mardi 5 juin 2007 par Le Nouveau Réveil

Vous êtes depuis le vendredi 1er juin, le super Ebony. C'est-à-dire le meilleur journaliste ivoirien. Quelles sont vos premières impressions ?
Il faut, en toute humilité, replacer d'abord les choses dans leur contexte. Je ne suis pas le meilleur journaliste ivoirien. Le jury a tout simplement décidé que parmi les journalistes qui ont présenté cette année des travaux, les miens étaient les plus significatifs. Donc, on peut dire que dans une certaine mesure, j'ai été le meilleur de ceux qui ont concouru cette année. Ceci étant, pour tout journaliste, voir son travail récompensé par des professionnels, c'est toujours une satisfaction. Satisfaction morale d'abord, parce que c'est une preuve qu'on applique les fondamentaux du métier. Et qu'un tant soit peu, on essaie de faire son métier avec rigueur et honnêteté. Ensuite, satisfaction professionnelle parce qu'au moment où la presse en Côte d'Ivoire est accusée de tous les maux, d'être responsable de la guerre, si on célèbre l'excellence, le retour au journalisme, c'est dire que, plus que tous les compartiments cités comme étant partie prenante de la crise, les journalistes ont décidé de faire leur autocritique et d'emprunter le chemin de l'excellence. Le Super prix Ebony va-t-il avoir une influence sur le journal que vous dirigez ?
Absolument ! je pense que le prix récompense une certaine façon de faire. J'étais en train de procéder, il y a quelques jours, à une comptabilité. Depuis la naissance de Nord-Sud Quotidien, à ce jour, nous en sommes à 300 enquêtes et enquêtes express, à près de 280 reportages et grands reportages. C'est dire que nous avons décidé de nous insérer résolument sur la voie du journalisme d'investigation. Ces grands genres que nous avons décidé de promouvoir vont être valorisés davantage. Nous allons leur donner beaucoup plus de place. Et insister pour que la plupart des jeunes confrères que nous avons la responsabilité de diriger et les stagiaires que nous avons la responsabilité de former acquièrent le goût de ces grands genres. Parce que finalement, au fond, le journalisme, c'est cela. Vous avez également dirigé le quotidien "Le Patriote", où vous avez fait de très bonnes enquêtes, des reportages mais, vous n'avez jamais voulu postuler à ce prix. Aujourd'hui, vous dirigez Nord-Sud Quotidien et vous remportez le Super prix Ebony. Etait-ce la ligne éditoriale de "Le Patriote" qui vous gênait ?
Mon choix n'avait rien à voir avec le fait que je sois au "Patriote". Bien au contraire, personnellement, je suis toujours réticent quand il s'agit d'aller compétir avec des confrères. Parce que, pour moi, le talent, la valeur d'un journaliste ne se mesure pas sur une production ponctuelle. Cela se mesure sur une production d'au moins une année. Sinon sur toute une carrière. Cette année, je me suis présenté sur insistance particulière de mon directeur général Méité Sindou qui a toujours voulu qu'il fallait que Nord-Sud soit présent à tous les rendez-vous, à tous les challenges. J'ai été aussi encouragé par le secrétaire général de la rédaction, Dembélé Al Séni qui ne m'a pas laissé de repos. Il m'a demandé de réunir nos articles. Il m'a vraiment poussé à me présenter. En suivant leurs conseils et pressions amicales, je me suis résolu à présenter mes textes. Et Dieu a fait le reste. Pensez-vous qu'un journal hautement politique et partisan puisse remporter un jour le prix Ebony ?
Tout cela n'a pas d'importance, à mon sens. Dans la formule actuelle, le Prix Ebony récompense des textes, des productions. Et les productions, telles qu'elles sont présentées, peuvent passer indifféremment dans tous les journaux de la place. Parce que ce sont en général des travaux basés sur des faits, et leur examen objectif. Mais en général, on classe un journal selon telle ou telle tendance en fonction des commentaires que les rédacteurs font. Or les commentaires ne sont pas pris en compte dans la compétition. Seuls les faits comptent. Pour me résumer, je dirais que la ligne ou la coloration d'un journal, dans la formule actuelle, n'a pas d'importance. C'est le talent du journaliste qui est primé.
Quels sont les trois grands genres que vous avez présentés et qui vous ont consacré ?
Au titre de la grande interview, j'ai présenté celle de l'ambassadeur de France, SEM André Janier. Suite à l'accord de Ouaga qui a été conclu sans aucune participation de la France. Je lui ai demandé si c'était la fin de l'influence de la France en Côte d'Ivoire. Ensuite au titre de l'enquête, je me suis intéressé à la téléphonie cellulaire au volant. J'ai vu qu'en Côte d'Ivoire, sur près de 18 millions d'habitants, il y a 4 à 5 millions d'abonnés au téléphone. Et parmi les abonnés, il y a plus d'un million d'automobilistes. Et il n'y a aucune réglementation de l'utilisation du cellulaire au volant. J'ai donc voulu m'intéresser à cela. A savoir que quand on téléphone au volant, on ne multiplie pas les risques d'accidents ? J'ai consulté des experts, des études, des documents. J'ai fait des interviews. J'ai pris contact avec des automobilistes, des assureurs, le DG de l'OSER, des médecins. Enfin, en ce qui concerne le grand reportage, je me suis intéressé à ce qui s'est passé en Guinée. Je m'y trouvais lors des heures chaudes du régime Conté. Où l'armée, la garde présidentielle, est sortie et a tiré sur les manifestants qui réclamaient la nomination d'un nouveau Premier ministre et la démission du gouvernement. Je suis allé partout voir les blessés, les morts. J'y étais même lorsque l'état de siège a été proclamé. Ce sont des articles assez récents. Faut-il en conclure que vous travailliez dans le sens du Prix Ebony ?
Comme nous disposons ici d'une cellule d'enquête, nous avons puisé dans ce "frigo", quelques unes des enquêtes que j'avais déjà mises en boite". Et que nous avons publiées. Il y a certaines qui étaient assez récentes. Et d'autres comme l'enquête sur la téléphonie cellulaire était un peu plus vieille. A qui dédiez-vous ce Prix ?
A tout le personnel de Nord-Sud Quotidien. Moi, je ne suis que le chef d'orchestre, mais les talents sont individuels. Mon travail est de mettre en exergue les talents, les gens avec lesquels j'ai la grande chance et l'honneur de travailler. Ce sont ces jeunes qui travaillent nuit et jour pour faire de Nord-Sud, un journal crédible, faire de moi, un rédacteur en chef respecté. C'est à eux que je dédie ce prix. Je dédie ensuite ce prix à mon directeur général, mon ami et frère Méité Sindou. Qui a su nous rassembler autour de ce projet. Certes, nous avons mené le projet ensemble. Mais il a été l'élément fédérateur. C'est lui qui a su nous amener à nous dépasser pour faire naître ce projet. Et je tiens à le remercier.

Yves M. Abiet

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