial de cacao destiné à
l`industrie chocolatière", rappelle cette ONG basée à Londres et spécialisée
dans les liens entre les conflits et l`exploitation des ressources naturelles.

Ce rapport, dont l`AFP a obtenu copie, souligne "la tendance du secteur du
cacao ivoirien à la mauvaise gestion des revenus, à l`opacité des comptes, à
la corruption et au favoritisme politique".

Il note que les prélèvements sur le cacao ont apporté des revenus
substantiels aux deux belligérants ivoiriens, tant au gouvernement au pouvoir
au sud qu`à la rébellion des Forces nouvelles (FN) qui s`est emparée de la
moitié nord en septembre 2002, date du début de la crise politico-militaire.

Le gouvernement loyaliste aurait ainsi détourné "plus de 58 millions de
dollars pour l`effort de guerre", selon le rapport.

La rébellion a de son côté mis en place un système de taxation parallèle du
cacao qui lui a rapporté "environ 30 millions de dollars par an". Ce système a
permis aux FN "non seulement de survivre en tant que mouvement, mais également
à certains de ses représentants de s`enrichir aux dépens de la population du
nord de la Côte d`Ivoire", souligne-t-il.

Le rapport établit également l`existence de circuits financiers occultes
destinés à financer l`armement, impliquant des établissements parapublics du
secteur cacao et du secteur bancaire liés à certaines multinationales.

Opacité et juteux revenus font du cacao "une filière régie par la violence
et la peur", souligne-t-il enfin.

Il dénonce ainsi "différents actes d`intimidation perpétrés à l`encontre de
ceux qui ont tenté d`enquêter sur la corruption au sein du commerce du cacao
ou de la dénoncer, depuis la disparition du journaliste franco-canadien
Guy-André Kieffer en 2004 à l`enlèvement d`un juriste français (relâché
ensuite, ndlr) qui effectuait un audit de la filière cacao pour l`Union
européenne".

Face à ce constat, le directeur de Global Witness, Patrick Alley, appelle
dans un communiqué "les entreprises internationales exportatrices de cacao à
être "plus transparentes" et à s`assurer "que leur argent aille en soutien au
développement et pas dans les poches d`élites".

Il invite également les consommateurs à faire pression pour exiger cette
transparence: "Votre barre chocolatée a de fortes chances de contenir du cacao
ivoirien et il se peut qu`elle ait financé le conflit dans ce pays, ce qui
laisse un arrière-goût amer".

La Côte d`Ivoire produit 40% du cacao mondial, soit deux fois plus que le
Ghana, numéro deux mondial. Le cacao est la principale ressource économique du
pays (35% de la valeur des exportations en moyenne). L`Union européenne est la
principale destination du cacao ivoirien avec 61% des exportations.

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